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Jean-François CARLOT

Dernière mise à jour : 09 Mars 2015


LA GESTION DU RISQUE "DRONE"



Présentation

I - Réglementation

II - Les risques liés aux drones

III - Responsabilités liées aux drones
IV - La prévention du risque drone

V - L'assurance du risque drone





Les drones : Anges ou démons ?

L'utilisation d'appareils aériens radio-pilotés ou télécommandés n'est pas nouvelle, depuis leur usage militaire jusque dans l'aéromodélisme, en passant par des applications civiles.

Il existe de nombreuses associations de passionnés d'aéromodélisme qui fabriquent eux-mêmes leurs appareils, et organisent des manifestations publiques.

L'organisation de telles manifestations nécessitent d'ailleurs des autorisations et des mesures de sécurité spécifiques (Distances de sécurité, gestion des fréquences...) pour prévenir les risques de collision avec des spectateurs, lesquels peuvent avoir des conséquences dramatiques.

Néanmoins, les jouets télécommandés de notre enfance n'étaient pas ressentis comme une menace...

Il en est tout autrement de l'apparition des drones actuels, compte-tenu de leurs possibilités de vol stationnaire et de leur caractère intrusif, y compris à l'intérieur des bâtiments.

De plus, il suffit de consulter les vidéos des sites commerciaux de fabricants de drones "jouets" pour se rendre compte que leur publicité est très axée sur le caractère intrusif, y compris dans des lieux privés, de drones miniaturisés (mini-drones...), susceptibles d'observer, d'enregistrer, ou de retransmettre des images, voire de faire des farces...

Par ailleurs, cette publicité laisse croire qu'on peut faire tout et n'importe quoi, avec un drone "jouet", sans la moindre référence à une quelconque réglementation et notamment l'interdiction de prise de vue, ce qui laisse rêveur...

  • Voir par exemple sur le site de Parrot : Skycontroller - Bebop, ou sur Youtube .

    Il est bien évident que de telles possibilités techniques ne peuvent être qu'inquiétantes, tant pour la sécurité, que pour le respect de la vie privé à l'heure des réseaux sociaux, lorsqu'elles sont menées avec inconscience des dangers potentiels.

    Néanmoins, si les phénomènes de mode et le marketing ternissent l'image des drones, ceux-ci permettent de rendre les plus grands services à la collectivité, et dans le domaine professionnel.

    Le faible encombrement de ce type d'appareil dépourvu de passager lui permet d'atteindre l'inaccessible au moindre coût, de l'explorer sans danger en toute discrétion, voire d'y intervenir activement.

    Le premier hélicoptère télécommandé sans pilote embarqué, a été utilisé en 1987 pour pulvériser des cultures par l'entreprise japonaise Yamaha Motor Company of Iwata.

    Aujourd'hui, des hélicoptères Yamaha RMAX pulvérisent des pesticides sur les rizières japonaises ou servent à planter, désherber et fertiliser.

    Des drones sont utilisés par une organisation non lucrative pour inspecter les forêts tropicales de la partie nord de Sumatra (en Indonésie) à la recherche d'orangs-outans.

    Mais au delà de leurs applications pacifiques, et du fait de leurs capacités illimitées d'intrusion, les engins sans pilote offrent un champ étendu à la malveillance mais aussi à des risques d'accident de toute nature, ce qui explique la méfiance dont les "drones" ont toujours fait l'objet.

    C'est ainsi que l'utilisation commerciale des "UAV" est actuellement toujours interdite aux États-Unis, en attendant l'élaboration de directives par l'administration fédérale de l'aviation (FAA) attendues d'ici fin 2015.



    En Europe, une communication de la Commission au Parlement Européen vise à ouvrir le marché de l'aviation à l'utilisation civile de systèmes d'aéronefs télépilotés, d'une manière sûre et durable.

    En France, La dénomination de "Drone", qui a une consonance essentiellement militaire dans les autres pays du monde, correspond, selon l'article 3 de l'Arrêté du 11 avril 2012 , à un aéronef civil qui circule sans aucune personne à bord (Unmanned Aerial Vehicle - UAV)

    Mais cette définition peut être étendue à tout engin susceptible de se déplacer, dans les airs ou sur terre, voire dans l'eau, par télépilotage, ou de manière automatique.

    Sa réglementation est applicable aux activités particulières de :
    • Traitements par épandage
    • Le largage de charges de toute nature
    • Le remorquage de banderoles ou de toute autre forme de publicité
    • Les relevés, photographies, observations et surveillances aériennes
    Mais non à celles de ballons libres, fusées ou cerfs-volants.

    Il existe cependant bien d'autres utilisations possibles, même si elles ne sont pas visées expressément par cette réglementation, telles que relais de communication, balises, télédiffusion…

    Il existe deux types de drones :
    • l'un consacré aux des activités particulières des professionnels
    • L'autre concernant l'aéromodélisme, relatif aux activités de loisirs

    Ces deux usages ont fait l'objet d'un engouement rapide, notamment en Europe, où de nombreux modèles spécifiques sont commercialisés à l'intention des professionnels et des particuliers, depuis sa mise à disposition du grand public, notamment par le fabricant Parrot , suscitant autant d'intérêt que de craintes.

    La multiplication de ces appareils peut faire craindre des usages non maîtrisés de nature à créer des risques nouveaux, notamment à l'égard de la navigation aérienne.

    Mais il représente un fabuleux enjeu de sécurité, dans la mesure où il peut permettre des surveillances et des interventions en milieux périlleux et hostiles, tels que centrales nucléaires, ou travail en hauteur, sans exposer de vie humaine.

    De plus, les aéronefs sans pilote embarqué, ne sont que les premiers représentants d'une série de concepts de moyens de transport : par air, terre et eau, qui pourraient impacter notre vie quotidienne.

    Ainsi, de même que les réseaux numériques ont révolutionné les communications, les systèmes de transport autonomes pourraient, après les imprimantes 3D, favoriser les échanges de biens, et nous faire rêver de téléportation…

    Mais comme tout processus explosible, il convient d'en limiter les excès qui pourraient entraîner des conséquences dommageables.

    Le survol de centrales nucléaires, et de la ville de PARIS par des engins non identifiés ne peut que faire redouter des actions de malveillance, et inciter à la mise à la place de dispositifs adaptés (détection, destruction) pour lutter contre ce danger nouveau.

    Aujourd'hui, plus de 250 opérateurs de drones et 14 constructeurs se sont créés en France en un an et demi, ce qui démontre l'explosion de ce marché.

    Les applications vont du simple loisir, jusqu'aux besoins industriels de collecte de données, notamment pour la surveillance d'ouvrages d'art, de lignes électriques, de réseau de chemin de fer ou de pipe-line, en passant par les photographies destinées aux agences immobilières ou à l'événementiel.

    Beaucoup d'aéromodèles, qui ne peuvent réglementairement être utilisés qu'au dessous des 150 m, et hors agglomération ou survol de lieux habités, peuvent être détournés à des usages d'observations de tiers, avec le sentiment d'invincibilité que donne la clandestinité.

    Et ce n'est pas la multiplication des applications de "type" Iphone qui risque de limiter ce phénomène !

    Enfin, le risque drone apparaît dans toute son ampleur dans des pays totalitaires où tels "big-brother" ils pourraient permettre de surveiller toute une population, et constituer ainsi une atteinte aux Droits de l'Homme.

    En France, il existe une Fédération Professionnelle du Drone Civil (FPDC), régie par la loi de 1901 qui fédère les acteurs privés et institutionnels dans le secteur du drone français, notamment les constructeurs et les opérateurs : www.federation-drone.org

    Lancé en 2015, Drone Multirotor est le premier magazine consacré aux drones civils en France.

    Enfin, il existe également sur Internet de nombreuses communautés d'utilisateurs de drones, telles que : Forumdrone

  • I - Réglementation

    La France est l'un des premiers pays à s'être doté d'une réglementation spécifiques aux drones civils.

    Elle est détaillée sur le
    site du Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en ce qui concerne le secteur aérien des transports.

    La réglementation spécifique relative aux drones, repose essentiellement sur deux arrêtés de la Direction Générale de l'Aviation Civile (DGAC) du 12 avril 2012, publiés le 10 mai 2012 :
    • L'un relatif à la conception des aéronefs civils qui circulent sans aucune personne à bord, aux conditions de leur emploi et sur les capacités requises des personnes qui les utilisent .

      Les constructeurs doivent obtenir de la DGAC une attestation de conception de type, précisant, notamment, la catégorie de l'aéronef Il est donc interdit de "bricoler" un drone...

    • L'autre relatif à l'utilisation de l'espace aérien par les aéronefs qui circulent sans personne à bord :

      • Les opérateurs doivent figurer sur une liste établie par la DGAC mentionnant, notamment, la nature de l'activité, le scénario de mission (S1 à S4), le constructeur et le modèle d'aéronef utilisé.
      • Scénario S1 : opération en vue directe du télépilote se déroulant hors zone peuplée, à une distance horizontale maximale de 100 mètres du télépilote.
      • Scénario S2 : opération se déroulant hors vue directe, hors zone peuplée, dans un volume de dimension horizontale maximale de rayon d'un kilomètre et de hauteur inférieure à 50 m du sol et des obstacles artificiels, sans aucune personne au sol dans cette zone d'évolution.
      • Scénario S3 : opération se déroulant en agglomération ou à proximité de personnes ou d'animaux, en vue directe et à une distance horizontale maximale de 100m du télépilote.
      • Scénario S4 : activité particulière (relevés, photographies, observations et surveillances aériennes) hors vue directe, hors zone peuplée et ne répondant pas aux critères du scénario S2.
      • Les télépilotes doivent obtenir une certification officielle (formation théorique) et disposer d'une DNC (Déclaration de Niveau de Compétence).

        Il existe trois types de pilotage : à vue, hors vue et automatique.
    Les autorisations de vol passent par le dépôt préalable auprès de la DSAC (Préfectures) du Manuel d'Activité Particulière (MAP).

    L'article D 133-10 du Code de l'Aviation Civile interdit la prise de vue aérienne sur des zones faisant l'objet d'un arrêté interministériel.

    Toute personne qui souhaite effectuer des enregistrement d'images doit en faire la déclaration préalable.

    Cette déclaration peut donner lieu à une enquête au titre de l'article L 114-1 du Code de la Sécurité Intérieure.

    A défaut elle s'expose aux peines prévues par le 5e de l'article 131-13 du Code Pénal pour les contraventions de 5e classe :

    L'article D133-13 du Code de l'Aviation Civile précise que les supports d'enregistrement peuvent être examinés à tout moment par les services de police.

    Seuls les drones de catégorie A, moins de 25kg, comportant un seul type de propulsion, sans dispositif de prise de vue et utilisés en vue directe, sont dispensés du document de navigabilité et sont autorisés à voler sans condition particulière concernant les capacités requises pour le télépilote.

    Voir sites spécialisés :


    II - Les risques liés à l'utisation des drones

    Le "drone" est un engin souvent "furtif", évoluant dans les trois dimensions, se prêtant aux usages les plus variés que l'évolution de la technique et de la miniaturisation peuvent multiplier à l'infini. Le recours aux nano-technologie, peut le rendre indécelable... .

    Il peut être utilisé dans les domaines les plus divers de la sécurité militaire ou civile, la prévention et la gestion des risques naturels, l'ingénierie, la surveillance ou la maintenance des installations industrielles, le journalisme, l'architecture, l'urbanisme…

    Dans le domaine des risques climatiques : inondations, avalanches, séismes… il permet la recherche et le secours de victimes.

    Par ses capacités de portage, il lui est possible d'acheminer de petites charges (médicaments…) vers des lieux inaccessibles ou de procéder à des reconnaissances (prélèvements…) ou des interventions en milieux hostiles (nucléaire…)

    Le drone remplace l'hélicoptère dans les médias : cinéma, reportages, avec une souplesse inégalée, mais aussi avec les excès que celle-ci peut entraîner au regard de la vie privée.

    Enfin, par sa mise à disposition aux particuliers à des coûts toujours plus

    bas, il peut servir tout autant de jouet, que pour des usages d'observation plus ou moins légitimes (Photographies aériennes, vidéos, filatures …)

    Son utilisation fait donc courir des risques spécifiques allant du simple accident, jusqu'à la malveillance.

    Les risques sont réels, et ne peuvent que s'amplifier avec la multiplication des drones, et l'imprudence de leurs utilisateurs :
    • En avril 2014, en Australie, un drone qui filmait un triathlon, s'est écrasé sur une athlète, la blessant gravement.

    • Le 8 mai 2014, en Floride, un avion de ligne avait évité de justesse un drone qui volait à 700 mètres d'altitude.

    • Le 9 mai 2014, un drone (Octoptère S1000 DGI Pâles) dont le vol n'était pas autorisé s'est écrasé sur une plage de Nice, sans faire de victimes.

    Il existe trois types de risques majeurs :

    III - Responsabilités découlant de l'utilisation des drones

    Les entreprises ou les collectivités font généralement appel à des entreprises spécialisées pour toute intervention nécessitant une observation par drone : inspection de lignes aériennes, cartographies, contrôle de bâtiments ou d'installations industrielles ou d'équipements collectifs…

    Ces entreprises interviennent dans le cadre d'un contrat d'entreprise, qui met notamment leur charge une obligation accessoire de sécurité, tant à l'égard de leur client que des tiers, qui peut être qualifiée de "résultat".

    Les dommages occasionnés par le prestataire engagent donc sa responsabilité à l'égard de son client sur le fondement de
    l'article 1147 du Code Civil, et à l'égard des tiers sur celui des article 1384, al.1 du même code, en qualité de gardien de son appareil, que sur celui des articles 1382 et 1383, pour faute.

    Toutefois, l'entrepreneur principal qui fait appel à un entreprise sous-traitante pour mettre en oeuvre drone n'est pas délictuellement responsable, envers les tiers, des dommages causés par son sous-traitant.

    Mais si à l'occasion d'une utilisation de drone des dommages sont causés à des tiers, ces derniers pourront disposer d'un recours à l'encontre du donneur d'ordre, ou de l'entrepreneur principal, notamment en cas de faute de sa part dans la choix de l'entreprise de drone sous-traitante non habilitée, ou dans des demandes d'intervention non autorisées par la réglementation.


    Selon
    l'Article L 6131-2 du Code des Transports , l'exploitant d'un aéronef est responsable de plein droit des dommages causés par les évolutions de l'aéronef ou les objets qui s'en détachent aux personnes et aux biens à la surface.

    Il s'agit donc d'un régime spécifique de responsabilité de plein droitt, qui prime les règles du Code Civil.

    En effet, la responsabilité de l'exploitant ne peut être atténuée ou écartée que par la preuve de la faute de la victime, mais non par la force majeure ou le cas fortuit.

    Cette faute pourrait néanmoins être constituée, et être au moins partiellement exonératoire, par la présence d'une personne qui participe à une évolution de drone en toute connaissance de cause, notamment sans respecter le délai de distance de 30m.

    En cas de dommage causé par un aéronef en évolution à un autre aéronef en évolution, la responsabilité du pilote et de l'exploitant de l'appareil reste nénamoins régie par les dispositions du code civil.

    L'article 1384, al.1, du Code Civil , pose le principe selon lequel on est responsable des dommages causés par les choses dont on a la garde, notamment si elle dispose d'un dynamisme propre, sauf cas fortuit et de force majeure.

    Il en est ainsi de n'importe quel objet tel qu'un modèle réduit ou un drone civil.

    Est considéré comme gardien celui qui exerce un pouvoir de contrôle et de direction sur la chose, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un préposé.

    Le gardien restera donc responsable de plein droit des conséquences dommageables d'une perte de contrôle ou d'une panne de son engin, notamment du fait de sa chute sur une personne ou un bien.

    Il ne pourra pas s'exonérer de sa responsabilité en invoquant une défaillance technique, ou un incident de navigation (rafale de vent…), dans la mesure où même s'ils présentent un caractère irrésistible, il ne sont pas imprévisibles.

      b - Responsabilité pour faute

    Les
    articles 1382 et 1383 du Code Civil disposent qu'on est responsable des dommages causés par son imprudence, sa négligence et sa maladresse.

    Une telle faute n'est pas l'apanage du télépilote, mais peut incomber également à celui qui a la charge de l'entretien ou de la maintenance de l'appareil. II en est nécessairement ainsi en cas de non respect de la réglementation, tant en ce qui concerne les caractéristiques du drone, son utilisation, ou la formation du télépilote, que la violation des régimes d'autorisation.

    Dans tous les cas, l'erreur ou la maladresse de pilotage engage la responsabilité de son auteur, en même temps que celle de celui qui doit en répondre (employeur…)

    En tout état de cause, le fait de confier un drone à une personne qui n'a pas les compétences ni les autorisations nécessaires est une faute.

    c - Responsabilité du fait d'autrui

    L'article 1384, al.1, du Code Civil dispose qu'on est responsable de ses préposés et des personnes dont on doit répondre :

    L'article 1384, al.5, précise que le commettant est responsable du dommage causé par ses préposés dans l'exercice de leurs fonctions.

    Le problème se pose, bien entendu, lorsqu'un drone échappe au contrôle de son propriétaire : utilisation à l'insu de l'employeur par un salarié.

    L'article 1384, al.4, du Code Civil, dispose que les parents sont solidairement responsables du simple "fait" de leur enfant mineur à l'origine d'un dommage même si ce fait n'est pas fautif et respecte la réglementation.

    Les employeurs et les parents sont donc automatiquement responsables de tout dommage causés par des appareils sans pilote utilisés à usage de drones par leurs enfants mineurs, y compris lorsqu'il s'agit de jouets ou d'aéromodèles.

    Par ailleurs, les organisateurs de manifestations sportives ou de loisirs, seront sensibilisées au risque "drone" à l'égard des participants, dans la mesure où ils sont débiteurs envers eux d'une obligation de sécurité, qui peut être de résultat.

    d - Responsabilité du fait des produits défectueux

    Le fabricant de drone, peut voir sa responsabilité engagée en cas de dommage causé par un défaut de sécurité du produit qu'il a mis sur le marché.

    Le risque de perte de contrôle d'un drone peut être la conséquence d'un vice caché qui engagerait la responsabilité du vendeur sur le fondement des
    articles 1641 et suivants du Code Civil, relatifs à la garantie des vices cachés, sachant que tout vendeur professionnel est censé connaître les vices de la chose qu'il vend et reste tenu à réparation intégrale.

    Ces obligations de conformité et de sécurité du produit sont encore renforcées à l'égard des consommateurs, notamment par l'article L 212-1 du Code de la consommation, notamment en ce qui concerne les drones de classe G assimilables à des jouets.

    Enfin, le régime spécifique de responsabilité du fait des produits défectueux issu de la Directive du 25 Juillet 1985, et transposé dans les articles 1386-1 et suivants du Code Civil, abolit toute distinction entre les régimes de responsabilité contractuelle et quasi-délictuelle, et permet d'agir directement contre le fabricant ou l'importateur.

    Un tel recours pourrait présenter un intérêt en cas de dommages causés par la non conformité ou le défaut de sécurité d'un drone dont le propriétaire ou l'utilisateur ne peut être identifié.

    Il permettra même à une victime, dans certains cas, d'agir devant une Juridiction américaine à l'encontre d'un fabricant américain pour obtenir une réparation supérieure à celle qui aurait pu lui être attribuée en France (Dommages punitifs….)

    Mais dans tous les cas, pour exercer un recours contre le vendeur et le fabricant, la victime ou la personne tenue à réparation qui sera subrogée dans ses droits, devra prouver l'existence d'un vice caché ou d'un défaut de sécurité, et son lien avec le dommage, ce qui est loin d'être évident en cas de destruction du drone.

    B - Responsabilité Pénale de l'entreprise

    Selon
    l'Article L 6232-2 du Code des Transports : Est puni de six mois d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende le fait pour le pilote de survoler, par maladresse ou négligence, une zone du territoire français en violation d'une interdiction.

    L'utilisation d'un drone, notamment sur des zones habitées ou des sites sensibles (voisinage d'aéroports…), est susceptible de caractériser le délit de mise en danger de la personne prévu et réprimé parl'article 223-1 du Code pénal qui dispose que :

      Le fait d'exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement est puni d'un an d'emprisonnement et de 15.000 € d'amende.

    C'est sur ce fondement qu'un lycéen de NANCY a été condamné après avoir utilisé un drone pour filmer des monuments de la ville.

    Mais les infractions les plus dommageables pouvant être liées à l'utilisation d'un drone concernent les atteintes à l'intégrité des personnes (Blessures et homicide involontaire : Art 221-6 et 222.19 du Code Pénal).

    Enfin, l'Article 322-5 du Code Pénal prévoit et réprime la destruction, la dégradation ou la détérioration involontaire d'un bien appartenant à autrui par l'effet d'une explosion ou d'un incendie provoqués par manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement.

    Les peines sont alors majorées si cet incendie est intervenu dans des conditions de nature à exposer les personnes à un dommage corporel ou à créer un dommage irréversible à l'environnement.

    Enfin, il existe des infractions spécifiques en cas d'entrave à la circulation aérienne de nature à causer un danger pour la sécurité des personnes.

    Elles sont susceptibles d'être commises à l'occasion de l'évolution d'un drone à moteur thermique dans des zones à risque (zones boisées en état de sécheresse, voisinage de lignes électriques…), ou des couloirs aériens, notamment à proximité d'aéroports.

    Si l'article 121-1 du Code Pénal pose le principe que : nul n'est responsable pénalement que de son propre fait, la personne morale de l'entreprise, ou son dirigeant peut avoir à répondre pénalement de fait commis par les préposés qui mettent en œuvre des drones, notamment s'il n'a pas veillé à l'application de la réglementation dans son établissement.

    En effet, l'article 121-2 du Code pénal dispose que "Les personnes morales, à l'exclusion de l'État, sont responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7 et dans les cas prévus par la loi ou le règlement, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants".

    Cette responsabilité de la personne morale n'est en aucun cas une cause légale d'exonération pour le dirigeant ou toute autre personne physique auteur de l'infraction : puisque l'article 121-2, alinéa 3, dispose que : "La responsabilité pénale des personnes morales n'exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits".

    Enfin, on sait que depuis les arrêts "amiante" de 2002 , le chef d'entreprise est tenu d'une obligation de sécurité de résultat à l'égard de ses salariés, dont la violation, en cas d'accident du travail, est constitutive d'une "faute inexcusable" au sens des articles L 452-1 et suivants du Code de la Sécurité Sociale , et met à sa charge l'indemnisation des dommages corporels non couverts par le Livre IV du même Code.

    IV - La prévention des risques liés à l'utilisation professionnelle des drones.

    L'utilisation des drones peuvent relever de l'activité principale d'une entreprise prestataire de service.

    Mais rien n'interdit à une entreprise d'exploiter de manière occasionnelle ou permanente ses propres drones.

    Il est bien évident que selon le degré d'utilisation, les mesures de prévention du risque "drone" seront plus ou moins renforcées.

  • Les drones comme outil de sécurité

    L'utilisation des drones peut représenter un élément de sécurité efficace pour l'entreprise, en évitant d'avoir à exposer directement ses salariés aux dangers d'un travail en hauteur ou en milieu hostile, aux fins d'inspection ou d'intervention.

    Il s'agit donc d'un précieux moyen technique qui ne doit pas être négligé.

    En cas d'accident, il pourrait être reproché à un chef d'entreprise d'avoir inutilement exposé ses salariés à des risques (Inspection périlleuses…), alors que des drones auraient pu être utilisés…

    De plus, son utilisation est infiniment moins coûteuse que la mise en place d'échafaudages, de location de nacelles ou d'équipement de sécurité individuels "lourds", notamment en atmosphère toxique ou à proximité d'effluents.

    Selon que ces besoins seront récurrents ou habituels, ou plus périodiques, il appartient à l'entreprise de s'interroger sur l'opportunité de posséder et d'exploiter ses propres drones, ou de faire appel à des entreprises spécialisées.

  • Evaluation du risque "drone" dans le Document Unique

    Il appartient réglementairement au chef d'entreprise d'évaluer les risques que peut faire peser l'utilisation de drones pour ses salariés, tant dans ses établissements que sur des chantiers extérieurs, avant de mettre en place des mesures de prévention.

    Cette évaluation relève du rôle du Risk-Manager.

    C'est dans le Document Unique, ou document unique d'évaluation des risques (DU ou DUER, institué par le décret n° 2001-1016 du 5 novembre 2001, transposant la directive européenne sur la prévention des risques professionnels), que l'employeur doit lister de manière exhaustive et structurée les risques pouvant nuire à la sécurité de tout salarié, dont, bien évidemment ceux relatifs à l'utilisation des drones.

    L'Article R 4121-1 du Code du Travail dispose que l'employeur transcrit et met à jour dans un document unique les résultats de l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs.

    Cette évaluation comporte un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l'entreprise ou de l'établissement, y compris ceux liés aux ambiances thermiques.

    Dès qu'une entreprise envisage de faire usage de drones, elle est donc tenue d'en évaluer les risques pour son personnel, en fonction de leurs conditions d'utilisation.

  • Le Règlement Intérieur et les drones

    Obligatoirement établi dans les entreprises employant habituellement au moins 20 salariés, le Règlement Intérieur fixe les règles relatives à l'hygiène et la sécurité, ainsi qu'à la discipline.

    Il peut viser des interdictions et des mesures de discipline spécifiques en matière du risque "drone" : Interdiction d'introduction ou d'utilisation de drones personnels au sein de l'entreprise…

  • · Consignes écrites

    Le chef d'entreprise doit également formaliser des consignes écrites en ce qui concerne l'éventuelle utilisation de drones dans l'entreprise, lesquelles doivent être portées à la connaissance du personnel.

    Ces consignes devront être contresignées par le personnel affecté à l'utilisation de drones.

    Leur mission devra être décrite avec précision : nature et lieu de l'intervention, durée.. et faire l'objet d'un plan de vol remis aux autorités.

    Mais les opérateurs pourront aussi donner un accord exprès à ce que les données accidentellement collectées ne soient ni exploitées, ni conservées à des fins personnelles.

  • Habilitation du personnel

    Le chef d'entreprise doit justifier avoir effectué des actions de sensibilisation, d'information et de formation nécessaires pour assurer la sécurité des salariés, conformément aux Articles R4141-1 et suivants du Code du Travail . Cette formation doit être formalisées à l'égard de chaque salarié concerné.

    Mais surtout, il doit veiller à l'habilitation des personnes pour la mise en œuvre des drones, et au respect de la réglementation : L'exploitant doit donner de strictes instructions à son personnel de veiller à ce qu'aucun aéronef télépiloté soit utilisé, à une distance horizontale de moins de 30 mètres de toute personne, sauf à lui faire signer une attestation d'information sur le risque encouru.

  • Vérification de la conformité des drones à la réglementation

    L'entreprise doit veiller à la conformité des drones qu'il utilise à la réglementation.

    Rappelons que selon l'Article L4313-1 du Code du Travail, l'autorité administrative habilitée à contrôler la conformité des équipements de travail et des moyens de protection peut demander au fabricant ou à l'importateur d'un drone communication d'une documentation technique dont le contenu est déterminé par voie réglementaire.

    Toutefois, il ne semble pas que l'Article R4311-5 relatif aux "machines" soient applicables à des drones qui sont soumis, de manière exclusive et spécifique, aux dispositions issues de la transposition, hors du code du travail, de directives européennes définissant leurs règles de conception et de construction.

  • Contrôle des données

    L'employeur devra contrôler la nature des données collectées, afin de s'assurer que celles-ci ne portent pas atteinte à des tiers, et notamment à la vie privée ou à des droits de propriété intellectuelle.

    On peut craindre, en effet, que de telles données soient plus ou moins accidentellement collectées lors d'inspection lors d'inspection de façades, de bâtiments, ou dans d'autres lieux privés.

    Ce serait donc une négligence et une imprudence, susceptible d'engager la responsabilité de l'entreprise, que de ne pas vérifier l'intégrité de ces données, voire de les détruire. Les entreprises de journalisme seront particulièrement prudentes quant à l'exploitation de "clichés" pris à partir de drone, et notamment de ceux proposés par des tiers.

    On ne peut exclure que des salariés détournent l'usage normal d'un drone à l'insu de leur employeur pour prendre des photographies attentatoires à la vie privée, et destinées à être revendues à des médias…

  • Mesures de sécurisation

    L'entreprise doit prévoir les conditions de stockage, et les mesures de sécurisation prises pour éviter toute utilisation intempestive des drones : mise sous clé dans des locaux fermés, et sous alarme.

    Elle doit prendre des mesures de précautions pour lutter contre la malveillance, et le détournement d'usage des drones à des fins personnelles.

    L'employeur doit effectuer une maintenance adaptée des appareils et de leurs accessoires, de nature à prévenir les défaillances technique en faisant appel à des professionnels qualifiés.

    Le chef d'entreprise doit donc prendre des mesures telles que :

    • Appel à des entreprises de drone certifiées
    • Formation spécifique des salariés directement amenés à leur utilisation pour le compte de l'entreprise
    • Protocole et procédures écrites d'utilisation
    • Missions strictement formalisées

  • Délégations de pouvoir

    Afin de se mettre à couvert de sa responsabilité pénale, il peut être utile au chef d'entreprise de prévoir une délégation de pouvoir à un responsable chargé de la gestion, du contrôle de l'utilisation des drones, pourvu de la compétence et de l'autorité nécessaires.

  • V - L'Assurance de la responsabilité du fait des drones

    Outre les sanctions pénales auxquelles il s'expose, tous les régime de responsabilité obligent leur auteur à réparer financièrement leurs conséquences dommages.

    La protection passe donc nécessairement par une assurance de responsabilité adaptée aux risques.

    Toutefois, les polices multirisques (MRH) excluent habituellement les dommages causés par des engins de navigation aérienne, y compris l'utilisation de modèles réduits.

    L'exploitant ou l'utilisateur d'un drone doit donc nécessairement souscrire des garanties spécifiques et adaptées proposées sur le marché, couvrant la Responsabilité Civile de l'exploitant et/ou du télépilote mettant en cause le drone assuré vis-à-vis des tiers, selon les activités pratiquées.

    Ces polices peuvent garantir également le Bris de Machine propres à l'appareil (vol et casse) ainsi qu'aux équipements et accessoires, au sol ou en évolution.

    Sans oublier les garanties classiques "Individuelle Accident" du télépilote, ou Responsabilité Civile des dirigeants.

    Voir, par exemple, sur le site d'un courtier spécialié :
    SIECA AVIATION ASSURANCES

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    www.jurilis.fr