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Jean-François CARLOT, Docteur en Droit, Avocat Honoraire



FAUTE INEXCUSABLE DE L'EMPLOYEUR
ET INDEMNISATION COMPLEMENTAIRE
DES ACCIDENTS DU TRAVAIL




S O M M A I R E





Dans un arrêt du 7 Janvier 1878, la Chambre des Requêtes approuvait une Cour d'Appel d'avoir jugé que le chef d'entreprise "avait la stricte obligation de protéger l'ouvrier contre les dangers qui peuvent être la conséquence du travail auquel cet ouvrier est employé ; une telle obligation entraînant la nécessité sous peine de faute, de prévoir les causes, non seulement habituelles, mais possible d'accident, et de prendre les mesures qui seraient de nature à les éviter".

Dans un arrêt du 27 Novembre 1884, la Cour supême de Justice du Luxembourg, estimait que "le contrat entre l'ouvrier et le patron oblige celui-ci à veiller à la sécurité de l'ouvrier et à le protéger contre les conséquences des dangers inhérents à son travail, et devient ainsi le "débiteur contractuel de la sécurité de l'ouvrier" qu'il doit garantir du danger dans lequel il l'a volontairement placé".

Le Conseil d'Etat adoptait cette formulation dans un arrêt du 21 Juin 1895, à propos d'un ouvrier d'un arsenal de l'Etat.

Enfin, l'arrêt Teffaine du 16 Juin 1986, reconnaissait la responsabilité sans faute de l'employeur à l'égard de son salarié, en vertu de l'article 1384 du Code Ciivl.

En réponse à cette extension du domaine de la responsabilité des employeurs, la loi du 9 Avril 1898 sur la réparation des accidents du travail, toujours en vigueur, était un texte de "compromis", faisant bénéficier les salariés d'une réparation automatique, mais forfaitaire, en contrepartie d'une "immunité" de l'employeur.

Sa solution fut étendue aux maladies professionnelles en 1919.

Dans l'arrêt Villa de 1941, la faute inexcusable était définie comme une "faute d'une gravité exceptionnelle, dérivant d'un acte ou d'une omission volontaire, de la conscience du danger que devait en avoir son auteur, de l'abence de toute cause justificative"

La loi du 30 Octobre 1946 a mis à la charge des Caisses de Sécurité Sociale le paiement direct de la réparation des accidents du travail, pallliant ainsi le risque d'insolvabilité de l'employeur.

Les modalités de l'indemnisation des accidents du travail sont désormais prévues par le livre IV du Code de la Sécurité Sociale.

Selon l'article L 451-1 du Code du Travail : "sous réserves des dispositions prévues aux articles L 452-1 à L 452-5, L 455-1, L 455-1-1 et L 455-2 aucune action en réparation des accidents ou maladies mentionnées par le présent livre ne peut être exercée conformément aux droit commun par la victime ou ses ayants droit".

Mais, la réparation forfaitaire des accidents du travail présente l'inconvénient d'indemniser les salariés victimes dans des conditions moins favorables que celles du droit commun, puisqu'elle consiste, essentiellement, au remboursement des frais de soins et de la perte de salaire, ainsi qu'en l'allocation d'une rente, sans réparation des préjudices personnels.

La reconnaissance d'une faute inexcusable à la charge de l'employeur est donc le seul moyen de permettre au salarié de bénéficier d'une réparation complémentaire, dans des conditions proches de celle du Droit commun.

Autrefois exceptionnelle, la reconnaissance de la faute inexcusable est donc à présent "banalisée" par la jurisprudence qui, avec loes arrêts amiante" du 28 février 2002 considère que tout accident du travail résulte nécessairement de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat, lorsque il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et n'a pas pris les mesures nécesaires pour l'en préserver.

De ce fait, et au prix d'une construction jurisprudentielle artificielle, le contentieux de la faute inexcusable tend à devenir le droit commun de l'indemnisation des victimes d'accidents du travail.

Focalisée par le problème de l'amiante, à l'origine de la nouvelle définition de la faute inexcusable, l'indemnisation des accidents du travail met en oeuvre des principe du Droit de la Sécurité Sociale, du Code du Travail (a. 230-2), du Code Civil (a. 1147) et du Code Pénal.

Désormais, il n'est plus nécessaire que la faute de l'employeur soit déterminante, elle doit seulement être nécessaire.

Elle repose désormais sur la notion de "conscience du risque que fait courir l'employeur à ses salariés", et sur la notion contractuelle d'obligation de sécurité, accessoire au contrat de travail, dont le principe est reconnu dans l'article 230-2 du Code du travail.

Désormais, on peut dire que la seule réalisation d'un accident du travail présume d'un manquement à une obligation de sécurité, puisque celle-ci est de résultat.

La cour de Cassation poursuit deux buts :
  • permettre l'indemnisation des victimes d'accident du travail dans des conditions proches de celles du Droit commun
  • faire en sorte que l'employeur renforce constamment la sécurité dans l'entreprise
On n'est plus dans un dommage de responsabilité, mais de "garantie du risque", comme dans la loi Badinter.

Il s'agit d'une "transmutation" du Droit de la responsabilité classique.



Voir : N.Reboul-Maupin : "Le droit à réparation des victimes d'accidents du travail : avenir de la réparation - réparation de l'avenir", Revue Lamy, Droit Civil, Mars 2006, p.13.

D. Maillard Desgrées du Loù : "L'information de l'employeur préalable à la reconnaissance du caractère professionnel d'une maladie ou d'un accident"; Dalloz 2008, p.763.

P. Sargos : "La saga triséculaire de la faute inexcusable", Dalloz 2011, Chronique, p.768.


I - PRINCIPE : REPARATION FORFAITAIRE DES ACCIDENTS DU TRAVAIL


Est considéré comme un accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail (a. L 411-1 du C.S.S.)

Il peut s'agir d'un accident survenu dans l'enceinte de l'entreprise, au cours d'une mission à l'extérieur ou au cours d'un trajet.



1 - Régime spécifique d'indemnisation


A. L 451-1 C.S.S. :

Aucune action en réparation des accidents ou maladies (du travail) ne peut être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants droit.


Il en est ainsi, même si c'est l'organisme social qui exerce un recours à l'encontre d'un employeur pris en une autre qualité, telle celle d'une association civilement responsable de l'accident causé par l'un de ses pensionnaires à l'encontre d'un de ses salariés victime, sur le fondement de l'article 1384-1 du Code Civil.
Cass. Civ. II, 22 Février 2007, 05-11811 ; Dalloz 2007, 800, note A.Fabre

Les dispositions propres à l'indemnisation des victimes d'infractions ne sont pas applicables aux victimes d'un accident du travail imputable à l'employeur ou ses préposés, ainsi qu'à leurs ayants droit.
Cass. Civ. II, 23 mai 2003, 04-19080 ; Revue Lamy Droit Civil, Juillet 2006, p.27 - Solution conforme à Cass. Civ. II, 7 Mai 2003, 01-00815 ; RC et Ass. 2003, Chr.n°23, obs.H.Groutel. La victime d'un accident du travail bénéficie d'une réparation forfaitaire, portant, limitativement sur :


  • la gratuité pour tous les frais liés aux soins

  • desindemnités journalières qui sont versées dès le lendemain de l’accident. Leur montant est égal à 50 % du salaire journalier les quatre premières semaines, et à 66 % à partir du vingt-neuvième jour.

  • une rente d’incapacité permanente, en cas de séquelles. La Sécurité Sociale en fixe le taux et en détermine le montant calculé en fonction du salaire.



2 - Réparation intégrale en cas d'accident du trajet



En vertu de la loi du 6 Août 1963, la victime d'un accident de trajet conserve sa vocation à une réparation intégrale, même si le tiers responsable est son employeur.

Depuis la loi du 27 Janvier 1993, la victime d'un accident du travail survenu sur les voies ouvertes à la circulation publique bénéficie désormais d'une réparation complémentaire sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985, dès lors qu'elle est transportée dans un véhicule conduit par l'employeur, un préposé ou une personne appartenant à la même entreprise que la sienne.

L'article L 455-1 du Code de la Sécurité Sociale, instituée par la loi de 1993, dispose que "La victime et la caisse peuvent se prévaloir des dispositions des articles L. 454-1 et L. 455-2, lorsque l'accident défini à l'article L. 411-1, survient sur une voie ouverte à la circulation publique et implique un véhicule terrestre à moteur conduit par l'employeur, un préposé ou une personne appartenant à la même entreprise que la victime".



3 - Réparation complémentaire en cas de faute inexcusable


Le régime particulier de réparation des accidents du travail, qui repose sur une indemnisation forfaitaire, présente deux inconvénients :

  • le premier, étant de ne pas permettre l'indemnisation du préposé victime dans des conditions aussi avantageuses que le droit commun, puisqu'il est privé, notamment, de la réparation de ses préjudices personnels

  • le deuxième, étant de déresponsabiliser l'entreprise à raison des risques qu'elle fait courir à ses salariés du fait de ses conditions de travail.

Le législateur est donc intervenu pour pallier ces invonvénients en édictant la notion de "faute inexcusable".

Article L 452-1 C.S.S.:

Lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants.



II - RECONNAISSANCE DE LA FAUTE INEXCUSABLE

A - DEFINITION TRADITIONNELLE


Selon un arrêt de principe du 16 Juillet 1941 (Cass. ch. Réunies, D. 1941, 117, note Rouast), la faute inexcusable devait s'entendre d'une faute :

  • d'une gravité exceptionnelle,
  • dérivant d'un acte ou d'une omission volontaire,
  • de la conscience du danger que devait en avoir son auteur,
  • de l'absence de toute cause justificative, et se distinguant par le défaut d'intention de la faute intentionnelle.


La faute inexcusable, initialement exceptionnelle, était considérée comme ayant une gravité telle, qu'elle avait le caractère de faute volontaire, voire intentionnelle de l'article L 113-1, et était donc moralement et légalement inassurable.

Ce n'est qu'à partir de 1976, qu'elle est devenue assurable, lorsqu'elle était commise par les préposés, agissant commme substitués à la direction de l'entreprise.

A mesure que le caractère de gravité s'estompait au profit d'une présomption de faute, la loi du 27 janvier 1987 a autorisé les employeurs à se garantir contre une éventuelle recherche en faute inexcusable.

Dès lors, que la faute perdait son exigence de gravité, et qu'elle devenait assurable, la jurisprudence a pu pallier l'insuffisance de la réparation spécifique des accidents du travail, tout en jouant un rôle de prévention à l'égard des employeurs.

Insensiblement, et tout en visant la jurisprudence de 1941, les juridictions ont considéré que la faute la plus lègère, voire indirecte, de la part de l'employeur, était susceptible de caractériser sa faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du Code de la Sécurité Sociale, telle que :

  • Manque de formation, d'information, et de mise en garde du salarié
  • Défaut de surveillance, d'encadrement et d'organisation du travail
  • Non respect des mesures réglementaires de sécurité du travail
  • Absence de mise en place de dispositifs de protection
  • Conduite non autorisée d'un chariot élévateur
  • Travail en hauteur sans harnais, défaut de port du casque, défaut de fournitures d'équipements de sécurité
  • Travail dans des conditions dangereuses
  • Etc...

A noter que la plupart de ces manquements, s'ils sont à l'origine d'un dommage corporel, sont susceptibles de constituer les
infractions pénales d'infraction aux règles concernant la sécurité du travail, d'exposition d'autrui à un risque ou d'atteinte à la personne.

En toute logique, l'ancienne jurisprudence considérait, notamment avant 1987, que la négligence ou la faute caractérisée du salarié victime devait faire obstacle à la reconnaissance du caractère inexcusable de la faute de l'employeur.

Mais les juridictions tiennent de moins en moins compte des fautes les plus grossières et impardonnables de la victime, au profit de la faute inexcusable de leur employeur :

  • D'une part, ne peut être considérée comme une faute inexcusable de la victime, qu'une faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience.

  • D'autre part, la faute inexcusable du salarié n'a plus d'incidence que sur la fixation du taux de la rente.


D'une certaine manière, on peut craindre que le renforcement constant de cette tendance jurisprudentielles n'ait les effets inverses de ceux escomptés, puisqu'il va dans le sens d'une déresponsabilisation du salarié, de nature à favoriser sa violation des règles de sécurité, son imprudence et sa négligence, et à accroître la sinistralité.

Même si le salarié a, légalement, l'obligation de veiller à sa propre sécurité, et à celle de ses collègues de travail.



B - EMERGENCE D'UNE OBLIGATION DE SECURITE DE RESULTAT


Tout l'effort de la jurisprudence a tendu à mettre à la charge de l'employeur une véritable obligation de sécurité de résultat, en ce qui concerne la prévention des maladies professionnelles, et des accidents du travail, dont la violation est susceptible de caractériser la faute inexcusable.

L'article L 230-2 du Code du Travail, issu de la loi du 31 décembre 1991, met d'ailleurs à la charge de l'employeur l'obligation générale de "prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs de l'établissement".

Mais cette obligation de sécurité, est d'abord une obligation contractuelle découlant du Contrat de Travail, et dont la violation est suceptible d'entraîner la responsabilité de l'employeur sur le fondement de l'article 1147 du Code du travail.

Il est évident que toutes les fautes retenues comme inexcusables sous la jurisprudence traditionnelle, constituent autant d'atteintes à l'obligation de sécurité sous l'empire de la juriprudence actuelle.

Selon l'Article L 4131-4 du Code du Travail : "Le bénéfice de la faute inexcusable de l'employeur prévue à l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale est de droit pour le ou les travailleurs qui seraient victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle alors qu'eux-mêmes ou un représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail avaient signalé à l'employeur le risque qui s'est matérialisé".

Selon l'Article L 4154-3 du Code du Travail (ancien L 231-8), modifié par la Loi n°2009-526 du 12 mai 2009 : La faute inexcusable de l'employeur prévue à l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale est présumée établie pour les salariés titulaires d'un contrat de travail à durée déterminée, les salariés temporaires et les stagiaires en entreprise victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle alors qu'affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité ils n'auraient pas bénéficié de la formation à la sécurité renforcée prévue par l'article L. 4154-2.

Il résulte des dispositions combinées des articles L. 231-3-1 et L. 231-8, devenus L. 4154-2 et L. 4154-3, du code du travail que l'existence de la faute inexcusable de l'employeur est présumée établie pour les salariés mis à la disposition d'une entreprise utilisatrice par une entreprise de travail temporaire, victimes d'un accident du travail alors qu'affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur sécurité, ils n'ont pas bénéficié d'une formation renforcée à la sécurité ainsi que d'un accueil et d'une information adaptés dans l'entreprise dans laquelle ils sont employés ; qu'il est indifférent que la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitué résultant d'un manquement à son obligation d'assurer une telle formation renforcée ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié, mais qu'il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage.

Cass. Civ. II, 4 février 2010, 08-10520



1 - OBLIGATION DE SECURITE DE L'EMPLOYEUR ET MALADIE PROFESSIONNELLE


L'employeur est tenu d'une obligation de sécurité de résultat en vertu du contrat de travail, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles.

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits utilisés dans l'entreprise.

Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du Code de Sécurité Sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver (Amiante).

Cass. Soc., 28 février 2002, 00-10.10.051, 00-11.793, 99-18.390, 99-18.389, 99-21.255, 99-17.201, 00-13.172; Bull. Civ. V, n°81; JCP 2002, G, II, n°10053, Concl. A.Benmakhlouf; JCP 2002, E, p.643, note G.Strebelle; p.668, note F.Taquet; Cahiers de Juriprudence de la Tribune de l'Assurance, Avril 2002, VIII,note L.F - Dalloz 2002, I.R. p. 1009, note; R.C. et Ass. avril 2002, p.14. -
Voir sur le site de la Cour de Cassation

Il en est ainsi lorsque l'employeur aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il en est ainsi pour le Benzène, substance inscrite depuis 1932 au tableau n°4 comme susceptible de provoquer des maladies professionnelles.



2 - OBLIGATION DE SECURITE-RESULTAT DE L'EMPLOYEUR ET ACCIDENT DU TRAVAIL


Par deux arrêts des 11 avril et 23 mai 2002, la Chambre Sociale de la Cour de Cassation a donné une nouvelle définition de la faute inexcusable en matière d'accidents du travail, tout en modifiant la nature de l'obligation de sécurité qui pesait sur l'employeur en vertu de l'article L 230-2 du Code du Travail.

Désormais, en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail; le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du Code de la Sécurité Sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Cass. Soc., 11 avril 2002, 00-16.535; Bull. Civ. V, n°127; Dalloz 2002, Jur. p.2215, note Y.Saint-Jours; JCP 2002, G, IV, n°1922 ; Tribune de l'Assurance, Cahiers de Jurisprudence Juillet-Août 2002, VI, obs. L.F.; Lamy Assurances, Juin 2002, 7, note - A propos de la mauvaise fixation d'une rembarde : Cass. Civ. 23 mai 2002, 00-14.125; Dalloz 2002, I.R. 1885 - Y.Saint-Jours "De l'obligation contractuelle de sécurité de résultat de l'employeur", Dalloz 2007, Chr. p.3024.

Ainsi,la conscience qu'avait ou qu'aurait dû avoir l'employeur du danger auquel était exposé son salarié, et l'absence de mesures nécessaires prises pour parer à ce danger constituent désormais les deux seuls éléments constitutifs de la faute inexcusable.

La Cour de Cassation a donc donné une définition beaucoup plus large de la notion de la faute inexcusable que celle qui résultait de son arrêt de principe du du 16 Juillet 1941 ((Cass. ch. Réunies, D. 1941, 117, note Rouast).

Il en est ainsi lorsque l'employeur ne prend pas les mesures nécessaires pour remédier au danger consécutif à l'absence d'entretien d'un engin tracto-grue, notamment en ce qui concerne son dispositif de sécurité.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié mais il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que le responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage.

Cass. Soc. 31 octobre 2002, 00-18.359; Dalloz 2002, 3020, Dalloz 2003 Jur. 645, note Y.Saint-Jours.

Solution identique lorsque l'accident pris en charge au titre de la législation professionnelle a été causé par un outil d'utilisation dangereux, mais laissé la disposition du salarié, de sorte que l'employeur ne pouvait pas ne pas avoir conscience du danger encouru par celui-ci.

Cass. Civ. II, 16 septembre 2003; RC et Ass. 2003, n°316.

A contrario, en cas d'accident causé par un matériel ne présentant aucune anomalie apparente, l'employeur ne pouvait avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, de sorte qu'aucune faute inexcusable ne sera retenue à son encontre.

Cass. Soc., 31 octobre 2002, 01-20.445; Dalloz 2003, Som. p. 382, Dalloz 2002, p.3020, R.C. et Ass. 2003, n°34.

Il n'y a donc pas de faute inexcusable de l'employeur dans le cas où une manipulatrice de radiologie d'un établissement a été atteinte d'une maladie professionnelle en rapport avec une exposition à des rayons ionisants, alors que l'employeur avait respecté la réglementation en la matière, et avait suivi les avis du Médecin du Travail.

Cass. Civ. II, 14 décembre 2004.

Il n'est donc pas nécessaire que l'employeur ait commis une faute d'une exceptionnelle gravité.
Cass. Civ. II, 14 octobre 2003, 02-30.231; Dalloz 2004, IR p.537.

Ont été imputées à une faute inexcusable de l'employeur :


  • La chute d'un agent d'entretien dans un escalier rendu humide par son nettoyage, faute pour l'employeur, qui ne pouvait ignorer un tel risque, d'avoir veillé au port des chaussures adaptées précisées dans sa fiche de poste.
    Cass. Civ. II, 9 Juillet 2009, 08-16241.

  • La chute du salarié d'un concessionnaire automobile ayant glissé sur une flaque de boue et d'huile d'un parc d'exposition, faute pour l'employeur de n'avoir pas eu conscience d'un risque de présence de flaque d'huile, et de n'avoir pris lesmesures appropriées pour éviter ce risque.
    Cass. Civ. II, 3 Septembre 2009, 08-18569.

Si elle ne peut être retenue que pour autant que l'accident survenu à la victime revêt le caractère d'un accident du travail, la reconnaissance de la faute inexcusable n'implique pas que l'accident ait été pris en charge comme tel par l'organisme social.
Cass. Civ. II, 8 Octobre 2009, 08-17141 ; RC et Ass. 2009, Com. 348.



C - PREUVE DE LA FAUTE INEXCUSABLE DE L'EMPLOYEUR


1 - PRINCIPE : LA PREUVE DU CARACTERE INEXCUSABLE DE LA FAUTE DE L'EMPLOYEUR INCOMBE AU SALARIE


Au cours d'une opération de débroussaillage, un salarié a été blessé à l'oeil par une projection occasionnée par le rotor du broyeur d'une débroussailleuse non pourvu de dispositif de protection.

Si l'employeur est tenu envers le salarié d'une obligation de sécurité de résultat, le manquement à cette obligation n'a le caractère de faute inexcusable que lorsque l'employeur, qui avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

En vertu de l'article 1315 du Code Civil, c'est au salarié qu'il incombe de prouver que son employeur, qui devait avoir conscience du danger auquel il était exposé, n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Cass. Civ. II, 8 juillet 2004, n°02-30.984.


L'employeur est présumé auteur d'une faute inexcusable, quand il n'a pas fait bénéficier de formation à la sécurité renforcée, prévue par l'article L 231-3-1 du Code du Travail,les salariés sous contrat à durée déterminée, et ceux mis à la disposition d'une société utilisatrice par une entreprise de travail temporaire.

Cette formation doit être apportée au salariée même si celui-ci dispose déjà de compétences particulières.

Cass. Civ. II, 18 Octobre 2005, n°03-30.162 ; R.C. et Ass. Décembre 2005, n°346.



2 - FAUTE INEXCUSABLE ET RESPONSABILITE PENALE


La relaxe d'un employeur pour délit non intentionnel (homicide involontaire et infractions aux règles d'hygiène et de sécurité) ne fait pas obstacle à la faute inexcusable.

Cass. Soc. 28 mars 2002, 00-11.627, Dalloz 2002, I.R. 1881 - Cass. Soc. 11 avril 2002, 00-16.535; Dalloz 2002, I.R. 1733 - Voir également : Cass. Soc., 12 juillet 2001, 99-18.375; Dalloz 2001, Jur. 3390, note Y.Saint-Jours; Dalloz 2002, som. com. 1311, obs. P.Jourdain

L'article 4.1 du Code de Procédure Pénale, dissocie la faute civile de la faute pénale non intentionnelle, notamment pour ce qui a trait à la reconnnaissance éventuelle de la faute inexcusable de l'employeur, de sorte que l'autorité de la chose jugée ne s'applique pas.

Il en résulte que la relaxe d'un employeur pour homicide involontaire, ne fait pas obstacle à la reconnaissance éventuelle d'une faute inexcusable, notamment sur le fondement de son obligation de sécurité de résultat.

Cass. Civ. II, 16 septembre 2003, Juris-Data n°2003-020181; R.C. et Ass. 2003, p.15, n°289.

En revanche, la condamnation pénale de l'employeur pour blessures involontaires sur la personne du salarié et manquement aux règles de sécurité, caractérise nécessairement la conscience du danger auquel est exposé la victime, peu important que la faute inexcusable ainsi commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident.

Cass. Civ. II, 16 septembre 2003; RC et Ass. 2003, n°318, note H.Groutel, JCP 2003, G, IV, 2717.



D - ABSENCE D'INCIDENCE DE LA FAUTE DE LA VICTIME


La majoration de rente due à la victime d'un accident du travail, ne peut être réduite que si cette victime a elle même commis une faute inexcusable au sens de l'article L 453-1 du Code de la Sécurité Sociale, laquelle est définie comme une faute d'une exceptionnelle gravité, exposant son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience.

Cass. Civ. II, 27 janvier 2004, n°02-30.693; Dalloz 2004, IR, 393, note; Revue Lamy Droit Civil, Avril 2004, p.13 : N.Reboul-Maupin : "Le rôle du juge dans la définition de la faute inexcusable du salarié : vers une réparation intégrale".

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu, envers celui-ci, d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail, et le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L 452-1 du CSS lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié, mais il suffit qu'elle en soit la cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage.

La faute de la victime n'a pas pour effet d'exonérer l'employeur de la responsabilité qu'il encourt en raison de sa faute inexcusable.

Seule une faute inexcusable de la victime, au sens de l'article L 453-1 du CSS peut permettre de réduire la majoration de sa rente.

Présente un tel caractère la faute volontaire de la victime d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience.

Le fait que la cause déterminante de l'accident se trouve dans la faute de la victime qui, compétente et expérimentée, ayant nécessairement connaissance et conscience du danger encouru à l'approche d'une ligne électrique par un matériel métallique, a fait preuve de négligence, d'imprudence et d'inattention, n'est pas de nature à exonérer l'employeur de sa responsabilité et n'a pas le caractère de faute inexcusable de la victime.

Cass. Ass. Plènière, 24 Juin 2005, 03-30.038; Dalloz 2005, IR p.1881, note A.Astaix.

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu, à l'égard de ce dernier d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail.

Ne saurait fait échec au caractère inexécusable de la faute de l'employeur, la faute du préposé dont le bras a été déchiré par un moteur de broyeur après avoir violé les consignes de sécurité édictées par l'employeur, alors que ce dernier aurait dû avoir conscience du danger causé par les parties mobiles du moteur, et n'avait pris aucune mesure pour protéger les salariés de leur contact par des dispositifs appropriés.

Cass. Civ. II, 12 mai 2003, 01-21.071; Dalloz 2003, IR, 1733 : Voir jurisprudence citée : Cass. Soc., 31 octobre 2002, Dalloz 2003, Jur. p.644, note Y.Saint-Jours, mais aussi décision ce principe : Cass. Soc. 11 avril 2002, Dalloz 2002, Jur. p. 2215, note Y.Saint-Jours, p.2696, note Prétot; RJS 2002, n°727; Dr.soc. 2002, 676, obs. Chaumette.

Les juges du fond violent l'article 1147 du Code Civil, l'article L 230-2 du Code du Travail, et les articles L 411-1 et L 452-1 du Code la Sécurité Sociale, en déboutant des ayants droits de leur demande d'indemnisaton fondée sur la faute inexcusable, après avoir retenu une faute du salarié "tenant un bastaing sur un élément instable en béton armé qui a déclenché l'écroulement de la banche".

En effet, en vertu du contrat de travail le liant au salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail. Le manquement à cette obligation a le caractère de faute inexcusable au sens de l'aticle L 452-1 du CSS lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il exposait le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Cass. Soc., 11 juillet 2002; JCP 2002, G, IV - 2572.


Rappelons que selon l'article L 230-3 du Code du Travail, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa sécurité et de sa santé ainsi que de celles des autres personnes concernées du fait de ses actes ou de ses omissions au travail; que dès lors, alors même qu'il n'aurait pas reçu de délégation de pouvoir, il répond des fautes qu'il a commises dans l'exécution de son contrat de travail.

C'est ainsi que le fait pour un chef de service d'entretien de n'avoir pas défini avec l'entreprise intervenante les conditions de son intervention, de ne pas l'avoir renseigné sur les mesures de sécurité, de n'avoir pas correctement établi le plan de prévention, et de ne l'avoir pas averti des dangers liés à son intervention est constitutif d'une faute grave, justifiant son licenciement sans préavis.

Cass. Soc. 28 février 2002, 00-41.220; Dalloz 2002, Jur. 2079, note H. Kobina Gaba; Dalloz 2002, I.R. p.1118.

Rappelons toutefois qu'aux termes de l'article L 230-4 du Code du Travail "les dispositions de l'article L 230-3 n'affectent pas le principe de la responsabilité des employeurs ou chefs d'établissement".



E - FAUTE INEXCUSABLE ET EMPLOYEURS SUCCESSIFS


La faute inexcusable de l'employeur peut être retenue, à partir du moment où elle a été une cause nécessaire de l'accident, même si d'autres fautes ont également concouru au dommage, y compris celle de la victime.

Cass. Civ. 31 octobre 2002, 00-18.359 ; Dalloz 2002, 3020.

Il est fréquent qu'un salarié ait pu être exposé, au cours de sa carrière, à un produit dangereux, tel que l'amiante, auprès d'employeurs différents, ce qui risque de lui rendre impossible de rapporter la preuve de l'imputabilité de la maladie professionnelle dont il est atteint.

Le fait que la maladie professionnelle
(amiante) soit imputée à divers employeurs successifs n'interdit pas à la victime de démontrer que l'un d'eux à commis une faute inexcusable.

Voir : Y. Saint-Jours, "La réhabilitation de la présomption d'imputabilité spécifique aux risques professionnels", Dalloz 2003, Chr. 2975.

Le fait que la maladie professionnelle soit imputée à divers employeurs, chez lesquels le salarié a été exposé au risque, n'interdit pas à celui-ci, pour demander une indemnisation complémentaire, de démontrer que l'un d'eux a commis une faute inexcusable.

Voir pour l'amiante

C'est dans ses conditions que, par Jugement du TASS de Bordeaux du 18 Août 2005, 17 Dockers du Port de Bordeaux contaminés par l'amiante dont des sacs avaient été manipulés jusqu'en 1992, alors qu'ils n'étaient pas salariés d'une seule entreprise, mais étaient embauchés chaque jour par un patron différent, ont pu obtenir la reconnaissance d'une faute inexcusable de la part d'une dizaine d'entreprises manutentionnaires et le Port Autonome de Bordeaux.

Toutefois, vu l'article 2.4 de l'arrêté du 16 Octobre 1995 pris pour l'application de l'article D 242-6-3 du C.S.S., ne peuvent qu'être inscrites au compte spécial les dépenses afférentes à des maladies professionnelles lorsque la victime a été exposée au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes, sans qu'il soit possible de déterminer celle dans laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie, et non au dernier employeur.

Cass. Civ. II, 8 Mars 2005, 02-30.998, Dalloz 2005, Jur. p.1838, note Y.Saint-Jours.


La maladie professionnelle doit être considérée comme contractée au service du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque, avant sa constatation médicale, sauf à cet employeur à rapporter la preuve contraire.

Cass. Civ. II, 22 Novembre 2005, 04-11.447 ; Dalloz 2006, Jur. p.840, note Y. Saint-Jours



F - FAUTE INEXCUSABLE ET STAGE EN ENTREPRISE


L'article L 412-8, 2e, du Code de la Sécurité Sociale fait bénéficier les élèves de l'Enseignement technique du bénéfice de législation professionnelle à l'occasion des accidents survenus à l'occasion de cet enseignement, et donc des stages effectués au sein d'entreprises.

Lorsque l'élève est victime d'un accident présentant le caractère de faute inexcusable, c'est son Etablissement d'enseignement qui doit en répondre.

Il en est ainsi en cas d'intoxication aigüe d'un élève ayant inhalé volontairement du trichloréthylene, à l'occasion de l'activité d'enseignement.

Cass. Civ. II, 21 Juin 2005, 04-12.039 ; R.C. et Ass. 2005, Com. n°283.

Si l'accident survient au cours d'un stage en entreprise, cet Etablissement, ou son assureur subrogé, ne dispose d'aucun recours subrogatoire à l'encontre de l'entreprise auteur de la faute inexcusable, dans la mesure où celui-ci n'est pas prévu par l'article L 412-8, 2e, du Code de la Sécurité Sociale, les dispositions de l'article 421-6 du Code de la Sécurité Sociale étant inapplicable en l'espèce.

Cass. Civ. II, 11 juillet 2005, 04-15.137 ; Revue Lamy Assurances, Novembre 2005, p.21 ; R.C. et Ass. Novembre 2005, n°319, note.



III - PROCEDURE DE RECONNAISSANCE DE FAUTE INEXCUSABLE


Selon l'article L. 482-4 du code de la sécurité sociale toute convention contraire aux dispositions légales contenues dans le livre IV du code de la sécurité sociale relatif aux accidents du travail et aux maladies professionnelles est nulle de plein droit.

La convention par laquelle un salarié s'engage à se désister de son action en reconnaissance de faute inexcusable est nulle de plein droit.

Cass. Civ. II, 1er Juin 2011, 10-20178 , Revue Lamy Droit Civil, 2011, 4302, Note J.P. B.

Seule la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, ou ses ayants droit peuvent agir devant le TASS pour faire reconnaître l'existence d'une faute inexcusable et statuer sur ses conséquences.

Cass. Civ. II, 13 Janvier 2011, 09-17496 ; RC et Ass. 2011, Com. 139. Rappelons qu'il résulte de la combinaison des articles L 451-1 à L 452-4 du Code de la Sécurité Sociale que la victime d'un accident du travail ou ses ayants droit ne peuvent agir en reconnaissance d'une faute inexcusable que contre l'employeur, quel que soit l'auteur de la faute, et que le versement des indemnités est à la charge exclusive de la CPAM, laquelle n'a de recours que contre la personne qui a la qualité juridique d'employeur.

Cass. Soc., 31 mars 2003; R.C. et Ass. 2003, N°7 et 8, p.7 et 12. (Trois arrêts)

Le salarié victime doit d'abord tenter de faire reconnaitre amiablement le caractère de faute inexcusable par l'intermédiaire de son organisme de protection sociale, qui tentera une procédure de conciliation.

A défaut d'accord sur le principe de reconnaissance de faute inexcusable, ou le quantum des indemnisations, la victime peut saisir le T.A.S.S.

L'article L. 452-1 du code de S.S. n'ouvre droit à une indemnisation complémentaire pour la victime ou ses ayants droit que lorsque l'accident du travail est dû à la faute inexcusable de l'employeur ; il en résulte qu'une telle action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur n'est pas recevable pour une rechute.

Cass. Civ. II, 7 Mai 2009, 08-15303 - Cass. Civ. II, 22 février 2007, 06-11620 - Cass. Civ. II, 13 Janvier 2011, 10-11875 ; RC et Ass. 2011, Com. 139, note H. Groutel.

La rechute d'un accident du travail n'est pas de nature à faire courir un nouveau délai au profit de la victime pour agir en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

Cass. Soc., 30 Mai 2001, 99-21352 - Cass. Soc., 5 mars 1998, 96-17351 - Cass. Soc., 24 mars 1994 , 91-11814.

En application des articles L 144-5, R 144-10 et R 144-11 du Code de la Sécurité Sociale, la procédure devant les juridictions de Sécurité Sociale est gratuite et sans frais, même en cas de faute inexcusable de l'employeur, et les frais d'expertise dont la CPAM doit faire l'avance doivent lui être remboursés par la Caisse Nationale compétente du régime général, sauf en cas de recours jugé dilatoire ou abusive.

La CPAM doit donc faire l'avance des fais d'expertise médicale, en principe sans faculté de recours contre une des parties.



A - COMPETENCE




Article L 452-4 C.S.S. :



A défaut d'accord amiable entre la caisse et la victime ou ses ayants droit d'une part, et l'employeur d'autre part, sur l'existence de la faute inexcusable reprochée à ce dernier, ainsi que sur le montant de la majoration et des indemnités mentionnées à l'article L. 452-3, il appartient à la juridiction de la sécurité sociale compétente, saisie par la victime ou ses ayants droit ou par la caisse primaire d'assurance maladie, d'en décider.

La victime ou ses ayants droit doivent appeler la caisse en déclaration de jugement commun ou réciproquement.


Il en résulte que la victime et les ayants droit sont irrecevables à former une demande d'indemnisation devant une autre juridiction, notamment pénale, en cas de poursuites contre l'employeur.

Ils conservent néanmoins la possibilité de se constituer partie civile devant la juridiction pénale, pour appuyer l'action civile, mais sans pouvoir réclamer aucune indemnisation devant celle-ci.

La juridiction pénale, bien que retenant la responsabilité pénale de l'employeur, ne peut statuer sur le principe de sa responsabilité civile envers le salarié.

Cass. Crim., 13 Septembre 2005, 04-85.736 ; R.C. et Ass. Novembre 2005, n°320.

En revanche, toutes les autres personnes n'ayant pas la qualité d'ayant droit (collatéraux, ascendants...) peuvent réclamer réparation de leur préjudice personnel, notamment moral, devant la juridiction pénale.

Il résulte des dispositions de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale que la juridiction de sécurité sociale, saisie de demandes en réparation des préjudices complémentaires à la suite de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, n'a pas le pouvoir d'accorder au conjoint et à l'enfant de la victime qui a survécu à l'accident une indemnisation au titre des préjudices personnellement subis par eux.

Le caractère accessoire des demandes n'est pas de nature à étendre la compétence de la juridiction de sécurité sociale.

Cass. Civ. II, 19 décembre 2013, 12-29229 ; RC et Ass. 2014, Com. 84,note H.Groutel.



B - PRESCRIPTION DE L'ACTION EN RECONNAISSANCE DE FAUTE INEXCUSABLE


Il résulte de l'article L 431-2 du Code de la Sécurité Sociale (Loi n° 90-86 du 23 janvier 1990 art. 4 Journal Officiel du 25 janvier 1990) que l'action est reconnaissance de la faute inexcusable et plus généralement les droits de la victime ou de ses ayants droit aux prestations et indemnités prévues par le présent livre se prescrivent par deux ans à dater du jour de l'accident ou de la clôture de l'enquête ou de la cessation du paiement de l'indemnité journalière.

Le délai de prescription de l'acton du salarié pour faute inexcusable ne peut commencer à courir qu'à compter de la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie.

Cass. Civ. II, 3 avril 2003, 01-20.872; Dalloz 2004, Com. p.457, note Y. Saint-Jours.

Voir pour le cas spécifique de
l'amiante


Il résulte de la combinaison des articles L.431-2, L.461-1 et L.461-5 du Code de la sécurité sociale que les droits de la victime ou de ses ayants droit aux prestations et indemnités prévues par la législation sur les maladies professionnelles se prescrivent par deux ans à compter, soit de la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle, soit de la cessation du travail en raison de la maladie constatée, soit de la cessation du paiement des indemnités journalières, soit encore de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie ; que la détermination du point de départ de la prescription s'impose, y compris pour l'ouverture, postérieurement au décès de la victime, des droits des ayants droit de celle-ci.

Cass. Civ. II, 29 Juin 2004, 03-10.789, Bulletin 2004 II N° 331 p. 279

En application des articles L. 114-1 et L. 124-3 du Code des assurances, la victime ne peut exercer l'action directe à l'encontre de l'assureur de responsabilité de l'auteur de son dommage que tant que ce dernier reste soumis au recours de son assuré, et lorsque l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, son action se prescrit par deux ans à compter du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré.

Il résulte de l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale que la prescription biennale de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur étant interrompue, en application de ce texte, par l'exercice de l'action pénale engagée pour les mêmes faits, cet effet interruptif subsiste jusqu'à la date à laquelle la décision ayant statué sur cette action est devenue irrévocable.

Cass. Civ. II, 28 Avril 2011, 10-17886 ; Revue Lamy Droit Civil, 2011, 4303, Note JP B.

L'action directe de la victime contre l'assureur de l'employeur responsable peut donc être exercée tant que l'assureur est exposé au recours de l'assuré.

Cass. Civ. II, 30 juin 2004, 03-30.143, Bulletin 2004 II N° 338 p. 285

l'initiative de la victime, saisissant la caisse primaire d'assurance maladie de la requête, ne constitue pas l'action en justice visée à l'article L. 114-1, alinéa 3, du Code des assurances, susceptible de faire courir la prescription de l'action directe contre l'assureur de l'employeur responsable.

Cass. Civ. 24 Juin 2994, 02-19.056; Bulletin 2004 II N° 312 p. 264

L'initiative du représentant légal de la victime saisissant la C.P.A.M. d'une requête tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur équivaut à la citation en justice visée à l'article 2244 du Code Civil, et interrompt la prescription biennale.

Cass. Civ. II, 16 septembre 2003, Juris-Data : n°2003-020189; R.C. et Ass., Novembre 2003, p.16, n°291, note H.G.

En sens contraire :

Cass. Civ. II, 24 Juin 2004, 02-19056



IV - INDEMNISATION DE LA FAUTE INEXCUSABLE

A - MAJORATION DE RENTE

1 - CALCUL DE LA RENTE


Article L 452-2 C.S.S. :

Dans le cas mentionné à l'article précédent, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre.

Lorsqu'une indemnité en capital a été attribuée à la victime, le montant de la majoration ne peut dépasser le montant de ladite indemnité.

Lorsqu'une rente a été attribuée à la victime, le montant de la majoration est fixé de telle sorte que la rente majorée allouée à la victime ne puisse excéder, soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire dans le cas d'incapacité totale.

En cas d'accident suivi de mort, le montant de la majoration est fixé sans que le total des rentes et des majorations servies à l'ensemble des ayants droit puisse dépasser le montant du salaire annuel ; lorsque la rente d'un ayant droit cesse d'être due, le montant de la majoration correspondant à la ou aux dernières rentes servies est ajusté de façon à maintenir le montant global des rentes majorées tel qu'il avait été fixé initialement ; dans le cas où le conjoint survivant recouvre son droit à la rente en application du troisième alinéa de l'article L. 434-9, la majoration dont il bénéficiait est rétablie à son profit.

Le salaire annuel et la majoration visée au troisième et au quatrième alinéa du présent article sont soumis à la revalorisation prévue pour les rentes par l'article L. 434-17.

La majoration est payée par la caisse, qui en récupère le montant par l'imposition d'une cotisation complémentaire dont le taux et la durée sont fixés par la caisse régionale d'assurance maladie sur la proposition de la caisse primaire, en accord avec l'employeur, sauf recours devant la juridiction de la sécurité sociale compétente.

La cotisation complémentaire ainsi prévue ne peut être perçue au-delà d'une certaine durée et son taux excéder ni une fraction de la cotisation normale de l'employeur, ni une fraction des salaires servant de base à cette cotisation.

Selon l'a. 452-2, al.8, du Code de la Sécurité Sociale, dans le cas de cession ou de cessation de l'entreprise, le capital correspondant aux arrérages à échoir est immédiatement exigible.

Il en résulte que la créance de la caisse ne peut être supéreiure au montant des cotisations complémentaires à échoir, peu important que ce montant soit inférieur à celui de la majoration de rente allouée.
Cass. Civ. II, 12 Juin 2007, 06-11214 ; RC et Ass. 2007, Com. n°271, note H.Groutel ; JCP 2007, G, 1727

Mais, rien n'interdit à la Caisse et à l'employeur de convenir, en dehors de tout cas de cession ou de cessation de l'entreprise, du réglement en une seule échéance du capital représentatif de la cotisation complémentaire.


L'Article L 452-3 du Code de la Sécurité Sociale dispose également que si la victime est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100 p. 100, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.



2 - FIXATION DU TAUX DE MAJORATION


La détermination du taux de majoration relève de l'appréciation souveraine des juges du fond qui ne sont pas tenus de fixer le taux de majoration de la rente à son maximum.

Cass. Soc., 9 novembre 1988, 87-13.393; Bull. Civ. V, p.376.

Néanmoins, ils seront influencés par la gravité des fautes ayant concouru au dommage.

Il résulte des termes de l'article L 452-2, al. 2 et 3, du Code de la Sécurité Sociale, que la majoration de la rente et du capital alloué à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle consécutifs à la faute inexcusable de son employeur est calculée en fonction de la réduction de capacité dont celle-ci reste atteinte, et doit donc suivre l'évolution du taux d'incapacité de la victime.

Cass. Civ. II, 14 Décembre 2004, n°03-30.451 ; JCP 2005, G, II, 10133, note M.Badel.



a - Incidence de la faute de l'employeur


La détermination du taux de majoration et son montant dépend du caractère de gravité de la faute imputée à l'employeur, et non de la gravité du préjudice.

Cass. Soc., 28 mars 1984, 82-16.679, Bull. Civ. V, p.101.

Toutefois, le plafond est devenu la majoration de principe.

Cass. Soc., 19 décembre 2002, 01-20.447; Dalloz 2003, Jur. p.1792, note Y.Saint-Jours.




b - Incidence de la faute de la victime


La faute commise par la victime est indifférente pour que le caractère inexcusable de la faute de l'employeur soit retenu.

Cass. Soc., 31 octobre 2002, 00-18.359; Dalloz 2003, Jur. 644.

Il en est ainsi lorsqu'un élève d'un lycée professionnel a inhalé volontairement du Trichloréthylène utilisé dans le cadre de l'enseignement, et qu'il avait conservé par devers lui en fin de journée.

Cass. Civ. II, 21 Juin 2005, 04-12.039; Dalloz 2005, IR p. 1959. La fixation du taux de majoration de rente pouvait cependant dépendre de la faute éventuellement commise par la victime, qui a pu contribuer à son préjudice.

Cass. Civ. 10 février 1966, 65-10.633, Bull. Civ. IV, p.148 - Cass. Soc., 25 juillet 1984, n°83-12.011, Bull. Civ. V, p.243.

En cas d'erreur professionnelle de la victime ou si le comportement de la victime a concouru à la réalisation de l'accident, la majoration de rente ne pouvait être fixée à son maximum.

Cass. Soc., 25 juillet 1984, 83-12.011; Bull. Civ. V, p.243.

Si la victime est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100 p. 100, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.

La faute inexcusable du salarié répondait en principe à la même définition que celle de l'employeur jusqu'à l'arrêt du 11 avril 2002 qui a posé le principe selon lequel le manquement à l'obligation de sécurité de résultat à laquelle est tenue l'employeur envers le salarié a la caractère d'un faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

la faute commise par la victime n'est donc plus de nature à enlever à la faute de l'employeur son caractère d'exceptionnelle gravité, caractère qui ne figure plus parmi les éléments constitutfs de la faute inexcusable.

Tout au plus peut-elle justifier une limitation de la majoration de la rente et des indemnités complémentaires dues à la vicitme à condition de revêtir le caractère d'une faute inexcusable ainsi que l'exige l'article L 453-1, al.2, du Code de la Sécurité Sociale.

La majoration de rente ne peut être réduite en fonction de la gravité de la faute de l'employeur, mais seulement lorsque le salarié victime a commis une faute inexcusable au sens de l'article L 453-1 du Code de la Sécurité Sociale.

Cass. Soc. 19 décembre 2002, 01-20.447; Dalloz 2003, Jur. 1792.



B - INDEMNISATION DES PREJUDICES CORPORELS NON INDEMNISES PAR LE LIVRE IV


Jusqu'à la réponse à la Question Prioritaire de Constitutionnalité du 18 Juin 2010, la réparation des accidents du travail imputables à la faute inexcusable de l'employeur était limitativement énumérée par l'article L 453-3 du C.S.S., laquelle limitation a été déclarée contraire à la constitution.

1 - Régime d'indemnisation de l'Article L 452-3 C.S.S. :

Indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article précédent, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

Cette énumération est limitative, et ne concerne pas le préjudice sexuel, celui résultant de la gène dans la vie courante, de la perte de salaires et de primes, de l'incapacité permanente partielle ou de l'incidence professionnelle. :

Cass. Civ. II, 9 Juillet 2009, 08-11804 , 08-12113 ; RC et Ass. 2009, Com. 318, note H.Groutel - Cass. Soc., 28 mars 1996, 93-14540 ; Cass. Soc., 16 novembre 1988, 87-12800.



LES PREJUDICES "PERSONNELS" REPARABLES


Certains préjudices dits "personnels" sont indemnisés selon le Droit Commun, au vu d'une expertise médicale contradictoire, et relèvent du pouvoir souverain des Juges du fond,lesquels apprécient les éléments de fait et de preuve qui leur sont soumis.

Il s'agit des chefs de préjudice limitativement énumérés par l'article L 453-3 du C.S.S., à savoir : souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément.

La Cour de Cassation approuve les Juges du fond d'avoir accordé des indemnités distinctes au titre de l'indemnisation de la souffrance pysique, de l'indemnisation de la souffrance morale et du préjudice d'agrément, au motif qu'en appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui leur étaient soumis :

  • ils ont constaté que la victime était atteinte d'une affection rendant pénible les gestes de la vie quotidienne, s'était trouvée privée de toute activité physique, de toute vie sociale ou familiale et avait subi d'importantes contraintes dues au traitement, faisant ainsi ressortir que, privé des agréments d'une vie normale, il avait subi un préjudice subjectif de caractére personnel, distinct de celui résultant de son incapacité.

  • ils ont relevé que la victime avait également souffert d'importantes douleurs physiques, et subissait un préjudice moral, dû notamment à la dégradation de son état de santé, caractérisant ainsi les éléments de fait distincts qui lui ont permis de relever l'existence de chacun des chefs de préjudice réparé.

Cass. Civ. II, 19 Avril 2005, 04-30.121; R.C. et Ass. 2005, n°211, note H.Groutel



  • PERTE DE CHANCE DE PROMOTION PROFESSIONNELLE


  • La victime ne peut prétendre à une indemnisation du fait de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle, dès lors qu'elle ne justifie pas d'un préjudice certain, distinct de celui résultant de son déclassement professionnel qui est réparé par la rente.

    Cass. Soc., 14 décembre 1988, 87-20.294.

    La notion de promotion suppose la démonstration par le demandeur de ce que, du fait de l'accident, il a été privé de l'accession à une situation professionnelle plus favorable, qu'il était sur le point d'obtenir, et qu'il a été privé de cette chance en raison directe de l'accident.

    Il appartient donc au salarié victime d'établir en quoi l'accident litigieux lui a fait perdre la chance d'une telle possibilité de promotion professionnelle.

    La jurisprudence constante considère que :

    "Le salarié victime d'un accident du travail imputable à la faute inexcusable de l'employeur ne peut obtenir réparation du préjudice résultant de la perte de ses possibilités professionnelles dès lors qu'âgé de 26 ans, il fait état à cette date d'aucune formation professionnelle de nature à lui laisser espérer une promotion".

    Soc. 29 févr. 1996 : RJS 1996, n° 458

    "Les juges du fond ne peuvent pour accorder une indemnisation du préjudice résultant de la perte de promotion professionnelle à la victime d'un accident du travail ne justifiant pas de diplôme ou de prévisions de carrière, retenir que celle-ci n'était âgée que de 38 ans. Ils doivent préciser concrètement en quoi la victime justifiait avoir eu des chances sérieuses de promotion avant l'accident"

    Cass. Soc. 28 juin 2001 : RJS 2001, n° 1199

    La simple impossibilité d'exercer le métier antérieurement exercé ne constitue pas une perte de promotion professionnelle.

    La victime doit apporter la preuve de la réalité de son préjudice, distinct du déclassement déjà indemnisé par la majoration de rente.

    Cass.Civ. II, 20 Septembre 2005, 04-30.278 ; R.C. et Ass., Novembre 2005, n°318 (pour un médecin salarié).

    L'énumération de l'article L 452-3 est limitative.

    Il n'est donc pas possible au salarié de réclamer des préjudices distincts, tels que :

    • Dépenses d'aménagement d'un appartement pour l'adapter à son infirmité :
      Cass. Soc., 16 novembre 1988, 87-12.800; Bull. Civ. V, p.387.
      Cass. Soc., 17 juillet 1997, 95-17.047


    • Embauche d'une personne pour conduire un véhicule :
      Cass. Soc., 28 mars 1996, 93-14.540 ; Bull. V, n°128, p.88

    • Préjudice distinct résultant d'un déclassement professionnel :
      Cass. Soc., 11 mars 2003, 00-21.626


    2 - PRINCIPE DE REPARATION DES ACCIDENTS DU TRAVAIL IMPUTABLES A LA FAUTE INEXCUSABLE DE L'EMPLOYEUR

    Il résulte des dispositions de l'article 4 de la Déclaration de 1789 que "La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui" et donc, qu'en principe, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer intégralement.

    Dès lors,en présence d'une faute inexcusable de l'employeur, les dispositions de l'article L 452-3 du Code de la Sécurité Sociale ne sauraient, sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d'actes fautifs, faire obstacle à ce que ces mêmes personnes, devant les mêmes juridictions, puissent demander à l'employeur réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale, et prises en charge par les Caisses d'Assurance maladie.

    L'article L 452-3 du CSS ne peut donc pas limiter la réparation due à une victime d'accident du travail, à la majoration de rente, au préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle, ainsi que, en cas d'accident suivi de mort, le préjudice moral des ayants droit de la victime mentionnés aux articles L. 434-7 et suivants ainsi que les ascendants et descendants qui n'ont pas droit à une rente en vertu desdits articles.

    Cons. Constit., 2010-8, 18 Juin 2010 ; Argus de l'Assurance, n°7176, p.9, note J.Spéroni ; Dalloz 2010, 1634 ; H.Groutel "Lutte armée contre l'article L 452-3 du CSS", RC et Ass., Juillet-Août 2010, Etude 8, et Com. 176 - Coir aussi : Chr. J.F. Akandji-Kombé : "Le juge (du fond), les parties et la question prioritaire de constitutionnalité", Dalloz 2010, Chrr. 1725.

    Le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle imputable à la faute inexcusable de son employeur, peut donc obtenir réparation de l'intégralité de son préjudice corporel, selon la Nomenclature Dintilhac.

    Le salarié victime peut, bien évidemment, percevoir de son organisme social la réparation forfaitaire prévue par le Livre IV du Code de la Sécurité Sociale, à savoir :

      1°) la couverture des frais médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et accessoires, des frais liés à l'accident afférents aux produits et prestations inscrits sur la liste prévue à l'article L. 165-1 et aux prothèses dentaires inscrites sur la liste prévue à l'article L. 162-1-7, des frais de transport de la victime à sa résidence habituelle ou à l'établissement hospitalier et, d'une façon générale, la prise en charge des frais nécessités par le traitement, la réadaptation fonctionnelle, la rééducation professionnelle et le reclassement de la victime. Ces prestations sont accordées qu'il y ait ou non interruption de travail ;

      2°) l'indemnité journalière due à la victime pendant la période d'incapacité temporaire qui l'oblige à interrompre son travail

      3°) les prestations autres que les rentes, dues en cas d'accident suivi de mort ;

      4°) pour les victimes atteintes d'une incapacité permanente de travail, une indemnité en capital lorsque le taux de l'incapacité est inférieur à un taux déterminé, une rente au-delà et, en cas de mort, les rentes dues aux ayants droit de la victime.

    Mais en cas de faute inexcusable de l'employeur, il pourrait donc réclamer la réparation de la totalité de son préjudice corporel en droit commun non réparés par le livre IV, et notamment la tierce personne, frais d'aménagement du véhicule et du domicile, mais aussi le Déficit Fonctionnel Temporaire, évalués sur la base d'une expertise médicale.

    La décision du Conseil Constitutionnel n'est pas de nature à modifier le régime d'indemnisation forfaitaire des accidents du travail, selon lequel celle-ci est prise en charge par les Caisses, moyennant une cotisation spécifique.

    Dès lors, les Caisses ne bénéficient d'aucune subrogation pour réclamer aux employeurs le remboursement de leurs prestations, hors la majoration de rente, en cas de faute inexcusable.

    Le problème se pose de savoir si les organismes sociaux devront faire l'avance de la réparation de droit commun.

    Dans la mesure où cette avance n'est prévue à l'article L 452-3 du Code Civil que pour les indemnités complémentaires limitativement énumérées par ce texte, elle ne devrait pas concerner les autres chefs de préjudice.

    Dès lors, il devrait appartenir à l'employeur de régler directement à la victime les chefs de préjudice non visés à l'article L 452-3 du CSS.

    L'avis du Conseil Constitutionnel est applicable aux instances en cours, ce qui va entraîner le report de nombreux contentieux.

    De plus, et sous réserve de la prescription biennale, il peut permettre à des victimes déjà partiellement indemnisées au titre de l'article L 124-3 du CSS, de former des demandes nouvelles, non comprises dans leurs réclamations initiales.

    Les assureurs devront donc calculer leurs primes en conséquence. Mais surtout s'impliquer davantage dans la prévention des accidents du travail.

    Cette décision du Conseil Constitutionnel n'étonnera personne. Il était choquant que les victimes d'accident du travail soient défavorisées par rapport aux victimes de droit commun.

    Entre les assurés sociaux, la solidarité nationale, où la mutualité assurée des entreprises, le choix de la charge du financement du risque d'accident du travail s'est fait "de lui-même", sans qu'il y ait eu besoin du moindre débat. Ce sera, en définitive, le prix des produits et des prestations des entreprises, dans lequel est inclus le coût de leur assurance, qui devrait peser directement sur les consommateurs.

    On ose espérer un contrôle médical plus rigoureux des Caisses de Sécurité Sociale en cas d'accident du travail, dans la mesure où la faute inexcusable de l'employeur est quasi-systématiquement retenue en cas d'accident du travail, compte tenu de son obligation de sécurité de résultat.

    S. Porchy-Simon : "L'indemnisation des préjudices des victimes de faute inexcusable à la suite de la décision du Conseil Constitutionnel dui 18 Juin 2010 : réelle avancée ou espoir déçu ?" , Dalloz 2011, Chronique p. 459 ; P.Sargos :"La saga triséculaire de la faute inexcusable", Dalloz 2011, Chronique p.768.

    Cons. Constit., 2010-8, 18 Juin 2010



    C - INDEMNISATION DU PREJUDICE MORAL DES AYANTS DROIT


    L'indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles est régie par les dispositions du Code de la Sécurité Sociale, à l'exclusion du droit commun de la responsabilité, y compris en matière de faute inexcusable.

    En cas d'accident du travail, tout recours de droit commun contre l'employeur ou ses préposés est interdit à la victime et à ses ayants droit.

    Toutefois, l'expression d'ayants droit figurant dans l'article L. 451-1 du Code de la sécurité sociale vise uniquement les personnes énumérées aux articles L. 434-7 à L. 434-14 du même Code, qui perçoivent des prestations en cas de décès accidentel de leur auteur.

    Il en est ainsi pour le conjoint de la victime d'un accident du travail, lorsque cette victime a survécu, qui n'a pas la qualité d'ayant droit, au sens de l'article L. 451-1 précité, et peut, dès lors, être indemnisé de son préjudice personnel, selon les règles du droit commun.

    Ass. Plèn., 2 février 1990, 89-10.682 ; JCP 1990, II, n°21558, Concl. Joinet, Obs. Y.Saint Jours; Dalloz 1992, Jur. p.49, note F.Chabas ; RC et Ass. 1990, Com. 254, note H.Groutel.

    En cas d'accident suivi de mort, les ayants droit de la victime mentionnés aux articles L. 434-7 et suivants, ainsi que les ascendants et descendants qui n'ont pas droit à une rente en vertu desdits articles, peuvent demander à l'employeur réparation du préjudice moral devant la juridiction précitée .

    En principe, seuls les bénéficiaires d'un droit à pension ont la qualité d'ayants droit de la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle.

    Les ayants droit sont limitativement énumérés par l'article L 434-8 du CSS :

      Sous réserve des dispositions des alinéas suivants, le conjoint ou le concubin ou la personne liée par un pacte civil de solidarité a droit à une rente viagère égale à une fraction du salaire annuel de la victime, à condition que le mariage ait été contracté, le pacte civil de solidarité conclu ou la situation de concubinage établie antérieurement à l'accident ou, à défaut, qu'ils l'aient été depuis une durée déterminée à la date du décès. Toutefois, ces conditions ne sont pas exigées si les époux, les concubins ou les partenaires du pacte civil de solidarité ont eu un ou plusieurs enfants.

      En ce qui concerne les ascendants, l'article L 434-13 du Code de la Sécurité Sociale précise :

      Chacun des ascendants reçoit une rente viagère égale à une fraction du salaire annuel de la victime, s'il rapporte la preuve :

      1º) dans le cas où la victime n'avait ni conjoint, ni enfant dans les termes des dispositions qui précèdent, qu'il aurait pu obtenir de la victime une pension alimentaire ;
      2º) dans le cas où la victime avait conjoint ou enfant, qu'il était à la charge de la victime.
      La condition prévue doit être remplie soit à la date de l'accident, soit, si cela est plus favorable, à la date du décès de la victime.
      Le bénéfice des présentes dispositions ne peut être accordé à l'ascendant qui a été reconnu coupable d'abandon de famille ou qui a été déchu totalement de l'autorité parentale.



    DROIT A INDEMNISATION DU PREJUDICE MORAL DE TOUS LES ASCENDANTS


    Il résulte de la combinaison des articles L 434-7, L 434-13 et L 452-3 du Code de la Sécurité Sociale que les ascendants de la victime décédée des suites imputables à la faute inexcusable de l'employeur peuvent prétendre à la réparation de leur préjudice moral, même s'ils n'ont pas droit à une rente.

    Cass. Civ. 23 mai 2001, 00-14.125; Dalloz 2002, I.R. 1885 - Cass. Soc., 23 Mai 2002, RC et Ass. 2002, Com. 254, note H. Groutel - Cass. Civ. II, 17 Septembre 2009, 08-16484 ; RC et Ass. 2009, Com. 347, note H. Groutel.

    Les ayants droits d'une victime décédée peuvent non seulement demander l'indemnisation de leur préjudice moral personnel à l'auteur de la faute inexcusable, mais également exercer contre l'employeur l'action en réparation du préjudice moral personnel de celle-ci du fait de sa maladie.

    Cass. Soc., 28 février 2002 (Eternit/X.); R.C. et Ass. avril 2002, p.14.



    D - AVANCE PAR LA CAISSE


    La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur.

    Bien qu'aux termes de l'article L 452-3 du CSS, la Caisse de Sécurité Sociale ne dispose d'un recours qu'à l'encontre de l'employeur, il n'en reste pas moins que l'auteur de la faute inexcusable (gérant, dirigeant...) a pu être considéré commme responsable sur son patrimoine personnel des conséquences de celle-ci (a. L 452-4 CSS).

    Cass. Soc., 17 mai 2001; R.C. et Ass. septembre 2001, p.12, note H.Groutel.

    Mais la Cour de Cassation est revenue sur sa position en estimant que la Caisse ne pouvait exercer de recours contre le gérant d'une société à l'origine d'un accident dont avait été victime un employé.

    Cass. Soc., 5 juin 1998; Bull. Civ. V, n°306.

    Néanmoins, il résulte de la combinaison des articles L 451-1, L 452-2, L 452-3 et L 452-4 du Code de la Sécurité Sociale que la victime ou ses ayants droit ne peuvent agir en reconnaissance de la faute inexcusable qu'à l'encontre de l'employeur, quel que soit l'auteur de la faute.

    Le versement des indemnités est à la charge exclusive de la Caisse qui ne peut en récupérer le montant qu'à l'encontre de la personne qui a la qualité d'employeur.

    Cass. Soc., 10 juin 2003, 01-21.004; Dalloz 2003, IR p.1943.

    Toutefois, si la créance invoquée, ayant pour origine la faute de l'employeur et non la demande de fixation d'indemnités complémentaires, était antérieure au jugement d'ouverture du redressement judiciaire de l'emploeur, la caisse doit se soumettre à la procédure de déclaration et de vérification des créances.

    Cass. Civ. II, 14 Mars 2013 ; 12-13611 ; Dalloz 2013, p.767.

    Depuis la loi de 1987, l'employeur peut s'assurer contre les conséquences financières de sa propre faute inexcusable ou de la faute de ceux qu'il s'est substitué dans la direction de l'entreprise ou de l'établissement.

    Des actions de prévention appropriées sont organisées dans des conditions fixées par décret, après consultation des organisations représentatives des employeurs et des salariés.

    Lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable d'un employeur garanti par une assurance à ce titre, la caisse régionale d'assurance maladie peut imposer à l'employeur la cotisation supplémentaire mentionnée à l'article L. 242-7. Le produit en est affecté au fonds national de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles.

    Le paiement des cotisations complémentaires prévues à l'article L. 452-2 et, au cas de cession ou de cessation de l'entreprise, le paiement du capital mentionné au même article sont garantis par privilège dans les conditions et au rang fixés par les articles L. 243-4 et L. 243-5.



    V - INCIDENCE DE LA FAUTE INTENTIONNELLE

    A - FAUTE INTENTIONNELLE DE L'EMPLOYEUR


    Article L 452-5 C.S.S. :

    (Loi n° 87-39 du 27 janvier 1987 art. 33 IV Journal Officiel du 28 janvier 1987)

    Si l'accident est dû à la faute intentionnelle de l'employeur ou de l'un de ses préposés , la victime ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre.

    Les caisses primaires d'assurance maladie sont tenues de servir à la victime ou à ses ayants droit les prestations et indemnités mentionnées par le présent livre. Elles sont admises de plein droit à intenter contre l'auteur de l'accident une action en remboursement des sommes payées par elles .

    Si des réparations supplémentaires mises à la charge de l'auteur responsable de l'accident, en application du présent article, sont accordées sous forme de rentes, celles-ci doivent être constituées par le débiteur dans les deux mois de la décision définitive ou de l'accord des parties à la caisse nationale de prévoyance suivant le tarif résultant du présent code.

    Dans les cas prévus au présent article, la caisse régionale d'assurance maladie peut imposer à l'employeur la cotisation supplémentaire mentionnée à l'article L. 242-7 .


    Voir :

    G. Viney : "Remarques sur la distinction entre faute intentionnelle, faute inexcusable et faute lourde", Dalloz 1975, p.266.

    Il résulte de l'article D 242-6-3 du Code de la Sécurité Sociale que "Lorsque des recours sont engagés contre les tiers responsables d'accidents du travail, le montant des prestations et indemnités afférentes à ces accidents du travail est déduit du compte employeur au titre des années concernées au prorata du pourcentage de responsabilité mis à la charge du tiers responsable par voie amiable ou contentieuse".



    B - FAUTE INEXCUSABLE OU INTENTIONNELLE DE LA VICTIME


    Article L453-1 C.S.S. :

    Ne donne lieu à aucune prestation ou indemnité, en vertu du présent livre, l'accident résultant de la faute intentionnelle de la victime . Celle-ci peut éventuellement prétendre aux prestations dans les conditions prévues au livre III sous réserve des dispositions de l'article L. 375-1.

    Lors de la fixation de la rente, le conseil d'administration de la caisse ou le comité ayant reçu délégation à cet effet peut, s'il estime que l'accident est dû à une faute inexcusable de la victime, diminuer la rente prévue au titre III du présent livre, sauf recours du bénéficiaire devant la juridiction compétente.

    Lorsque l'accident a été causé intentionnellement par un des ayants droit de la victime mentionnés aux articles L. 434-7 et suivants, celui-ci est déchu de tous ses droits au regard du présent livre. Ces droits sont transférés sur la tête des enfants et descendants mentionnés à l'article L. 434-10, ou, à défaut, sur la tête des autres ayants droit.


    La faute de la victime n'a pas pour effet d'exonérer l'employeur de la responsabilité qu'il encourt en raison de sa faute inexcusable.

    Seule une faute inexcusable de la victime, au sens de l'article L 453-1 du CSS peut permettre de réduire la majoration de sa rente.

    Présente un tel caractère la faute volontaire de la victime d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience.

    La majoration de rente due à la victime d'un accident du travail, ne peut être réduite que si cette victime a elle même commis une faute inexcusable au sens de l'article L 453-1 du Code de la Sécurité Sociale, laquelle est définie comme une faute d'une exceptionnelle gravité, exposant son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience.

    Cass. Civ. II, 27 janvier 2004, n°02-30.693; Dalloz 2004, IR, 393, note; Revue Lamy Droit Civil, Avril 2004, p.13 : N.Reboul-Maupin : "Le rôle du juge dans la définition de la faute inexcusable du salarié : vers une réparation intégrale".

    Rappelons que la même définition avait été donnée par la Cour de Cassation en ce qui concerne la faute inexcusable du pièton (Cass. Civ. II, 20 juillet 1987, 86-16.287; Bull. Civ. II, n°160; G.P. 1988, I, p.126, obs. F.Chabas).

    Cette nouvelle définition va donc minimiser les risques d'une minoration de la rente pour les salariés.



    VI - SALARIES D'ENTREPRISE DE TRAVAIL TEMPORAIRE


    Lorsqu'une entreprise de travail temporaire met un salarié à la disposition d'une entreprise utilisatrice, elle en reste juridiquement l'employeur.

      Selon l'Article L 412-6 du C.S.S. : Pour l'application des articles L. 452-1 à L. 452-4, l'utilisateur, le chef de l'entreprise utilisatrice ou ceux qu'ils se sont substitués dans la direction sont regardés comme substitués dans la direction, au sens desdits articles, à l'employeur. Ce dernier demeure tenu des obligations prévues audit article sans préjudice de l'action en remboursement qu'il peut exercer contre l'auteur de la faute inexcusable.

    Etant l'employeur de la victime, et sous réserve de son recours contre l'entreprise utilisatrice, elle est donc seule tenue des conséquences financières de l'accident du travail dont a été victime son salarié, peu important l'implication d'un véhicule terrestre à moteur dans la réalisation de l'accident.

    Cass. Civ. II, 24 Mai 2007, 05-21355 ; RC et Ass. 2007, Com. n°272, note H.Groutel.

    La procédure en reconnaissance de faute inexcusable doit donc être poursuivie à l'encontre de l'entreprise de travail temporaire.

    Toutefois, selon l'Article L 1251-21 du Code du travail, Pendant la durée de la mission, l'entreprise utilisatrice est responsable des conditions d'exécution du travail, telles qu'elles sont déterminées par les dispositions légales et conventionnelles applicables au lieu de travail.

    En application des dispositions de l'article 26 de la loi n°72-1 du 3 janvier 1972, insérées dans les articles L 452-1 et suivants du Code de la Sécurité Sociale, les entreprises utilisatrices qui se sont substituées aux société de travail temporaire dans la direction des salariés peuvent voir leur responsabilité engagée à l'égard de ces dernières.

    Lorsque l'utilisateur manque à son obligation contractuelle de respecter les règles d'hygiène et de sécurité applicables à l'emploi du travaileur intérimaire, il peut être tenu, sur le fondement des articles 1142 et 1147 du Code civil, de garantir l'entreprise de travail temporaire à hauteur du dommage causé à celle-ci par le surcroît de ses cotisations d'accident du travail.

    Cass. Soc. 12 Janvier 1995, 92-18116

    Seule tenue, en sa qualité d'employeur de la victime, des obligations prévues aux articles L 452-1 à L 452-2 du CSS, l'entreprise de travail temporaire dispose d'un recours contre l'entreprise utilisatrice pour obtenir simultanément, ou successivement,le remboursement des indemnités complémentaires versées à la victime et la répartition de la charge financière de l'accident du travail.

    Cass. Civ. II, 12 Mars 2009, 08-11735

    Il résulte de la combinaison des articles L. 412-6 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale que si l'entreprise de travail temporaire est seule tenue envers l'organisme social des obligations de l'employeur en cas d'accident du travail causé par une faute inexcusable, elle dispose d'une action contre l'entreprise utilisatrice auteur d'une faute inexcusable.

    Cass. Civ. II, 4 février 2010, 08-10520

    Selon l'Article L 241-5-1 du Code de la Sécurité Sociale (inséré par Loi n° 90-613 du 12 juillet 1990 art. 40 Journal Officiel du 14 juillet 1990) :

      Pour tenir compte des risques particuliers encourus par les salariés mis à la disposition d'utilisateurs par les entreprises de travail temporaire, le coût de l'accident et de la maladie professionnelle définis aux articles L. 411-1 et L. 461-1 est mis, pour partie à la charge de l'entreprise utilisatrice si celle-ci, au moment de l'accident, est soumise au paiement des cotisations mentionnées à l'article L. 241-5.

      En cas de défaillance de cette dernière, ce coût est supporté intégralement par l'employeur. Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le juge procède à une répartition différente, en fonction des données de l'espèce.

      Les mêmes dispositions s'appliquent lorsque l'entreprise utilisatrice est une collectivité, un établissement ou une entreprise auxquels est accordée l'autorisation d'assumer la charge totale ou partielle de la réparation des accidents du travail en vertu des articles L. 413-13 ou L. 413-14.

      Dans le cas où le salarié intérimaire engage une action en responsabilité fondée sur la faute inexcusable de l'employeur, sans qu'il y ait eu mise en cause de l'entreprise utilisatrice, l'entreprise de travail temporaire est tenue d'appeler en la cause l'entreprise utilisatrice pour qu'il soit statué dans la même instance sur la demande du salarié intérimaire et sur la garantie des conséquences financières d'une reconnaissance éventuelle de faute inexcusable.

      Un décret en Conseil d'Etat détermine les cas et les modalités d'application du présent article et notamment la part du coût de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle mise à la charge de l'entreprise utilisatrice ainsi que les documents que l'entreprise de travail temporaire et l'entreprise utilisatrice doivent s'adresser, sur leur demande.


      Nota - Loi 90-613 du 12 juillet 1990 art. 43 : les dispositions de la présente loi s'appliquent aux contrats conclus après son entrée en vigueur.


    La juridiction saisie peut donc mettre directement à la charge de l'entreprise utilisatrice les conséquences financières de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, sans que ce dernier n'ait à introduire un recours devant la juridiction de droit commun.

    Le principe de l'unicité d'instance énoncé par ce texte ne s'applique qu'à la demande du salarié intérimaire en reconnaissance de faute inexcusable de son employeur et à l'action récursoire de l'entreprise de travail temporaire contre l'entreprise utilisatrice pour la garantie des conséquences financières liées à la reconnaissance de la faute inexcusable, de sorte que l'entreprise de travail temporaire conserve la possibilité de demander au juge une répartition du coût de l'accident du travail entre elle même et l'entreprise utilisatrice différente de celle prévue à l'article R. 242-6-1 du code de la sécurité sociale dans le cadre d'une instance distincte.

    Cass. Civ. II, 4 Juillet 2007, 06-12480

    Selon les articles L. 452-3 et L. 412-6 du code de la sécurité sociale, la victime d'un accident de travail dû à la faute inexcusable de l'entreprise utilisatrice de main-d'oeuvre est en droit d'obtenir des indemnités complémentaires dont le paiement incombe aux organismes de sécurité sociale qui disposent d'un recours subrogatoire contre l'entreprise de travail temporaire, employeur, qui a elle-même une action en remboursement de même nature contre l'entreprise utilisatrice sur laquelle pèse la charge définitive du paiement des indemnités dont la victime est créancière.

    En effet, selon l'article 1251-3 du Code Civil, la subrogation est de droit en faveur de celui qui est tenu avec d'autres ou pour d'autres au paiement de la dette.

    Cass. Civ. II, 24 Mai 2007, 05-21906 ; Dalloz 2007, Act. Jur. p.1594.

    Selon l'Article R 242-6-1 du CSS, (modifié par Décret n°2010-344 du 31 mars 2010) :

      Le coût de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle mis pour partie à la charge de l'entreprise utilisatrice en application de l'article L. 241-5-1 comprend les capitaux représentatifs des rentes et les capitaux correspondant aux accidents mortels, calculés selon les modalités prises en application de l'article L. 242-5. Il est imputé au compte de l'établissement utilisateur à hauteur d'un tiers pour déterminer le taux de cotisation accidents du travail et maladies professionnelles de cet établissement ou, le cas échéant, du groupe d'établissements pour lesquels un taux commun est déterminé.

      Toutefois, le coût de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle est entièrement imputé au compte employeur de l'entreprise de travail temporaire en cas de défaillance de l'entreprise utilisatrice.L'entreprise utilisatrice qui fait l'objet d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est regardée comme défaillante au sens des dispositions du premier alinéa de l'article L. 241-5-1.

      L'entreprise utilisatrice qui assume directement la charge totale de la gestion du risque en vertu des articles L. 413-13 ou L. 413-14 est tenue de verser à l'organisme de recouvrement dont elle relève, en une seule fois, le montant de la fraction de coût mise à sa charge. Ce montant lui est notifié par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail, qui en informe simultanément l'organisme de recouvrement dont relève l'établissement où le salarié a été victime de l'accident ou bien a contracté la maladie professionnelle.

      Pour la détermination de la date d'exigibilité du versement, les périodes de paiement des rémunérations mentionnées au premier alinéa de l'article R. 243-6 s'entendent de périodes au cours desquelles a lieu la notification du montant par l'organisme de recouvrement.

      Lorsque l'entreprise de travail temporaire et l'entreprise utilisatrice relèvent au titre de l'activité des salariés qu'elles emploient de régimes de sécurité sociale différents, la part du coût prévu au premier alinéa imputable à l'entreprise utilisatrice donne lieu à remboursement par le régime de cette dernière au régime de l'entreprise de travail temporaire.



    VII - LE ROLE DES ASSUREURS


    La faute inexcusable était considérée comme ayant une gravité telle, qu'elle avait le caractère de faute intentionnelle de l'article L 113-1, et était donc moralement et légalement inassurable.

    Ce n'est qu'à partir de 1976, qu'elle est devenue assurable, lorsqu'elle était commise par les préposés, agissant commme substitués à la direction de l'entreprise.

    A mesure que le caractère de gravité s'estompait au profit d'une présomption de faute, la loi du 27 janvier 1987 a autorisé les employeurs à se garantir contre une éventuelle recherche en faute inexcusable.

    Ceci explique le développement considérable des procédures de reconnaissance des fautes inexcusables, qui d'exceptionnelles, sont devenues quasi-sytématique, au point de poser un réel problème d'assurabilité.

    Selon la jurisprudence de 1990, c'est l'assureur en risque au moment du fait générateur du dommage, qui doit être amené à garantir le premier chef les conséquences de la faute inexcusable qui en résulte.

    Cependant beaucoup de contrats fonctionnent "en base réclamation", ce qui est parfaitement valable, s'ils n'excluent pas la prise en charge des faits générateurs survenus pendant la période de garantie.

    Enfin, de nombreuses polices contiennent des clauses de "reprise du passé" inconnu, également valables, et qui peuvent se révèler cumulatives avec la police "fait générateur" existant au moment de l'exposition à l'amiante

    Les victimes pourront alors, dans certains cas, exercer leur
    action directe contre l'assureur de leur choix, et notamment celui "en risque" au moment de la constatation du dommage, ce qui évite toute recherche d'antériorité.

    Voir en ce qui concerne le problème de l'amiante



    VIII - ABSENCE DE RECOURS CONTRE L'EMPLOYEUR DE LA VICTIME


    Rappelons qu'en vertu des articles L 451- et L 452-5 du Code de la Sécurité Sociale, sauf si la faute de l'employeur est intentionnelle, le tiers étranger à l'entreprise condamné à réparer l'entier dommage de la victime d'une accident du travail n'a de recours ni contre l'employeur ou ses préposés, ni contre leur assureur.

    En effet, le recours exercé dans les droits de la victime, en application de l'article 1251 du Code Civil, ne peut conférer à ce tiers plus de droits que la victime elle-même, privée de droit commun contre son employeur.

    Ass. Plénière, 31 Octobre 1991, 88-17449, 89-11514, 88-19689 ; Bull. n°6 ; JCP 1992, G, n°21800, note Y.Saint-Jours

    Cette solution présente une certaine injustice, dans la mesure où l'employeur de la victime a lui-même commis une faute contractuelle à l'égard de son entreprise cliente, considérée comme tiers par rapport à son préposé victime.

    En effet, en ne donnant à son salarié aucune formation ou instruction suffisante relative à la sécurité des prestations à exécuter, l'employeur de la victime est susceptible de commettre lui-même une faute das l'exécution de ses obligations contractuelles à l'égard de son entreprise cliente.

    Dès lors, on ne voit pas pourquoi cette cliente, tenue à indemniser la victime, ne pourrait rechercher, au moins partiellement, la responsabilité de l'employeur de la victime sur le fondement de l'article 1147 du Code Civil.

    Si en vertu de l'article L. 454-1 du code de la sécurité sociale, le tiers responsable de l'accident peut se voir réclamer, dans certaines conditions, par la victime ou la caisse la réparation du préjudice causé, cette action n'est ouverte devant la juridiction de la sécurité sociale qu'à la victime ou ses ayants droit et à la caisse, à l'exclusion de l'employeur qui n'a que la possibilité, pour obtenir la réparation du préjudice personnellement subi par lui, de rechercher la responsabilité du tiers sur le fondement du droit commun devant les juridictions compétentes.

    Cass. Civ. II, 10 Juillet 2008, 07-13816 ; RC et Ass. 2008, Com. 280.



    LIENS UTILES




    SUR LE SITE DE L'UCANNS :
  • http://www.ucanss.fr/services/textes_documents/code_ss/html/C/SS/tdm/L4.html

    SUR LE SITE DE L'UNIVERSITE DE GRENOBLE :
  • http://www-sante.ujf-grenoble.fr/SANTE/medilega/pages/contenb.html

    Vers la réparation intégrale des accidents du travail et des maladies professionnelles - Rapport Yahiel :
  • http://www.social.gouv.fr/htm/actu/mal_prof/2maladie2.htm

    Éléments de réflexion sur le préjudice professionnel des victimes d’accidents :
  • http://www.social.gouv.fr/htm/actu/mal_prof/annexe2-6.htm



    Sauf si la faute de l’employeur est intentionnelle, le tiers étranger à l’entreprise, qui a indemnisé la victime d’un accident du travail pour tout ou partie de son dommage, n’a pas de recours contre l’employeur de la victime. Telle est la solution retenue par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 29 novembre 2018. Dans cette affaire, ayant été victime d’un accident du travail alors qu’il manœuvrait un engin emprunté à une société, le salarié d’une autre société, a engagé une action en reconnaissance de la faute inexcusable contre l’employeur et une action en responsabilité civile contre la société. L’employeur a recherché la garantie de la société. Cass. civ. 2, 29 novembre 2018, n° 17-17747.

    Par trois arrêts du 3 mai 2018, et un autre du 10 octobre 2018, la Chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que le Conseil de prud’hommes est compétent pour allouer une indemnité au titre d’un préjudice résultant d’une rupture du contrat de travail même si celle-ci est consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle. Pour mémoire, le Code du travail prévoit que le Conseil de Prud’hommes est compétent pour trancher les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail ; alors que l’application de la législation relative aux conséquences des accidents et maladies professionnelles relève de la compétence exclusive du Tribunal des affaires de sécurité sociale. Cass. soc., 3 mai 2018, n°16-26.850 ; Cass. Soc., 3 mai 2018, n°17-10.306 ; Cass. Soc., 3 mai 2018, n° 16-18116 ; Cass. soc., 10 octobre 2018 n°17-11.019.

    l'employeur, dont la faute inexcusable a été reconnue par une décision irrévocable, dans une instance à laquelle l’organisme social était appelé, ne peut plus contester ultérieurement le caractère professionnel de cette maladie à l'appui d'une demande en inopposabilité de la décision de prise en charge de celle-ci au titre de la législation professionnelle. Cass. civ., 2e ch., 4 avril 2019, n° 17-16649 FSPBI

    L’article 66 de la loi de financement de la Sécurité sociale 2013 vise à remédier à cette situation, en distinguant les procédures et en prévoyant que, quelles que soient les conditions d’information de l’employeur par la caisse au cours de la procédure d’admission de l’origine professionnelle de l’accident ou de la maladie, la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte l’obligation pour celui-ci de s’acquitter des sommes dont il est redevable à ce titre.

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