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Jean-François CARLOT, Docteur en Droit, Avocat Honoraire
Préc.
VII/VII

ASSURANCE DE PROTECTION JURIDIQUE
CLAUSE DE DEFENSE-RECOURS
CLAUSE DE DIRECTION DE PROCES



L'ASSURANCE DE PROTECTION JURIDIQUE

Principe de liberté de choix de l'avocat

Article L 127-1 du Code des assurances :

Est une opération d'assurance de protection juridique toute opération consistant, moyennant le paiement d'une prime ou d'une cotisation préalablement convenue, à prendre en charge des frais de procédure ou à fournir des services découlant de la couverture d'assurance, en cas de différend ou de litige opposant l'assuré à un tiers, en vue notamment de défendre ou représenter en demande l'assuré dans une procédure civile, pénale, administrative ou autre ou contre une réclamation dont il est l'objet ou d'obtenir réparation à l'amiable du dommage subi.

L'assurance de protection juridique fait l'objet d'un contrat distinct de celui qui est établi pour les autres branches ou d'un chapitre distinct d'une police unique avec indication du contenu de l'assurance de protection juridique et de la prime correspondante.

Est considéré comme sinistre, le refus qui est opposé à une réclamation dont l'assuré est l'auteur ou le destinataire.

Si l'assuré a la possibilité de choisir un avocat quand il le souhaite, l'assureur a la possibilité de "fournir des services", parmi lesquels celui de donner des conseils juridiques, et également celui de faire valoir amiablement les droits de l'assuré.

L'assuré doit être assisté ou représenté par un avocat lorsque son assureur ou lui-même est informé de ce que la partie adverse est défendue dans les mêmes conditions.

La caractéristique de l'assurance de protection juridique, qui en fait sa spécificité, consiste à éviter les conflits d'intérêts pouvant opposer l'assuré à son assureur.

Dans un arrêt du 7 novembre 2013, la Cour de Justice de l'Uniion Européenne a fermement réaffirmé et définitivement le principe du libre choix de l’avocat.

L'Article L 127-3 du Code des Assurances dispose expressément que :

Tout contrat d'assurance de protection juridique stipule explicitement que, lorsqu'il est fait appel à un avocat ou à toute autre personne qualifiée par la législation ou la réglementation en vigueur pour défendre, représenter ou servir les intérêts de l'assuré, l'assuré a la liberté de le choisir.

Le contrat stipule également que l'assuré a la liberté de choisir un avocat ou, s'il le préfère, une personne qualifiée pour l'assister, chaque fois que survient un conflit d'intérêt entre lui-même et l'assureur.

Aucune clause du contrat ne doit porter atteinte, dans les limites de la garantie, au libre choix ouvert à l'assuré par les deux alinéas précédents.

L'assureur ne peut proposer le nom d'un avocat à l'assuré sans demande écrite de sa part.

En cas de conflit d'intérêt entre l'assureur et l'assuré ou de désaccord quant au règlement du litige, l'assureur de protection juridique informe l'assuré du droit mentionné à l'article L. 127-3 et de la possibilité de recourir à la procédure mentionnée à l'article L. 127-4.

Les honoraires de l'avocat sont déterminés entre ce dernier et son client, sans pouvoir faire l'objet d'un accord avec l'assureur de protection juridique.

Le deuxième alinéa de l'article 10 du décret 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat, en obligeant les avocats, lorsqu'ils interviennent pour le compte d'un client détenteur d'un contrat d'assurance de protection juridique, à lui proposer une convention d'honoraires.

L'avocat informe son client, dès sa saisine, des modalités de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles et de l'ensemble des frais, débours et émoluments qu'il pourrait exposer. L'ensemble de ces informations figurent dans la convention d'honoraires conclue par l'avocat et son client en application de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 susvisée.

Au cours de sa mission, l'avocat informe régulièrement son client de l'évolution du montant de ces honoraires, frais, débours et émoluments.

Des honoraires forfaitaires peuvent être convenus. L'avocat peut recevoir d'un client des honoraires de manière périodique, y compris sous forme forfaitaire.

Lorsque la mission de l'avocat est interrompue avant son terme, il a droit au paiement des honoraires dus dans la mesure du travail accompli et, le cas échéant, de sa contribution au résultat obtenu ou au service rendu au client.

La rémunération d'apports d'affaires est interdite.

Mais cette obligation est désormais généralisée par la loi LOI n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

Les principes de la protection juridique ne s'appliquent pas à l'activité de l'assureur de responsabilité civile pour la défense ou la représentation de son assuré dans toute procédure judiciaire ou administrative, lorsqu'elle s'exerce en même temps dans l'intérêt de l'assureur, c'est à dire dans le cadre d'une clause de direction de procès,

Les personnes qui ont à connaître des informations données par l'assuré pour les besoins de sa cause, dans le cadre d'un contrat d'assurance de protection juridique, sont tenues au secret professionnel, dans les conditions et sous les peines fixées par l'article 226-13 du code pénal.

Enfin, la quatrième spécificité du contrat de protection juridique figure dans l'article L. 127-5 du code des assurances, qui prévoit que l'assuré devra être informé sur les droits dont il dispose lorsque survient un conflit d'intérêts, ou en cas de désaccord sur les modalités de règlement d'un litige.

Le risque de conflit d'intérêt reste donc faible pour l'avocat, qui n'a pour vocation à intervenir que pour une seule partie,

L'instauration, par la loi du 19 février 2007, du principe de subsidiarité de l'aide juridictionnelle a pour conséquence que cette dernière n'est pas accordée lorsque les frais couverts sont pris en charge dans le cadre d'un contrat de protection juridique.



LA GARANTIE D'ASSURANCE DEFENSE ET RECOURS



Hybride entre la clause de protection juridique et la clause de direction de procès, le champ d'application de la clause "défense et recours" est plus restreint que celui de la garantie Protection juridique.

Toutefois, l'obligation de défense et de recours s'accomplit aux frais de l'assureur, sans que ce dernier puisse en principe opposer un plafonnement.

Il en résulte que l'avocat est souvent choisi par l'assureur, lié à ce dernier par un barème de rémunération.

Il s'agit d'une garantie complémentaire accessoire souvent prévue dans les contrats de responsabilité civile, notamment automobile, mais aussi "Multi-Risques-Habitation" et "Entreprise".

Cette garantie, fréquente dans les contrats multirisques habitation et automobile, concerne exclusivement les litiges liés aux événements garantis dans le contrat (accident, dégât des eaux, incendie...). Elle couvre la prise en charge de la défense pénale de l'assuré mis en cause et le recours en vue d'obtenir la réparation de son préjudice personnel lorsqu'il est victime (litige lié à un accident de la circulation, par exemple).

La défense-recours présente des analogies avec l'assurance de protection juridique, tel qu'il ressort de l'article L. 127-6 2° du code des assurances (sur la qualification de la défense-recours en tant que protection juridique : Cass. Civ. II, 18 mars 2010, n° 09-12981, RGDA 2010, n° 3, et note B. Cerveau).

Elle a un caractère obligatoire pour l'assureur.

Elle intervient soit en défense, soit en demande, au civil comme au pénal,

Pour intervenir, la clause de défense-recours suppose que le dommage soit couvert par le contrat pour que l'assureur s'engage à réclamer, à l'amiable ou en justice, l'indemnisation de son préjudice à l'auteur du dommage.

1°-En défense:

L'assureur doit prendre en charge à ses frais la défense pénale et civile de l'assuré, notamment lorsque celui-ci est poursuivi devant les tribunaux répressifs à la suite d'une infraction commise à l'occasion d'un événement couvert ou non couvert en assurance de responsabilité, tel qu'un accident de la circulation.

2°- en demande ou recours :

Lorsque l'assuré subi un dommage, l'assureur s'engage à réclamer, amiablement ou judiciairement le dédommagement du préjudice de son assuré au responsable si le fait dommageable est couvert au titre de la garantie responsabilité civile.

Ex. : assurance "multi-risques habitation" l'assureur n'interviendra pas en recours si l'accident corporel de son assuré est lié à son activité professionnelle.

Ici la protection juridique souscrite facultativement pourra alors jouer.

Les Juges peuvent néanmoins requalifier en clause de direction de procès, une clause de défense et recours à l'occasion de laquelle l'assureur a dirigé le procès fait à l'encontre de l'assuré, sans faire de réserve sur l'étendue de ses garanties, et peuvent donc estimer que celui-ci y a renoncé.

Mais ils peuvent également la requalifier en garantie de protection juridique, dans la mesure où  est :

une opération d'assurance de protection juridique, toute opération consistant, moyennant le paiement d'une prime ou d'une cotisation préalablement convenue, à prendre en charge des frais de procédure ou à fournir des services découlant de la couverture d'assurance, en cas de différend ou de litige opposant l'assuré à un tiers, en vue notamment de défendre ou représenter en demande l'assuré dans une procédure civile, pénale, administrative ou autre ou contre une réclamation dont il est l'objet ou d'obtenir réparation à l'amiable du dommage subi ; que, seule, n'est pas soumise aux dispositions relatives à l'assurance de protection juridique, l'activité de l'assureur de responsabilité civile pour la défense ou la représentation de son assuré dans toute procédure judiciaire ou administrative lorsqu'elle s'exerce en même temps dans l'intérêt de l'assureur.

Cass. Civ. II, 18 mars 2010, 09-12981

Dès lors, on doit fait faire application des principes régissant la protection Juridique, et notamment celui du libre choix de l'avocat.

Le conflit d'intérêt de l'avocat apparaît donc faible,



CLAUSE DE DIRECTION DE PROCES



Exception au principe de liberté de choix de l'avocat :

Il s'agit de la clause d'un contrat d'assurance de responsabilité par laquelle un assuré fait une promesse de mandat à son assureur, aux fins d'organiser et de diriger en son nom sa défense, au cas où un procès serait intenté contre lui de nature à mettre en jeu la garantie responsabilité civile prévue au contrat.

La validité d'un telle clause est admise par la Jurisprudence, sous réserve des dispositions de l'article L 113-17 du Code des Assurances disposant que "l'assureur qui prend la direction d'un procès intenté son assuré est censé renoncer à toutes les exceptions dont il avait connaissance lorsqu'il a pris la direction du procès, sauf réserves expresses de sa part".

De telles clauses sont systématiquement insérées dans les contrats d'assurance de responsabilité civile, et doivent être respectées sous peine de déchéance, dans la mesure où elles ont le but légitime de protéger l'assureur contre l'inaction de l'assuré qui, se sachant garanti, omettrait de se défendre face à une action en justice de la part d'une victime, voire d'éviter un risque de collusion.

L'avocat est alors librement choisi par l'assureur, sauf clause contraire.

L'avocat agit donc dans le procès pour le compte et dans l'intérêt de l'assuré, mais également dans l'intérêt de l'assureur qui est, en principe, seul habilité à lui donner des instructions.

Il s'agit donc d'un mandat d'intérêt commun, où le principe du libre choix d'un avocat ne s'applique pas nécessairement : Cass. Civ. II, 28 avril 2011, 10-17405

L'avocat "commun" peut donc présenter tout moyen de défense, formuler toutes demandes reconventionnelles, exercer les voies de recours habituelles au nom de l'assuré assigné...

L'avocat peut également intervenir au nom de l'assureur dans le procès, si ce dernier a intérêt à le faire, ou s'il est assigné par voie d'action directe.

A la différence de l'assurance  "Protection Juridique" ou le principe du libre choix de l'avocat est la règle, la Jurisprudence légitime pourtant cette clause - au demeurant visée à l'article L 113-17 du Code des Assurances - au motif que c'est sur l'assureur que repose la charge finale de l'indemnisation...

Toutefois, à la différence de la garantie "Protection Juridique", ou de la clause de défense et recours, la clause de direction de procès a un caractère facultatif et relève de l'appréciation exclusive de l'assureur, qui est libre de la mettre, ou non, en œuvre.

La mise en œuvre de cette clause présente également l'avantage pour l'assuré de la prise en charge par l'assureur de tous les frais de défense : avocat, expertises, dépens, article 700, en principe sans limitation de plafond.

La "clause de direction de procès" pose cependant un problème déontologique au regard de l'article 4.1 du Réglement Intérieur National de la profession d'Avocat (RIN) selon lequel :

L’avocat ne peut être ni le conseil ni le représentant ou le défenseur de plus d’un client dans une même affaire s’il y a conflit entre les intérêts de ses clients ou, sauf accord des parties, s’il existe un risque sérieux d’un tel conflit.

Sauf accord écrit des parties, il s’abstient de s’occuper des affaires de tous les clients concernés lorsque surgit un conflit d’intérêt, lorsque le secret professionnel risque d’être violé ou lorsque son indépendance risque de ne plus être entière.

Aux termes de l'article 4.2 : Il y a conflit d’intérêts :

dans la fonction de conseil, lorsque, au jour de sa saisine, l’avocat qui a l’obligation de donner une information complète, loyale et sans réserve à ses clients ne peut mener sa mission sans compromettre, soit par l’analyse de la situation présentée, soit par l’utilisation des moyens juridiques préconisés, soit par la concrétisation du résultat recherché, les intérêts d’une ou plusieurs parties.

L'exercice de la clause de direction de procès présente un risque manifeste de conflit d’intérêts.

Comment un avocat,  mandaté pour le compte de son assuré par un assureur qui a fait des réserves sur ses garanties, pourrait-il alors conseiller son client assuré au détriment des intérêts de l'assureur qui lui a confié le dossier ?

Comment, en particulier, pourrait-il librement inciter son client à contester la validité d'une clause d'exception ou de limitation de garantie invoquée par son client assureur, alors que ce dernier dirige le procès en "sous-main"... ?

En effet, l'avocat a une obligation de conseil absolue à l'égard du client assuré dont la défense lui est confiée, laquelle l'oblige à vérifier la validité des clauses de limitations de garantie d'assurance invoquées par l'assureur, et faisant l'objet de ses réserves.

Or, la Jurisprudence est extrêmement favorable aux assurés, notamment lorsqu'ils ont la qualité de consommateurs, voire de non-professionnels, en ce qui concerne la validité et l'application des clauses et conditions des contrats d'assurance, notamment :

- Acceptation des clauses de la police

- Caractère formel et limité des exclusions de risque

- Interprétation des clauses équivoques et ambiguës du contrat nécessairement en faveur de l'assuré...

Il en résulte que l'avocat a l'obligation déontologique de donner à son client assuré des Conseils qui peuvent aller à l'encontre des intérêts de l'assureur qui l'a mandaté, notamment dans le cas où ce dernier entend opposer à son assuré des exceptions ou des limitations de garantie qui peuvent souvent être discutées...

Ce conflit d'intérêt peut se manifester dans la fonction de représentation et de défense, lorsque, au jour de sa saisine, l’assistance de l'assuré pourrait conduire l’avocat à présenter une défense différente, notamment dans son développement, son argumentation et sa finalité, de celle qu’il aurait choisie si lui avaient été confiés les intérêts du seul assureur.

De la même façon, il peut apparaître lors de l'instruction d'un dossier de responsabilité, notamment à l'occasion d'une expertise judiciaire, que l'avocat commun découvre que l'assuré avait commis de fausses déclarations lors de la souscription du contrat de nature à entraîner la nullité du contrat, ou commis une faute intentionnelle légalement inassurable.

La consultation d'un dossier pénal, ou la communication de pièces adverses peut ainsi faire apparaître que l'assuré n'était pas le conducteur, d'un véhicule, était sous le coup d'une suspension de permis, ou que les faits ne sont pas conformes à la déclaration de sinistre…

- Soit l'avocat, ne dit rien à l'assureur, et il manque à son devoir d'information et de conseil à son égard.

- Soit l'avocat, informe l'assureur de la modification ou de l'évolution de la situation ce qui va à l'encontre des intérêts de son assuré.

La solution de principe est extrêmement simple : l'avocat devrait aussitôt se dessaisir de l'entier dossier dès que le conflit d'intérêt lui apparaît.

L'avocat saisi par l'assureur doit donc se montrer extrêmement prudent dans le cas où ce dernier a fait des réserves sur ses garanties.

Il lui incombe d'examiner ces exceptions de garantie, et si celles-ci lui paraissent discutables, de conseiller à son assureur mandant d'intervenir volontairement à la procédure, et de laisser son assuré faire appel à l'avocat de son choix.

Même si cette clause ne pose apparemment pas de difficulté lorsque l'assureur couvre intégralement le préjudice, elle fait échec au principe de liberté de choix du défenseur, et elle permet à l'assureur de "transiger" ou de reconnaître la responsabilité de son assuré sans l'accord ou même contre la volonté de ce dernier... On peut donc craindre un revirement de jurisprudence qui risque d'exposer des avocats à des problèmes déontologiques...