Une telle clause ne pose aucune difficulté dans la mesure où c'est effectivement l'assureur qui assumera la totalité des conséquences financières du procès en cours, dans le cadre de sa garantie.
Dans le cas contraire, la Jurisprudence estimait que l'assureur renoncait tacitement à opposer à son assuré les exceptions dont il avait connaissance au moment de la prise de direction du procès, telle que prescription, déchéance ou absence de garantie :
L'assureur ayant dirigé le procès d'un bout à l'autre, et eu ainsi connaissance dès l'assignation au fond, de l'objet du litige, a renoncé d'une part, à se prévaloir du délai de prescription..., ainsi que de la déchéance, d'autre part à soutenir que le risque n'était, à aucun titre, garanti.
Cass. Civ. I, 8 Novembre 1989, R.G.A.T. 193, note R.Bout. (1ère espèce)
Le fait pour l'assureur d'avoir dirigé la procédure suivie contre l'assuré jusqu'au jugement, en connaissance des circonstances qui excluaient la garantie et sans aviser l'assuré de ses réserves, vaut renonciation à se prévaloir de l'exception de non-garantie.
Cass. Civ. I, 22 Novembre 1989, R.G.A.T. 194, note R.Bout. (2e espèce)
Il y avait donc incompatibilité entre l'exercice de la clause de direction de procès et le refus de garantie.
Sur recommandation de la Commission des Clauses Abusives, la loi du 31 Décembre 1989, a consacré la règle jurisprudentielle dans l'article L 113-17 du Code des Assurances, aux termes duquel :
"l'assureur qui prend la direction du procès intenté à l'assuré est censé aussi renoncer à toutes les exceptions dont il avait connaissance lorsqu'il a pris la direction du procès".
II - RENONCIATION A L'EXERCICE DE LA CLAUSE
Selon l'article L 113-17 du Code des Assurances, l'assureur est censé avoir renoncé à ses exceptions de garantie lorsqu'il prend la direction du procès dirigé contre son assuré, tout en ayant eu connaissance, dès la première instance, d'une exception de garantie.
Cass. Civ. III, 6 Décembre 2006, 05-16826 ; RGDA 2007, 411, note JP Karila - Cass. Civ. I, 23 Septembre 2003, 00-15201, Bull. Civ. I, n°187
Il faut donc que l'assureur :
- Ait effectivement pris la direction d'un procès intenté à son assuré
- Ait eu alors connaissance d'une exception de garantie qu'il pouvait opposer à son assuré.
Constituent ainsi des exceptions de garantie soumises à cette clause :
- L'activité déclarée par l'assuré (Cass. Civ. III, 16 Mars 2004, 01-17450)
- En cas de suspension de garantie pour défaut de paiement de prime (Cass. Civ. II, 8 Septembre 2005, 04-15889)
Si l'assureur a connaissance d'une exception de garantie lorsqu'il est amené à prendre la direction du procès, il lui appartient de refuser purement et simplement d'exercer cette faculté, en en informant son assuré, ou de formuler des réserves expresses sur ce point.
Toutefois, si le déroulement du procès met en évidence une exception totale de garantie, notamment du fait des investigations d'une expertise en cours, l'assureur doit immédiatement renoncer à continuer à diriger le procès.
S'agissant d'un mandat qui lui est confié par l'assuré, l'assureur devra veiller à le mettre en mesure de pourvoir à sa défense, en l'avertissant aussitôt, et en lui remettant les éléments du dossier qui pourraient lui être utiles.
Les dispositions de l'article L 113-17 du Code des Assurances ne sont pas limitées à la défense au fond de l'assuré, mais concernent tout procès qui lui est intenté, fût-ce en référé, dès lors que l'assureur en prend la direction, sans réserve, en toute connaissance des exceptions qu'il peut invoquer :
Cass. Civ. I, 20 Mai 2000, 97-22495 ; Bull. Civ. I, 2000, n°135 - Cass. Civ. I, 16 Janvier 2001, 98-13457.
Les exceptions visées par l'article L 113-17, en ce qu'elles se rapportent aux garanties souscrites, ne concernent ni la nature des risques garantis, ni le montant de cette garantie :
Cass. Civ. I, 8 Juillet 1997, 95-12817 ; Bull. Civ. I, n°233 - Cass. Civ. II, 19 Novembre 2009, 08-19477 ; RGDA 2010, 434, note J. Landel - Cass. Civ. III, 20 Octobre 2010, 09-15093 ; RC et Ass. 2011, Com. 21.
IV - POSSIBILITE D'INTERVENTION DANS LA PROCEDURE
Lorsque l'assureur se trouve en présence d'une clause d'exclusion de garantie inopposable à la victime, telle qu'une déchéance, ou s'il a des raisons de présumer que sa garantie n'est pas acquise, mais qu'il souhaite cependant participer, ou continuer à participer, de façon active au procès et notamment aux opérations d'expertise judiciaire, il lui est possible d'intervenir volontairement en son nom personnel dans la procédure, sans assurer la défense de son assuré.
En effet, l'article 330 du Nouveau Code de Procédure Civile dispose que l'intervention accessoire qui appuie les prétentions d'une partie (en l'espèce de l'assuré) est recevable si son auteur (l'assureur) a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie.
L'assureur devra alors faire déposer des Conclusions à son seul nom, demandant qu'il lui soit donné acte :
- de son intervention personnelle et volontaire sur le fondement de l'article 330 du Code Civil
- de ce qu'il entend néanmoins contester sa garantie.
- et éventuellement, à titre subsidiaire, contester également la responsabilité de son assuré.
Il est évident que, dans ce dernier cas, les diligences de l'assureur iront dans le sens des intérêts de son assuré en ce qui concerne la contestation de la responsabilité.
L'assureur aura ainsi la possibilité de participer personnellement à d'éventuelles opérations d'expertise, et de discuter la responsabilité ou le montant de la réparation mise à la charge de son assuré, ce qui lui bénéficiera dans l'hypothèse ou, sur demande incidente de ce dernier, il serait finalement condamné à le garantir.
Dans la mesure où la victime n'aura pas seulement dirigé son action contre l'assuré, mais également contre l'assureur de responsabilité de ce dernier, par voie d'action directe, l'assureur qui entend contester sa garantie devra :
- faire part immédiatement de son refus de garantie à son assuré, en l'invitant à pourvoir personnellement à sa défense par l'Avocat de son choix.
- constituer un Avocat distinct dans le procès.
- faire immédiatement toutes protestations et réserves sur sa garantie, notamment, par Conclusions devant le Juge des Référés ou devant la juridiction saisie.
Hormis le cas où l'assureur garantit intégralement le risque, il a toujours intérêt à rappeler systématiquement ses conditions et limitations de garantie à son assuré, lorsqu'il prend la direction du procès.
On rappellera également que la Jurisprudence considère que la direction du procès suspend, tant qu'elle dure, la prescription biennale.
Voir : JB Payet-Godel - A.Vaurs :"La direction du procès, le point de vue de l'assureur", Décideurs : Stratégie Finance Droit, n°84, p.70.
I - DROIT D'EXCLUSIVITE
Depuis des années, on assiste à un glissement progressif de la notion subjective de responsabilité, qui sous entend l'idée d'une faute, à la notion objective de droit à indemnisation, le terme de responsabilité n'étant même pas employé dans certains textes fondamentaux, tels que la loi Badinter du 5 Juillet 1985.
Cette nécessité de protection de la victime, a fait apparaître une science nouvelle, qualifiée de "victimologie" qui étudie, du seul point de vue de la victime, son droit à réparation.
Ce droit à réparation, ne reposant plus sur l'idée de sanction de la faute de l'auteur du dommage, il apparaît normal que le patrimoine de la personne tenue à réparation soit également protégé contre la dette qu'il doit supporter, notamment au moyen de la technique de l'assurance de responsabilité.
Si le droit de la responsabilité permet de déplacer le poids du dommage de la victime au responsable, l'institution d'assurance permet de transférer la charge finale du dommage sur l'assureur, c'est à dire sur une mutualité d'assurés apte à le supporter financièrement.
Le développement de l'assurance de responsabilité rend donc possible l'élargissement du droit de la réparation dans de nombreux domaines de risques, depuis ceux encourus par le chef de famille, les entreprises, en passant par la construction ou la circulation automobile.
Ce développement est dû à une politique commerciale active des entreprises d'assurance qui proposent des garanties toujours plus étendues dans des domaines de risques les plus variés.
Par ailleurs, les pouvoirs publics s'emploient à rendre l'assurance de responsabilité obligatoire dans des domaines de risques de plus en plus nombreux, de manière à pallier l'insolvabilité des responsables.
Toutefois, la finalité première du contrat d'assurance de responsabilité est bien la protection du patrimoine de l'assuré, sans qu'on puisse imaginer que celui-ci ait consenti une stipulation pour autrui au profit de la victime.
Dès lors, l'indemnité due par l'assureur devrait normalement être versée à l'assuré, afin de lui permettre de compenser sa dette de responsabilité.
Bien que cette solution donne au responsable assuré les moyens de désintéresser financièrement sa victime, cette solution présente de sérieux inconvénients.
En effet, le responsable de mauvaise foi pourra garder par devers lui l'indemnité, et bénéficier ainsi du dommage qu'il a causé.
De plus, cette indemnité tomberait dans le patrimoine de l'assuré pour constituer le gage commun de tous ses créanciers.
C'est pourquoi après que le législateur ait accordé, en 1913, à la victime un privilège sur l'indemnité prévue par le contrat d'assurance, il était normal que la jurisprudence finisse par lui reconnaître, dans son arrêt de principe du 14 Juin 1926 un droit propre sur l'indemnité prévue dans le contrat d'assurance.
III - LE FONDEMENT DE L'ACTION DIRECTE
Le 8e de l'article 2102 du Code Civil, institué par la loi de 1898 sur les accidents du travail dispose que :
Sont privilégiées ... les créances nées d'un accident au profit des tiers lésés par cet accident ou de leurs ayants droit, sur l'indemnité dont l'assureur de la responsabilité civile se reconnaît ou a été judiciairement reconnu débiteur à raison de la convention d'assurance.
Il résulte de l'article L 121-13 du Code des Assurances que :
sont réservées aux victimes les indemnités dues en cas de sinistre par le locataire ou par le voisin par application des articles 1733 et 1382 du Code Civil.
En cas d'assurance du risque locatif ou du recours du voisin, l'assureur ne peut payer à un autre que le propriétaire de l'objet loué, le voisin ou le tiers subrogé à leur droits, tout ou partie de la somme due tant que lesdits propriétaires, voisins ou tiers subrogés n'ont pas été désintéressés des conséquences du sinistre à concurrence de ladite somme.
Toutes ces dispositions ont été rendues inutiles par l'article 53 de la loi du 13 Juillet 1930, devenu l'article L 124-3 du Code des Assurances qui dispose de façon générale que :
L'assureur ne peut payer à un autre que le tiers lésé tout ou partie de la somme due par lui, tant que ce tiers n'a pas été désintéressé, jusqu'à concurrence de ladite somme, des conséquences pécuniaires du fait dommageable ayant entraîné la responsabilité.
La Jurisprudence a déduit de ces textes que l'obligation imposée à l'assureur de réserver l'indemnité au profit exclusif de la victime, donnait à cette dernière un droit d'action directe à son encontre.
Cass. Civ. 14 Juin 1926, DP 1927, I, p.57, note P.Josserand; S. 1927, I, p.25, note Esmein - Cass. Civ. II, 17 Septembre 2009, 08-15113 ; RC et Ass. 2009, Com. 372.
Aux termes de l'article L 124-3, le droit propre et exclusif ainsi conféré à la victime du dommage sur l'indemnité d'assurance interdit à l'assureur de l'auteur du dommage de procéder à un réglement quelconque entre les mains de tout autre que le tiers lésé, tant que ce tiers n'a pas été désintéressé jusqu'à concurrence de ladite indemnité :
Cass. Civ. II, 26 Avril 2007 ; 06-14928 ; RC et Ass. 2007, Com. 226 et Etude n°12, H.Groutel
Mais si l'action de la victime d'un accident contre l'assureur est subordonnée à l'existence d'une convention passée entre ce dernier et l'auteur de l'accident et ne peut s'exercer que dans ses limites, elle trouve, en vertu de la loi, son fondement dans le droit à la réparation du préjudice causé par l'accident dont l'assuré est reconnu responsable.
Cass. Civ., 28 mars 1939, RGAT 1939, p.235; DP 1939, I, p.68, note Picard - Voir également : Cass. Civ. I, 22 Juillet 1986, 85-10.255, RGAT 1986, p.595, note G.Viney.
Dans la mesure où un bail prévoit une clause d'accession selon laquelle les travaux de trasformation ou d'amélioration faits par le preneur ne donneront lieu de la part du bailleur à une quelconque indmenité, et que le preneur ne pourra en fin de jouissnce reprendre aucune élément ou matériel qu'il aura incorporé au bien loué, le bailleur a seul qualité pour exercer l'action directe à l'encontre de l'assureur de l'auteur du dommage affectant ces biens.
Cass. Civ. III, 4 Avril 2007, 06-11154 ; RC et Ass. 2007, Com. 225, note H.Groutel.
Le bénéficiaire d'une clause de réserve de propriété a seul qualité pour exercé l'action directe à l'encontre de l'assureur de responsabilité de l'auteur du dommage affectant la chose vendue.
Cass. Com., 13 mars 2007, 05-17571 ; RC et Ass. 2007, Com. 229, note H.Groutel
Si l'assureur du responsable règle, par erreur, une indemnité à sa victime, il ne pourra en demander la restitution, dans le cadre du paiement de l'indu, qu'à son assuré dont la dette a été ainsi acquittée, et non à cette victime.
Cass. Civ. II, 26 Avril 2007 ; 06-12225 ; RC et Ass. 2007, Com. 227 et Etude 12, H.groutel.