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Jean-François CARLOT, Docteur en Droit, Avocat Honoraire
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I/VII

SUPPORT DE COURS DE DROIT DES ASSURANCES - VII/VII

Titre IV

Chapitre I - LE CONTENTIEUX DU CONTRAT D'ASSURANCE

Chapitre II - L'ACTION DIRECTE DE LA VICTIME


Dernière mise à jour :23.11.2018

La plus grande partie des contrats d'assurance s'exécute sans incident.

Le contentieux judiciaire n'est pas le seul mode de réglement des conflits en matière de droit des assurances, parmi lesquels figurent les modes amiables (MARD) : la conciliation, la médiation, la procédure participative. Il existe également des procédures d'arbitrage.

Une infime partie des contrats d'assurance connaît des difficultés qui nécessitent l'intervention des tribunaux, notamment en cas de contestation sur l'application des garanties.

C'est souvent dans le contentieux de la responsabiité que l'assureur est le plus souvent assigné par la victime exerçant son action directe, au côté de son assuré.



CHAPITRE I

CONTENTIEUX ENTRE LES PARTIES AU CONTRAT D'ASSURANCE


SECTION I - LA COMPETENCE JURIDICTIONNELLE

I - Compétence d'attribution
II - Compétence territoriale

I - COMPETENCE D'ATTRIBUTION

A - Compétence de droit commun
B - Compétence limitée des juridictions pénales
C - Compétence des Juridictions Administratives pour les marchés publics

A - COMPETENCE DE DROIT COMMUN

  • ORGANISATION DE LA JUSTICE EN FRANCE : Sur le site du Ministère de la Justice

    L'entreprise d'assurance peut être soit une Société commerciale, soit une société mutuelle, de nature civile.

    De la même manière, l'assureur intentera son action en paiement de primes, ou en nullité de contrat, devant le Tribunal d'Instance ou le Tribunal de Grande Instance si l'assuré est un simple particulier, selon le montant de la demande, ou devant le Tribunal de Commerce si l'assuré est commerçant.

    B - COMPETENCE LIMITEE DES JURIDICTIONS PENALES

    Depuis 1983, les assureurs ont la possibilité d'intervenir ou d'être mis en cause devant la juridiction pénale lorsque l'assuré est poursuivi pour une infraction d'homicide ou de blessures involontaires.

    Article 388-1 du Code de Procédure Pénale :

    L'assureur doit nécessairement se faire représenter par un Avocat.

    Cette intervention ou cette mise en cause peut intervenir pour la première fois en appel.

    Cette intervention n'a d'objet que si la victime se constitue partie civile.

    Article 388-2 du Code de Procédure Pénale :

    Article 385-1 du Code de Procédure pénale :

    A peine de de forclusion, l'exception de l'assureur doit être présentée avant toute défense au fond, au début de l'audience, et si possible par Conclusions de l'Avocat.

    Néanmoins, si l'assureur régulièrement mis en cause n'a pas comparu en première instance, il peut néanmoins interjeter appel du Jugement qui l'a condamné, et de présenter, alors, avant toute défense au fond, une exeception de nullité de son contrat :

    Cass. Crim., 16 Janvier 2007, 06-80185 ; L'Argus de l'Assurance, n°7014, p.40

    Seules les exceptions de non garantie totale du fait dommageable peuvent être soulevées par l'assureur.

    Celui-ci ne peut donc invoquer la réduction proportionnelle de taux de prime de l'article L 113-9 du Code des Assurances, en cas de fausse déclaration du risque par l'assuré :

    Cass. Crim., 25 février 1997, n°96-81164, RGDA 1997, p.912, note J.Beauchard

    Toutefois, la juridiction répressive n'a pas le pouvoir de prononcer une condamnation à l'encontre de l'assureur, elle peut simplement lui rendre le jugement opposable :

    Cass. Crim., 19 Octobre 2010, 10-80166 ; RC et Ass. 2010, Com. 84, note H. Groutel.

    L'assureur de la victime d'une infraction qui a versé à son assuré une avance sur l'indemnisation de son préjudice corporel est admis à exercer le recours qui lui est accordé par l'article 33, al.3 de de la loi du 5 Juillet 1985 devant le Juge Pénal, sur le fondement de l'article 388-1 du Code de Procédure Pénale :

    Cass. Crim., 13 Février 2007, 05-87317 ; RC et Ass. 2007, Com. 174, note H.Groutel

    C - COMPETENCE LIMITEE DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES EN MATIERE DE MARCHE PUBLIC

    1.

    L'exercice de l'action directe de la victime contre l'assureur du responsable, suppose que soient établis à la fois l'existence de la responsabilité de l'assuré à l'égard de la victime, et le montant de la créance d'indemnisation de celle-ci contre l'assurée.

    L'action directe du tiers lésé contre l'assureur est distincte de son action en responsabilité, et si ces deux actions tendent l'une et l'autre à la réparation du préjudice subi par la victime, l'action directe ne poursuit que l'obligation de réparer qui pèse sur l'assureur, laquelle est une obligation de droit privé :

    Tribunal des Conflits, 3 Mars 1969, n°1924 ; RGAT 1969, 351, Conc. Kahn - Tribunal des Conflits, 13 novembre 2000, n°3204 ; RGDA 2001, 159, note F. Vincent - Tribunal des Conflits, 4 mars 2002, n°3265 tt 3279

    Même si ce principe est critiqué, il en résulte que les victimes doivent d'abord faire reconnaître la responsabilité de l'assuré devant la Juridiction administrative, si celle-ci relève de cette juridiction, puis engager leur action directe devant le Juge Judiciaire qui doit surseoir à statuer :

    Cass. Civ. I, 6 Juillet 1999, 98-12526 ; RC et Ass. 1999, 342

    Selon la loi des 16-24 août 1790, ensemble les articles L. 124-1 et L. 124-3 du code des assurances, le juge judiciaire des référés, saisi d'une demande de provision dirigée contre un assureur à raison d'un dommage dont le contentieux relève de la compétence du juge administratif, est tenu, lorsque l'assureur ne reconnaît pas la responsabilité de son assuré, de surseoir à statuer jusqu'à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur cette responsabilité :

    Cass. Civ. II, 15 Septembre 2011, 10-20663 ; RGDA 2012, p.154, note R.Schultz

    2.

    Si le décret du 27 février 1998 a soumis les contrats d'assurance conclus par des personnes publiques au Code des Marchés publics, il n'en reste pas moins que la loi MURCEF n°200-1186 du 11 Décembre 2001 dispose désormais que "les marchés passés en application du Code des Marchés Publics ont le caractère de contrats administratifs".

    Il en résulte que n'ont pas le caractère administratif les contrats d'assurance passés avant l'entrée en vigueur de la loi :

    Cass. Civ. I, 23 Février 2011, 09-15272 ; Tribune de l'Assurance, Mai 2001, p.58.

    Le contentieux relatif aux contrats d'assurance conclus à la suite d'une procédure de passation de marché public, obligatoire au delà d'un seuil de 90.000 Euros, relève de la compétence des Juridictions administratives, lesquelles doivent appliquer le Code des Assurances, dans la mesure où ce dernier est d'origine législative, contrairement au Code des Marchés Publics, d'origine réglementaire :

    Cass. Civ. I, 23 Janvier 2007, 04-18630 et 05-14959 ; Dalloz 2007, 445.

    Mais l'appréciation des Juges Administratifs risque d'être différente de celle des Juges Judiciaires.

    Toutefois, l'assureur peut agir dans tous les cas, en qualité de subrogé dans les droits de son assuré ou d'une victime, afin d'exercer un recours contre le responsable du dommage qu'il a indemnisé, si celui-ci relève de la juridiction administrative, notamment en matière de dommage de travaux public.

    Enfin, il résulte de la loi des 16-24 août 1790 que le juge judiciaire, saisi de l'action directe d'un tiers payeur, n'est pas autorisé à se prononcer sur la responsabilité de l'assuré et le montant de la créance d'indemnisation lorsque cette responsabilité relève de la compétence de la juridiction administrative.

    Ce qui est le cas, aux termes de l'article 15 de l'ordonnance n° 2005-1087 du 1er septembre 2005, de la responsabilité de l'Etablissement Français du Sang pour les actions introduites après l'entrée en vigueur de cette ordonnance.

    Toutefois, lorsque sont établis à la fois l'existence de la responsabilité de l'assuré à l'égard de la victime et le montant de la créance d'indemnisation de celle-ci contre l'assuré, le juge judiciaire peut connaître de l'action directe contre l'assureur de l'auteur du dommage exercée par un tiers payeur.

    Cass. Civ. II, 10 Septembre 2015, 14-22023 , GP 15/12/2015, note D.Noguero - Dalloz 2016, 1167, Pano. M.B.

    II - COMPETENCE TERRITORIALE

    A - PRINCIPE : TRIBUNAL DU DOMICILE DE L'ASSURE

    En matière d'assurance terrestre (et non d'assurance crédit) l'article R 114-1 Code des Assurances dispose que:

    Dans toutes les instances relatives à la fixation et au règlement des indemnités dues, le défendeur (assureur ou assuré) est assigné devant le tribunal du domicile de l'assuré, de quelque espèce d'assurance qu'il s'agisse, sauf en matière d'immeubles ou de meubles par nature, auquel cas le défendeur est assigné devant le tribunal de la situation des objets assurés.

    Ces dispositions ont pour objet d'éviter l'encombrement des juridictions du siège social des assureurs, et notamment des juridictions parisiennes, en même temps qu'elle "rend service" à l'assuré en rendant son action plus commode.

    En matière internationale, la convention de Bruxelles du 27 Septembre 1968 contient une section III relative à la compétence en matière d'assurance, et notamment un article II qui prévoit que l'action de l'assureur ne peut être portée que devant les tribunaux de l'Etat contractant sur le territoire duquel est domicilié le défendeur, preneur d'assureur, assuré ou bénéficiaire.

    Ce tribunal est également compétent en matière d'action directe, lorsque la loi applicable prévoit la mise en cause du preneur d'assurance ou de l'assuré.

    Aux termes des articles 9 et 10, alinéa 1, de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, s'il s'agit d'assurance de responsabilité, l'assureur peut être attrait devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ; qu'il peut également être appelé devant le tribunal saisi de l'action de la personne lésée contre l'assuré si la loi de ce tribunal le permet :

    Cass. Civ. I, 10 mai 2006, 02-20272 et 02-20273 ; L'Argus de l'Assurance, Dossiers Jurisques, n°6983, 23 Juin 2006,p.3,note G.D.

    B - EXCEPTIONS

    1 - Litiges ayant un objet autre que la fixation et le réglement d'une indemnité d'assurance : Compétence de Droit commun : Articles 42 et suivants du Code de Procédure Civile.

    2 - Litiges portant sur un meuble ou un immeuble : Lieu de situation du meuble ou de l'immeuble.

    3 - Assurances garantissant les accidents de toute nature :

    4 - Action directe de la victime :

    5 - assurance crédit :

    SECTION II - LA PRESCRIPTION BIENNALE.

    I - Mention de la prescription dans la Police
    II - Durée de la prescription
    III - Le calcul du délai de deux ans
    IV - Renonciation à la prescription
    V - Fautes liées à la prescription
    VI - Pas d'interversion de prescription biennale

    Aux termes de l'article 2219 du Code Civil, La prescription extinctive est un mode d'extinction d'un droit résultant de l'inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps.

    L’article 2223 du code civil prévoit que les dispositions du code civil consacrées à la prescription extinctive ne font pas obstacle à l’application des règles spéciales prévues par d’autres lois.

    La loi du 13 juillet 1930 relative au contrat d’assurance qui a instauré la prescription biennale en matière de droit des assurances pour mettre fin à la pratique consistant à introduire dans les contrats d’assurance un délai de six mois pour l’action en règlement des sinistres.

    La Cour de cassation a consacré le caractère d’ordre public du délai de la prescription biennale, laquelle ne repose pas sur un présomption de paiement. (voir P. Sargos, « La doctrine jurisprudentielle de la Cour de cassation relative à la prescription en droit des assurances », RGDA no 1996-3, 1er juillet 1996, p. 545).

    Elle permet, notamment, à un assureur de se libérer de son obligation de garantie, et à un assuré du paiement de ses primes, à l'expiration du délai prévu par la loi et rappelé dans le contrat.

    Il appartient donc à l'assuré d'être extrèmement vigilant pour interrompre cette prescription en temps utile, sous peine de perdre le bénéfice de la garantie, ce qui peut également engager la responsabilité professionnelle de ses Conseils éventuels (Courtiers, Avocats...)

    La prescription est une fin de non recevoir (a.122 du CPC) à une action judiciaire, qui peut être soulevée à tous les stades de la procédure (a.123 du CPC), et notamment pour la première fois en appel, mais non devant la Cour de Cassation, à moins que la partie qui n'aurait pas opposé le moyen de prescription ne doive, par les circonstances, être présumée y avoir renoncé (A. 2248 du Code Civil).

    Les Juges ne peuvent pas suppléer d'office le moyen résultant de la prescription ( (A. 2247 du Code Civil ).

    Voir : A.Astegiano-La Rizza : "L'assurance et la réforme de la prescription en matière civile (Loi n°2008-561 du 17 Juin 2008) , RGDA 2008, 834.

    Voir P.Sargos : "La doctrine jurisprudentielle de la Cour de cassation relative à la prescription en droit des assurances" - Revue Générale du Droit des Assurances, 01 juillet 1996 n° 1996-3, p. 545.

    I - MENTION DE LA PRESCRIPTION DANS LA POLICE

    Aux termes de l'article R 112-1, al.2, du Code des Assurances, les Polices doivent rappeler, notamment, les dispositions des titres Ier et II, du livre 1er de la partie législative du code des assurances concernant la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance.

    Aux termes de l'article R. 112-1, al.2, du code des assurances, les polices d'assurance relevant des branches 1 à 17 de l'article R. 321-1 doivent rappeler les dispositions des titres Ier et II du livre Ier de la partie législative du code des assurances concernant la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance.

    Voir : Dalloz 2006, Pano. Droit des Assurances, p.1787.

    Il en résulte que l'assureur est tenu de rappeler dans le contrat d'assurance, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription édicté par l'article L. 114-1 du code des assurances, les causes d'interruption de la prescription biennale prévues à l'article L. 114-2 du même code :

    Cass. Civ. II, 3 Septembre 2009, 08-13094 ; RC et Ass. 2009, 311, note H.Groutel

    L’inobservation de ces dispositions est sanctionnée par l’inopposabilité à l’assuré du délai de prescription édicté par l’article L. 114-1 du même code :

    Cass. Civ. II, 2 juin 2005, 03-11871 ; Bull. 2005, II, n° 141 ; RGDA 2005, p.619, note J.Kullmann; RC et Ass. 2005, Etude 11, H.Groutel.

    Doivent ainsi figurer dans le contrat, sous peine d’inopposabilité à l’assuré du délai de prescription édicté par l’article L. 114-1 de ce code, non seulement l’indication du délai de prescription mais également celles :

    L'assureur est donc tenu de rappeler dans le contrat d'assurance, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription biennale, les différents points de départ du délai de la prescription biennale prévus par l'article L. 114-1 du code des assurances.

    La fin de non recevoir tirée de la prescription biennale n'est donc opposable à l'assuré que si les dispositions légales et réglementaires relatives au point de départ et aux causes d'interruption de la prescription biennale de l'article L 114-1 du Code des Assurances sont rappelées intégralement dans le contrat d'assurance :

    Cass. Civ. II, 23 novembre 2017, 16-26671 - Cass. Civ. II, 10 Décembre 2015, 14-28012 ; RC et Ass. 2016, Com.25, note HG - Cass. Civ. II, 22 octobre 2015, 14-21292 - Voir : L.Houdart, "La mention des causes d'interruption de la prescription dans les contrats d'assurance", GP 15/12/2015, p.9. Cette exigence s'impose également à l'assureur de deuxième ligne, qui ne peut se borner à un renvoi à la Police de première ligne, quelle que soit la qualité de l'assuré - Cass. Civ. II, 22 octobre 2015, 14-21909 ; D.Noguero ; "Clause de renvoi pour l'information sur la prescrition et la déchéance, et questionss claires et précises sur la déclaraton du risque", GP 15/12/2015, p.13 - Cass. Civ. II, 10 Novembre 2005, 04-15041 ; RC et Ass. 2006, Com. 42, note H.Groutel - Cass. Civ. II, 25 Juin 2009, 08-14254

    II - DUREE DE LA PRESCRIPTION

    Les assureurs avaient l'habitude d'insérer dans leurs contrats une clause soumettant les actions judiciaires nées du contrat à une prescription extrêmement courte.

    C'est pourquoi, la loi du 13 Juillet 1930 a unifié le délai de prescription dans l'intérêt de l'assuré :

    A - Principe : délai de deux ans.

    La prescription est portée à dix ans :

    Selon l'Article L 114-3 du Code des Assurances Par dérogation à l'article 2254 du code civil, les parties au contrat d'assurance ne peuvent, même d'un commun accord, ni modifier la durée de la prescription, ni ajouter aux causes de suspension ou d'interruption de celle-ci".

    B - Actions dérivant du contrat d'assurance

    C - Action directe de la victime non soumise à la prescription biennale

    D - Droit invoqué par voie d'exception non soumis à la prescription biennale

    III - LE CALCUL DU DELAI DE DEUX ANS.

    Le délai se compte de quantième à quantième.

    On ne compte pas le jour du point de départ (dies a quo) mais le "dies ad quem".

    A - POINT DE DEPART DE LA PRESCRIPTION BIENNALE

    1 - EN CAS DE MANQUEMENT DE L'ASSUREUR A SON DEVOIR DE CONSEIL

    Le dommage résultant d'un manquement au devoir de conseil dû à l'assuré sur l'adéquation de la garantie souscrite à ses besoins se réalise au moment du refus de garantie opposé par l'assureur :

    Cass. Civ. II, 18 mai 2017, 16-17754

    2 - EN CAS DE SINISTRE

    • Point de départ du jour où les intéressés en ont eu connaissance.
    • Jour où l'assureur découvre la faute de l'assuré en matière de déchéance.

    3 - DECLARATION IRREGULIERE DU RISQUE PAR L'ASSURE

    Le délai ne court que du jour où l'assureur a eu connaissance de la réticence, de l'omission ou de la déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru (L 114-1 al 2.

    S'applique pour la mise en jeu des articles L 113-8 et L 113-9 du Code des Assurances, mais l'exception de nullité survit à l'action.

    Cass. Civ. III, 14 Février 2007, 05-21987 ; RC et Ass. 2007, Com.140, note G.Courtieu - Cass. Civ. I, 23 Juin 1993, 90-10112 ; RGAT 1993, p.774, note H.Margeat - Cass. Civ. I, 11 Janvier 1989, 87-17025 ; RGAT 1989, p.322, note H.Margeat et J.Landel

    4 - EN CAS DE RECOURS D'UN TIERS

    En matière d'assurance de responsabilité, l'article L 114-1 du Code des Assurances dispose que quand l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré, ou a été indemnisé par ce dernier.

    Une telle action en justice peut être constituée par une assignation en référé, y compris pour une simple désignation d'Expert sur le fondement de l'article 145 du Code de Procédure Civile, afin de déterminer l'origine et les causes d'un sinistre ou d'en chiffrer le montant :

    Cass. Civ. I, 18 Juin 1996, 94-14985 ; RGDA 1996, p.624, note Maurice, et P.884, note L.Mayaux - Cass. Civ. II, 3 Septembre 2009, 08-18092 ; RC et Ass. 2009, Com.341, note H.Mayaux.

    Toutefois, il résulte des dispositions combinées des articles 1346 du Code Civil, et L 124-3 du Code des Assurances que celui qui est subrogé dans les droits de la victime d'un dommage ne dispose que des actions bénéficiant à celle-ci de sorte que son action contre l'assureur du responsable est soumise à la prescription applicable à l'action directe de la victime.

    Cass. Civ. I, 4 Février 2003, 99-15717, Bull. n°30, p.25.

    La saisine par une victime d'accident du travail de la tentative de conciliation prévue par l'article L 452-4 du Code de la Sécurité Sociale en matière de reconnaissance de faute inexcusable, ne saurait constituer une "action en justice", au sens de l'article L 114-1, al.3 du Code des Assurances, et ne fait donc pas courir la prescription biennale de l'employeur à l'encontre de son assureur.

    Cass. Civ. II, 24 juin 2004, 02-19056 ; R.C. et Ass. 2004, n°312.

    Il en est de même pour la constitution de partie civile devant le Juge de d'instruction, laquelle ne constitue pas une action en justice au sens de l'article L 114-1 du Code des Assurances.

    Cass. Civ. II, 8 Octobre 2009, 08-17151 ; RC et Ass. 2009, Com. 375.

    Mais le point de départ de cette prescription peut être fixé à la date de l'assignation de la victime contre son employeur devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale, laquelle vaut action en Justice :

    Cass. Civ. II, 7 Avril 2005, 04-12128 ; RC et Ass. 2005, com.203, note H.Groutel.

    Le problème se pose de savoir si l'assuré, assigné par un tiers, et qui n'interrompt pas la prescription biennale à l'égard de son assureur de responsabilité, s'expose à devoir rembourser à ce dernier le montant de l'indemnisaton que ce dernier aura dû verser à la victime exerçant son action directe postérieurement à l'expiration du délai de prescription biennale, laquelle lui est inopposable.

    Cette "déchéance" résultant de la prescription biennale n'autorise pas l'asureur à exercer son recours contre son assuré dans la mesure où le paiement par l'assureur de l'indemnité au tiers victime exerçant son action directe est fondé sur les obligations nées du contrat d'assurance, auquel l'assureur ne peut se soustraire :

    Cass. Civ. II, 17 Février 2005, 04-11215 ; Dalloz 2005, IR 665 ; RC et Ass. 2005, 141,note H.Groutel ; RGDA 2005, 439, note JP Karila

    Enfin, dans la mesure où l'assureur avait fait connaître son refus de garantie antérieurement à l'action en justice intentée par un tiers contre l'assuré à la suite d'un sinistre, le point de départ de la prescription biennale opposable à l'assuré doit être fixé à la date à laquelle l'assurer avait fait connaître son refus de garantie.

    Cass. Civ. II, 6 février 2014, 13-13870 (En matière d'assurance emprunteur)

    Mais rappelons que la prescription biennale n'est pas opposable à la victime exerçant une action directre à l'encontre de l'assureur du responsable...

    5- EN MATIERE D'ASSURANCE POUR COMPTE

    Le point de départ de la prescription de l'action de l'assuré pour compte à l'égard de son assureur est fixé, non pas à la date de la connaissance de l'existence de la police souscrite à son profit, mais à celle de la connaissance de l'identité de l'assureur :

    Cass. Civ., 15 Mars 2007, 05-20856 ; RGDA 2007, 590, note J.Kullmann

    6 - EN MATIERE D'ASSURANCE GROUPE EMPRUNTEUR

    En matière d'assurance de groupe souscrite par un établissement de crédit, et à laquelle adhère un emprunteur pour la couverture de risques pouvant avoir une incidence sur le remboursement de l'emprunt, la prescription de l'action de l'assuré contre l'assureur ne commence à courir qu'à compter du premier des deux événements suivants :

    7- EN MATIERE D'ASSURANCE DE PROTECTION JURIDIQUE

    En matière d'assurance de protection juridique, lorsque l'assureur a accepté sa garantie dans les limites des prévisions contractuelles, le point de départ de la prescription de l'action de l'assuré court du jour où il a eu connaissance des éléments lui permettant de réclamer l'indemnité promise :

    Cass. Civ. II, 6 mars 2014, 13-11642 ; RGDA 2014, 283, note A.Pélissier

    8 - EN MATIERE D'ASSURANCE DE PERSONNES

    Le sinistre réside dans la survenance de l'état d'incapacité ou d'invalidité de l'assuré, et ne peut être constitué qu'au jour de la consolidation de cet état, point de départ de la prescription biennale :

    Cass. Civ. II, 26 Octobre 2006, 05-15504 et 05-12732 ; RC et Ass. 2007, Com. 32 et 36

    B - SUSPENSION ET INTERRUPTION DE LA PRESCRIPTION

    Rappel : les causes d'interruption de la prescription biennale doivent être rappelées dans la police.

    La prescription biennale ne peut être suspendue que par des circonstances mettant la partie qui en invoque la suspension dans l'impossibilité d'agir :

    Cass. Civ. II, 12 Juillet 2007, 06-20548 ; RC et Ass. 2007, Com. n°293

    Article L 114-2 du Code des Assurances :

    La prescription est interrompue par :

    IV - RENONCIATION A LA PRESCRIPTION

    Seule une prescription acquise est susceptible de renonciation (Art. 2250 C.Civil et suivants):

    Cass. Civ. I, 20 Octobre 1992, 89-13733 ; RGAT 1993, p.80, note H.Margeat.

    Cette renonciation peut être expresse ou tacite.

    Cette renonciation doit résulter d'actes non équivoques quant à la volonté de renoncer, relevant de l'appréciation souveraine des Juges de fond.

    F.Chapuisat : la renonciation de l'assureur aux prérogatives du Code des Assurances, RGAT 1993, p.483 - Cass. Civ. II, 3 Septembre 2009, 08-18068 ; RC et Ass. 2009, Com. 340, note H.Groutel.

    La renonciation peut résulter :

    En revanche, le simple refus de garantie de l'assureur ne peut être considéré comme une renonciation à soulever la prescription :

    Cass. Civ. III, 12 avril 2012, 10-27725 - Cass. Civ. II, 15 Mai 2008, 07-14258 ; RGDA 2008, 646, note M.Bruschi.

    La reconnaissance, même partielle, que l'assureur fait du droit de son assuré contre lequel il prescrivait, entraîne pour la totalité de la créance, un effet interruptif de prescription qui ne peut se fractionner :

    Cass. Civ. II, 16 Novembre 2006, 05-18287 ; RC et Ass. 2007, Com. n°73, note H.Groutel

    Cette renonciation à la prescription acquise ne fait pas courir un nouveau délai de prescription :
    Cass. Civ. II, 3 juillet 2014, 13-17449 ; RGDA 2014, 441, note M.Bruschi - Cass. Civ. II, 16 Novembre 2006, 05-16082 ; RC et Ass. 2007, Com. n°74, note H.Groutel

    V - FAUTES LIEES A LA PRESCRIPTION

    En principe, l'assureur n'est pas tenu envers l'assuré, surtout s'il est représenté par un courtier, d'une obligation particulière d'information relative au risque d'expiration du délai biennal de prescription :

    Cass. Civ. II, 26 Octobre 2006, 05-12318 ; RC et Ass. 2007, Com.n°75

    Néanmoins, les Juges peuvent retenir une faute, en cas de déloyauté de l'assureur :

    Cass. Civ. II, 21 novembre 2013, 12-26489

    Voir Dossier de l'Argus de l'assurance : "La responsabilité de l'assureur dans l'exécution des contrats".

    A- Absence de réaction de l'assureur à l'approche de la prescription :

    L'assureur qui garde un "silence malicieux" dans le but d'échapper au paiement grâce à la prescription et que les correspondances qu'il avait avec son assuré ont " endormi sa vigilance " sur les formalités légales qui lui incombaient commet une manquement à son "obligation de loyauté dans la mise en oeuvre du processus d'indemnisation" après la survenance d'un sinistre, qui constitue une faute contractuelle dont il doit réparation.

    Cass. Civ. I, 26 novembre 1996, 94-13468

    Informé par son expert que la prescription devait intervenir de manière imminente, l'assureur ne réagit pas auprès de son assuré qui correspondait directement avec l'Expert :

    Cass. Civ. I, 6 Décembre 1994, 912-19072 ; RGAT 1995, p.57, note J.Kullmann.

    B - Manoeuvres dilatoires de l'assureur

    Attitude fautive aux fins de laisser volontairement expirer le délai de prescription.

    Cass. Civ. I, 7 Juin 1988, 86-19296 ; RGAT 1988, p.786,note J.Bigot.

    Fraude :

    Assureur ayant fait savoir à son assurée qu'il ne pouvait répondre à sa demande, tant que l'information pénale ouverte à la suite du décès de son mari ne serait pas clôturée, constituant une " manoeuvre " qui n'avait eu pour but que de laisser courir la prescription biennale en abusant l'assurée afin de la dissuader d'agir en justice :

    Cass. Civ. I, 28 Octobre 1991, 88-14410 ; R.C. et ass. 1991, n°434, obs. H.Groutel; RTDC 1992, p.588.

    Dans ces cas, l'assureur engage sa responsabilité civile contractuelle envers son assuré envers lequel il est tenu d'une obligation de conseil et de loyauté, qu'il doit exécuter de bonne foi.

    Il peut être amené à procéder à l'indemnisation du sinistre, à titre de dommages et intérêts, en fonction de la perte de chance qu'aura subie son assuré du fait de la prescription.

    Néanmoins, lorsque l'assuré bénéficie de l'assistance d'un courtier dans la gestion d'un sinistre, celui-ci engage sa propre responsabilité professionnelle à l'égard de son mandant lorsqu'il ne fait pas le nécessaire pour conseiller à son client de ne pas interrompre la prescription en temps utile.

    Cass. Civ. II, 26 Octobre 2006 , 05-12318

    L'action en nullité pour dol d'un accord transactionnel conclu entre les parties au contrat d'assurance, et qui ne dérive pas du contrat d'assurance, n'est pas soumise à la prescription biennale de l'article L. 114-1 du code des assurances

    Cass. Civ. II, 16 Janvier 2014, 13-10134 ; RGDA 2014, 150, note A.Pélissier

    l'action en responsabilité quasi-délictuelle intentée par des cautions de l'assuré sur le fondement de l'article 1240 du code civil, en invoquant une inexécution fautive du contrat à l'origine de leur propre dommage, n'est pas soumise à la prescription biennale de l'article L. 114-1 du code des assurances.

    Cass. Civ. II, 6 février 2014, 13-10540, 13-10745 ; RGDA 2014, 154, note J.Kullmann : "De l'unicité de la faute de l'assureur à la dualité des responsabilités et des prescriptions".

    VI - ABSENCE D'INTERVERSION

    Le délai de l'article L 114-1 du Code des Assurances s'apparentant à un délai préfixe, les créances issues de condamnations judiciaire ne bénéficient pas de l'effet interversif de la prescription trentenaires.

    Il résulte des articles L. 111-2, L. 114-1 et L. 114-2 du Code des assurances que le délai de prescription biennale pour les actions dérivant du contrat d'assurance a un caractère d'ordre public exclusif de toute interversion de prescription.

    Cass. Civ. I, 9 mai 1994, 92-18171; Bull.I n° 166 p. 123 - Voir également :

    les dispositions de l'article L. 114-1 du Code des assurances sont exclusives de toute interversion de prescription, alors même qu'une décision judiciaire a prononcé une condamnation à garantie de l'assureur ; que s'il est exact que l'exécution d'un jugement ou arrêt de condamnation ne relève pas, en raison de l'autorité qui s'y attache, d'un régime de courte prescription, la prescription biennale s'applique aux actions engagées par la suite dès lors qu'elles dérivent du contrat d'assurance.

    Cass. Civ. I, 3 février 1998, 95-21.672 ; Bull.1998 I, n°39 p.26, Dalloz 1999, Som. p.223, note J.Berr.

    Voir : R.Lichaber "Le point sur l'interversion des prescriptions en cas de condamnation en justice", Dalloz 2006, Chr. p.254.

    SECTION III - LA CLAUSE DE DIRECTION DE PROCES



  • Voir : Distinction entre Assurance de protection juridique - Clause de défense-recours - Clause de direction de procès

    I - VALIDITE DE LA CLAUSE DE DIRECTION DE PROCES

    Dans les assurances de responsabilité, l'assureur peut être amené à supporter, en lieu et place de l'assuré, le poids de la réparation mis éventuellement à la charge de ce dernier, dans le cadre de sa garantie contractuelle.

    La dette de responsabilité étant en principe établie par une décision judiciaire opposable à l'assureur, il importe que ce dernier ait la possibilité d'organiser la défense des intérêts de son assuré devant la juridiction saisie par la victime, notamment en cas de négligence de ce dernier, voire de collusion avec la victime.

    C'est pourquoi, la plupart des contrats d'assurance de responsabilité civile insèrent-t'ils, classiquement, une clause dite de direction de procès :

    • faisant obligation à l'assuré de laisser l'assureur diriger le procès dirigé contre lui par le tiers lésé.

    • lui interdisant de s'immiscer dans la conduite de procès dirigé contre lui, sauf s'il y a intérêt.

    Il s'agit d'un mandat donné par l'assuré à l'assureur dans l'intérêt commun des deux parties, et qui a donc un caractère irrévocable.

    Une telle clause ne pose aucune difficulté dans la mesure où c'est effectivement l'assureur qui assumera la totalité des conséquences financières du procès en cours, dans le cadre de sa garantie.

    Dans le cas contraire, la Jurisprudence estimait que l'assureur renoncait tacitement à opposer à son assuré les exceptions dont il avait connaissance au moment de la prise de direction du procès, telle que prescription, déchéance ou absence de garantie :

      L'assureur ayant dirigé le procès d'un bout à l'autre, et eu ainsi connaissance dès l'assignation au fond, de l'objet du litige, a renoncé d'une part, à se prévaloir du délai de prescription..., ainsi que de la déchéance, d'autre part à soutenir que le risque n'était, à aucun titre, garanti.

      Cass. Civ. I, 8 Novembre 1989, R.G.A.T. 193, note R.Bout. (1ère espèce)

      Le fait pour l'assureur d'avoir dirigé la procédure suivie contre l'assuré jusqu'au jugement, en connaissance des circonstances qui excluaient la garantie et sans aviser l'assuré de ses réserves, vaut renonciation à se prévaloir de l'exception de non-garantie.

      Cass. Civ. I, 22 Novembre 1989, R.G.A.T. 194, note R.Bout. (2e espèce)

    Il y avait donc incompatibilité entre l'exercice de la clause de direction de procès et le refus de garantie.

    Sur recommandation de la Commission des Clauses Abusives, la loi du 31 Décembre 1989, a consacré la règle jurisprudentielle dans l'article L 113-17 du Code des Assurances, aux termes duquel : "l'assureur qui prend la direction du procès intenté à l'assuré est censé aussi renoncer à toutes les exceptions dont il avait connaissance lorsqu'il a pris la direction du procès".

    A noter que la Clause de direction de procés, qui a un caractère facultatif et joue dans l'intérêt de l'assureur, doit être distinguée de la garantie défense et recours, ou de la garantie de protection juridique qui imposent contractuellement à l'assureur de procéder à la défense des intérêts de son assuré.

    II - RENONCIATION A L'EXERCICE DE LA CLAUSE

    Selon l'article L 113-17 du Code des Assurances, l'assureur est censé avoir renoncé à ses exceptions de garantie lorsqu'il prend la direction du procès dirigé contre son assuré, tout en ayant eu connaissance, dès la première instance, d'une exception de garantie.
    Cass. Civ. III, 6 Décembre 2006, 05-16826 ; RGDA 2007, 411, note JP Karila - Cass. Civ. I, 23 Septembre 2003, 00-15201, Bull. Civ. I, n°187

    Il faut donc que l'assureur :

    • Ait effectivement pris la direction d'un procès intenté à son assuré
    • Ait eu alors connaissance d'une exception de garantie qu'il pouvait opposer à son assuré.

    Constituent ainsi des exceptions de garantie soumises à cette clause :

    • L'activité déclarée par l'assuré (Cass. Civ. III, 16 Mars 2004, 01-17450)
    • En cas de suspension de garantie pour défaut de paiement de prime (Cass. Civ. II, 8 Septembre 2005, 04-15889)

    Si l'assureur a connaissance d'une exception de garantie lorsqu'il est amené à prendre la direction du procès, il lui appartient de refuser purement et simplement d'exercer cette faculté, en en informant son assuré, ou de formuler des réserves expresses sur ce point.

    Toutefois, si le déroulement du procès met en évidence une exception totale de garantie, notamment du fait des investigations d'une expertise en cours, l'assureur doit immédiatement renoncer à continuer à diriger le procès.

    S'agissant d'un mandat qui lui est confié par l'assuré, l'assureur devra veiller à le mettre en mesure de pourvoir à sa défense, en l'avertissant aussitôt, et en lui remettant les éléments du dossier qui pourraient lui être utiles.

    Les dispositions de l'article L 113-17 du Code des Assurances ne sont pas limitées à la défense au fond de l'assuré, mais concernent tout procès qui lui est intenté, fût-ce en référé, dès lors que l'assureur en prend la direction, sans réserve, en toute connaissance des exceptions qu'il peut invoquer :

    Cass. Civ. I, 20 Mai 2000, 97-22495 ; Bull. Civ. I, 2000, n°135 - Cass. Civ. I, 16 Janvier 2001, 98-13457.

    Les exceptions visées par l'article L 113-17, en ce qu'elles se rapportent aux garanties souscrites, ne concernent ni la nature des risques garantis, ni le montant de cette garantie :

    Cass. Civ. I, 8 Juillet 1997, 95-12817 ; Bull. Civ. I, n°233 - Cass. Civ. II, 19 Novembre 2009, 08-19477 ; RGDA 2010, 434, note J. Landel - Cass. Civ. III, 20 Octobre 2010, 09-15093 ; RC et Ass. 2011, Com. 21.

    III - RESERVES DE GARANTIE

    A - IGNORANCE DE L'EXCEPTION DE GARANTIE

    Il est souvent matériellement difficile à l'assureur de savoir si sa garantie est effectivement acquise lorsqu'il est saisi d'une réclamation judiciaire contre son assuré, notamment dans le cadre d'un référé provision ou aux fins d'expertise.

    Ces réserves peuvent résulter d'une lettre recommandée avec accusé de réception adressée si possible directement à l'assuré, ou à son courtier, par lequel l'assureur peut l'informer :

    • que, vu l'urgence, il se charge d'organiser sa défense.

    • qu'il forme cependant les réserves les plus expresses quant à l'application de sa garantie, dans la mesure où les circonstances ne lui sont pas encore connues avec exactitude, et qu'il ignore si les conditions d'application du contrat sont réunies.

    Dans la mesure où la suite du procès, et notamment les opérations d'expertise ordonnées en Référé, établiraient que la garantie n'est pas acquise (fait dommageable antérieur ou postérieur à la période de garantie, conditions de la garantie non réunies, exclusion de risque, etc...) il appartient à l'assureur de se dessaisir aussitôt de la défense de son assuré, en lui écrivant :

    • que le déroulement du procès fait apparaître que sa garantie n'est pas acquise.

    • qu'il entend donc renoncer à poursuivre la direction du procès.

    L'assureur devra alors dessaisir l'Avocat et l'Expert qu'il aura pu missionner.

    B - EXCEPTION DE GARANTIE PARTIELLE

    Lorsqu'il prend la direction du procès, ou lors de son déroulement, l'assureur peut estimer que sa garantie n'est que partiellement acquise, notamment du fait d'une limitation de garantie, et il lui appartient de dissiper toute équivoque.

    Dans la mesure où il n'y a pas désaccord avec l'assuré sur l'étendue de la garantie, l'assureur peut diriger le procès, après avoir rappelé expressément à l'assuré ses limitations de garantie.

    IV - POSSIBILITE D'INTERVENTION DANS LA PROCEDURE

    Lorsque l'assureur se trouve en présence d'une clause d'exclusion de garantie inopposable à la victime, telle qu'une déchéance, ou s'il a des raisons de présumer que sa garantie n'est pas acquise, mais qu'il souhaite cependant participer, ou continuer à participer, de façon active au procès et notamment aux opérations d'expertise judiciaire, il lui est possible d'intervenir volontairement en son nom personnel dans la procédure, sans assurer la défense de son assuré.

    En effet, l'article 330 du Nouveau Code de Procédure Civile dispose que l'intervention accessoire qui appuie les prétentions d'une partie (en l'espèce de l'assuré) est recevable si son auteur (l'assureur) a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie.

    L'assureur devra alors faire déposer des Conclusions à son seul nom, demandant qu'il lui soit donné acte :

    • de son intervention personnelle et volontaire sur le fondement de l'article 330 du Code Civil

    • de ce qu'il entend néanmoins contester sa garantie.
    • et éventuellement, à titre subsidiaire, contester également la responsabilité de son assuré.

    Il est évident que, dans ce dernier cas, les diligences de l'assureur iront dans le sens des intérêts de son assuré en ce qui concerne la contestation de la responsabilité.

    L'assureur aura ainsi la possibilité de participer personnellement à d'éventuelles opérations d'expertise, et de discuter la responsabilité ou le montant de la réparation mise à la charge de son assuré, ce qui lui bénéficiera dans l'hypothèse ou, sur demande incidente de ce dernier, il serait finalement condamné à le garantir.

    Dans la mesure où la victime n'aura pas seulement dirigé son action contre l'assuré, mais également contre l'assureur de responsabilité de ce dernier, par voie d'action directe, l'assureur qui entend contester sa garantie devra :

    • faire part immédiatement de son refus de garantie à son assuré, en l'invitant à pourvoir personnellement à sa défense par l'Avocat de son choix.

    • constituer un Avocat distinct dans le procès.

    • faire immédiatement toutes protestations et réserves sur sa garantie, notamment, par Conclusions devant le Juge des Référés ou devant la juridiction saisie.

    Hormis le cas où l'assureur garantit intégralement le risque, il a toujours intérêt à rappeler systématiquement ses conditions et limitations de garantie à son assuré, lorsqu'il prend la direction du procès.

    On rappellera également que la Jurisprudence considère que la direction du procès suspend, tant qu'elle dure, la prescription biennale.

    Voir : JB Payet-Godel - A.Vaurs :"La direction du procès, le point de vue de l'assureur", Décideurs : Stratégie Finance Droit, n°84, p.70.

    CHAPITRE II

    L'ACTION DIRECTE DES VICTIMES CONTRE L'ASSUREUR DU RESPONSABLE



    SECTION I - LE DROIT PROPRE DE LA VICTIME SUR L'INDEMNITE

    I - DROIT D'EXCLUSIVITE

    Depuis des années, on assiste à un glissement progressif de la notion subjective de responsabilité, qui sous entend l'idée d'une faute, à la notion objective de droit à indemnisation, le terme de responsabilité n'étant même pas employé dans certains textes fondamentaux, tels que la loi Badinter du 5 Juillet 1985.

    Cette nécessité de protection de la victime, a fait apparaître une science nouvelle, qualifiée de "victimologie" qui étudie, du seul point de vue de la victime, son droit à réparation.

    Ce droit à réparation, ne reposant plus sur l'idée de sanction de la faute de l'auteur du dommage, il apparaît normal que le patrimoine de la personne tenue à réparation soit également protégé contre la dette qu'il doit supporter, notamment au moyen de la technique de l'assurance de responsabilité.

    Si le droit de la responsabilité permet de déplacer le poids du dommage de la victime au responsable, l'institution d'assurance permet de transférer la charge finale du dommage sur l'assureur, c'est à dire sur une mutualité d'assurés apte à le supporter financièrement.

    Le développement de l'assurance de responsabilité rend donc possible l'élargissement du droit de la réparation dans de nombreux domaines de risques, depuis ceux encourus par le chef de famille, les entreprises, en passant par la construction ou la circulation automobile.

    Ce développement est dû à une politique commerciale active des entreprises d'assurance qui proposent des garanties toujours plus étendues dans des domaines de risques les plus variés.

    Par ailleurs, les pouvoirs publics s'emploient à rendre l'assurance de responsabilité obligatoire dans des domaines de risques de plus en plus nombreux, de manière à pallier l'insolvabilité des responsables.

    Toutefois, la finalité première du contrat d'assurance de responsabilité est bien la protection du patrimoine de l'assuré, sans qu'on puisse imaginer que celui-ci ait consenti une stipulation pour autrui au profit de la victime.

    Dès lors, l'indemnité due par l'assureur devrait normalement être versée à l'assuré, afin de lui permettre de compenser sa dette de responsabilité.

    Bien que cette solution donne au responsable assuré les moyens de désintéresser financièrement sa victime, cette solution présente de sérieux inconvénients.

      En effet, le responsable de mauvaise foi pourra garder par devers lui l'indemnité, et bénéficier ainsi du dommage qu'il a causé.

      De plus, cette indemnité tomberait dans le patrimoine de l'assuré pour constituer le gage commun de tous ses créanciers.

    C'est pourquoi après que le législateur ait accordé, en 1913, à la victime un privilège sur l'indemnité prévue par le contrat d'assurance, il était normal que la jurisprudence finisse par lui reconnaître, dans son arrêt de principe du 14 Juin 1926 un droit propre sur l'indemnité prévue dans le contrat d'assurance.

    II - RECONNAISSANCE D'UN DROIT D'ACTION DIRECTE CONTRE L'ASSUREUR

    La reconnaissance d'un droit d'action à la victime est le fruit d'une pure création prétorienne de la jurisprudence qui fonde cette action sur le contrat d'assurance, le droit propre de la victime et la nécessité de sa protection.

    Bien que puisant sa source et trouvant sa mesure dans le contrat d'assurance, qui en est le support nécessaire, la Jurisprudence tend à en détacher le droit propre de la victime pour lui faire acquérir une autonomie certaine.

    Elle tend à conférer à un individu un droit d'action à l'encontre d'un tiers en dehors de tout lien juridique.

    Elle déroge donc aux principes fondamentaux :

    • de la relativité des conventions de l'article 1165 du Code Civil.

    • de l'égalité des créanciers, du fait de l'exclusivité reconnue à la victime sur l'indemnité d'assurance immobilisée à son profit dès la survenance du dommage.

      L'égalité des créanciers trouve son fondement dans l'article 2093 du Code civil aux termes duquel "les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers et le prix s'en distribue entre eux par contribution, à moins qu'il n'y ait entre les créanciers des causes légitimes de préférence".

      Dès le début du vingtième siècle, la Cour de cassation a reconnu à la règle de l'égalité entre les créanciers un caractère d'ordre public qui interdisait toute clause pouvant favoriser l'un d'eux.

    III - LE FONDEMENT DE L'ACTION DIRECTE

    Le 8e de l'article 2102 du Code Civil, institué par la loi de 1898 sur les accidents du travail dispose que : Sont privilégiées ... les créances nées d'un accident au profit des tiers lésés par cet accident ou de leurs ayants droit, sur l'indemnité dont l'assureur de la responsabilité civile se reconnaît ou a été judiciairement reconnu débiteur à raison de la convention d'assurance.

    Il résulte de l'article L 121-13 du Code des Assurances que :

    sont réservées aux victimes les indemnités dues en cas de sinistre par le locataire ou par le voisin par application des articles 1733 et 1382 du Code Civil.

    En cas d'assurance du risque locatif ou du recours du voisin, l'assureur ne peut payer à un autre que le propriétaire de l'objet loué, le voisin ou le tiers subrogé à leur droits, tout ou partie de la somme due tant que lesdits propriétaires, voisins ou tiers subrogés n'ont pas été désintéressés des conséquences du sinistre à concurrence de ladite somme.

    Toutes ces dispositions ont été rendues inutiles par l'article 53 de la loi du 13 Juillet 1930, devenu l'article L 124-3 du Code des Assurances qui dispose de façon générale que :

    L'assureur ne peut payer à un autre que le tiers lésé tout ou partie de la somme due par lui, tant que ce tiers n'a pas été désintéressé, jusqu'à concurrence de ladite somme, des conséquences pécuniaires du fait dommageable ayant entraîné la responsabilité.

    La Jurisprudence a déduit de ces textes que l'obligation imposée à l'assureur de réserver l'indemnité au profit exclusif de la victime, donnait à cette dernière un droit d'action directe à son encontre.

    Cass. Civ. 14 Juin 1926, DP 1927, I, p.57, note P.Josserand; S. 1927, I, p.25, note Esmein - Cass. Civ. II, 17 Septembre 2009, 08-15113 ; RC et Ass. 2009, Com. 372.

    Aux termes de l'article L 124-3, le droit propre et exclusif ainsi conféré à la victime du dommage sur l'indemnité d'assurance interdit à l'assureur de l'auteur du dommage de procéder à un réglement quelconque entre les mains de tout autre que le tiers lésé, tant que ce tiers n'a pas été désintéressé jusqu'à concurrence de ladite indemnité :

    Cass. Civ. II, 26 Avril 2007 ; 06-14928 ; RC et Ass. 2007, Com. 226 et Etude n°12, H.Groutel

    Mais si l'action de la victime d'un accident contre l'assureur est subordonnée à l'existence d'une convention passée entre ce dernier et l'auteur de l'accident et ne peut s'exercer que dans ses limites, elle trouve, en vertu de la loi, son fondement dans le droit à la réparation du préjudice causé par l'accident dont l'assuré est reconnu responsable.

    Cass. Civ., 28 mars 1939, RGAT 1939, p.235; DP 1939, I, p.68, note Picard - Voir également : Cass. Civ. I, 22 Juillet 1986, 85-10.255, RGAT 1986, p.595, note G.Viney.

    Dans la mesure où un bail prévoit une clause d'accession selon laquelle les travaux de trasformation ou d'amélioration faits par le preneur ne donneront lieu de la part du bailleur à une quelconque indmenité, et que le preneur ne pourra en fin de jouissnce reprendre aucune élément ou matériel qu'il aura incorporé au bien loué, le bailleur a seul qualité pour exercer l'action directe à l'encontre de l'assureur de l'auteur du dommage affectant ces biens.
    Cass. Civ. III, 4 Avril 2007, 06-11154 ; RC et Ass. 2007, Com. 225, note H.Groutel.

    Le bénéficiaire d'une clause de réserve de propriété a seul qualité pour exercé l'action directe à l'encontre de l'assureur de responsabilité de l'auteur du dommage affectant la chose vendue.

    Cass. Com., 13 mars 2007, 05-17571 ; RC et Ass. 2007, Com. 229, note H.Groutel

    Si l'assureur du responsable règle, par erreur, une indemnité à sa victime, il ne pourra en demander la restitution, dans le cadre du paiement de l'indu, qu'à son assuré dont la dette a été ainsi acquittée, et non à cette victime.

    Cass. Civ. II, 26 Avril 2007 ; 06-12225 ; RC et Ass. 2007, Com. 227 et Etude 12, H.groutel.

    SECTION II - LA DEPENDANCE DE L'ACTION DIRECTE DE LA VICTIME AUX CONDITIONS DE MISE EN JEU DU CONTRAT D'ASSURANCE

    I - LE DROIT PROPRE DE LA VICTIME TROUVE SA MESURE DANS LE CONTRAT D'ASSURANCE

    L'existence et les conditions de mise en jeu du contrat d'assurance sont le support indispensable de l'action directe, dans lesquelles elle puise sa source et trouve sa mesure.

    C'est ainsi que l'existence du contrat est soumise au consentement et à la bonne foi de l'assuré dans la formation du contrat, notamment dans sa déclaration du risque assuré.

    De même, l'action est également soumise à la volonté des parties au contrat d'assurance, dans la délimitation du risque assuré, les exclusions de risque, les conditions de garanties, sous réserve que ces conditions ne soient pas contraires à l'ordre public, notamment en ce qui concerne la réalisation intentionnelle ou dolosive du risque.

    C'est le montant de l'indemnité convenue qui fixera la limite des engagements de l'assureur à l'égard du tiers lésé, lequel peut être assorti de clauses de découvert obligatoire, ou de franchise en principe opposables à la victime, sauf dans certains domaines faisant l'objet d'une obligation d'assurance (construction, risque automobile...).

    Enfin, l'action est également subordonnée au respect par l'assuré de ses obligations dans l'exécution du contrat, notamment le paiement des primes.

    Apèrs avoir admis que l'assureur puisse opposer à la victime la compensation de primes par l'assuré, elle considère désormais que cela n'est plus possible.

    Cass. Civ. I, 31 mars 1993, n°91-13.637, RGAT 1993, p.635, note J. Beauchard; R.C. et Ass. 1993, n°18, H.Groutel :"La victime et la compensation : le revirement que l'on n'attendait plus". - Cass. Civ. I, 28 avril 1993, n°90.17.727, Bull. Civ. II, n°148.

    II - L'AUTONOMIE DE L'ACTION DIRECTE DE LA VICTIME CONTRE L'ASSUREUR.

    Le principe d'autonomie de l'action directe permet à la victime d'exercer celle ci contre l'assureur dans des cas où le responsable assuré n'est tenu d'aucune dette à son égard, notamment dans les cas suivants : .

    L'assureur n'est plus seulement le garant du responsable assuré, il devient l'instrument actif de la réparation. C'est ainsi que la loi Badinter du 5 Juillet 1985 oblige l'assureur, sous peine de sanction à prendre l'initiative de la réparation en présentant des offres d'indemnisation à la victime dans des délais déterminés.

    SECTION III - L'EXERCICE JUDICIAIRE DE L'ACTION DIRECTE PAR LA VICTIME

    Le renforcement constant de l'autonomie du droit de la victime se traduit également par les facilités de mise en œuvre qui lui sont reconnues par la jurisprudence, tant dans l'exercice de l'action judiciaire contre l'assureur que pour l'attribution exclusive de l'indemnité.

    I - RECEVABILITE DE L'ACTION DIRECTE DE LA VICTIME

    A - L'ACTION DIRECTE N'APPARTIENT QU'A LA VICTIME

    Du fait de cette exclusivité, l'action directe n'est ouverte qu'aux tiers lésés, c'est à dire aux victimes personnelles du dommage, ou aux personnes subrogées dans leurs droits.
    Cass. Civ. I, 15 janvier 1991, 88-13.810 ; RGAT, 1991, 405, note R.Bout.

    Il en résulte qu'une personne qui n'a pas la qualité de victime, tel qu'un corresponsable du dommage, ne peut exercer l'action directe contre l'assureur de l'auteur du dommage.

    Son principe d'ordre public permet également au tiers lésé d'actionner l'assureur étranger en cas de dommage causé sur le territoire français, cette action étant encore facilitée en ce qui concerne les dommages causés dans un état membre en matière de circulation internationale.

    L'action directe ne doit pas être confondue avec l'action en garantie dont dispose un coauteur et son assureur de responsabilité contre un autre coauteur et son assureur.

    Cass. Civ. I, 21 janvier 1997, 94-19.689 ; RGDA 1997, 542, note L.Mayaux ; RC et Ass. 1997, Chr. H.Groutel :"Distinction de l'action directe et de l'action en garantie". - Cass. Com. 2 Février 1999, 96-17.912 ; RGDA 1999, 677, note P.Rémy.

    B - SUPPRESSION DE LA NECESSITE DE MISE EN CAUSE DE L'ASSURE

    Il convient de bien distinguer l'action en garantie de l'assureur à l'encontre d'un tiers responsable et de son assureur, de l'action directe de la victime.

    Il convient de bien distinguer l'action directe de la victime à l'encontre de l'assureur du responsable, de l'action en garantie dont dispose cet assureur à l'égard de l'assureur d'un tiers responsable.

    Distinct de l'action directe prévue par l'article L. 124-3 du code des assurances, l'appel en garantie exige la mise en cause de l'assuré pour que sa responsabilité soit établie.

    Cass. Civ. III, 27 Avril 2011, 10-13639

    Pendant longtemps, l'autonomie du droit de créance de la victime ne devait cependant pas exclure l'assuré du débat opposant sa victime et son assureur de manière à faire valoir ses propres arguments, tant en ce qui concerne le principe et l'étendue du droit à indemnisation et la garantie du contrat, notamment lorsque cette dernière est contestée ou partielle.

    La victime ne pouvait donc agir en justice contre l'assureur, qu'à condition de mettre en cause l'assuré, sauf si cette mise en cause était impossible (procédure collective...) ou si l'assureur avait reconnu la responsabilité de son assuré.

    Mais par un revirement brutal, la Jurisprudence considère désormais que cette mise en cause n'est plus nécessaire :

    Cass. Civ. I, 7 novembre 2000, 97-22.582, RGDA 20000, 1108, note J.Kullmann; JCP G, 2001, 113,note J.Bigot;

    Il n'en demeurera pas moins qu'il appartiendra toujours à la victime de rapporter la preuve de la responsabilité de l'assuré et du quantum de son dommage, ce qui peut rendre nécessaire cette mise en cause.

    Par ailleurs, le Jugement rendu à l'insu de l'assuré lui demeurera inopposable, empèchant la victime de récupérer contre lui le montant de la franchise éventuelle de l'assureur.

    L'assuré pourra également contester, par la voie de la tierce opposition, le jugement qui aurait reconnu sa responsabilité à son insu.

    C'est pourquoi, il reste souvent prudent de mettre en cause l'assuré dans la procédure afin de lui rendre le jugement opposable et éviter les difficultés ultérieures.

    L'évolution du litige impliquant la mise en cause d'un tiers devant la cour d'appel, au sens de l'article 555 du code de procédure civile, n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieur à celui-ci, modifiant les données juridiques du litige.

    Ayant justement retenu que l'action directe du tiers lésé contre l'assureur de responsabilité étant une action autonome qui trouve son fondement dans le droit de ce tiers à réparation de son préjudice, la victime pouvait, dès la première instance, assigner l'assureur de responsabilité du responsable, la cour d'appel en a exactement déduit qu'un refus de garantie opposé par ce dernier après le jugement n'avait pas pour effet de modifier les données juridiques du litige et ne constituait pas une évolution de celui-ci impliquant la mise en cause de cet assureur.

    Cass. Civ. III, 15 Décembre 2010, 09-68894, RC et Ass. 2011, Com. 157, note H.Groutel.

    Enfin, la victime d'un dommage a un droit exclusif sur l'indemnité due par l'assureur de l'auteur responsable du dommage et n'est pas tenue, dès lors, de se soumettre à la procédure de vérification de sa créance pour faire reconnaître dans son principe et dans son étendue la responsabilité de l'assuré en redressement ou liquidation judiciaires et demander paiement à l'assureur par voie d'action directe. créance.

    Cass. Com., 16 Novembre 2010, 09-10492 ; RC et Ass. 2011, Com. 78, note H. Groutel.

    II - LE JUGE DE L'ACTION DIRECTE

    La compétence du juge saisi de l'action directe est totalement détachée des stipulations du contrat d'assurance.

    L'action directe est recevable dès que le dommage est subi sur le territoire français.

    Cass. Com. 5 Avril 2011, 09-16484 ; Tribune de l'Assurance, n°159, p.75

    A - LA COMPETENCE D'ATTRIBUTION.

    Elle relève de l'ordre public en ce qui concerne la compétence d'attribution.

    Elle ne peut donc jamais être exercée devant le Tribunal administratif, bien que de nombreux dommages de travaux publics confèrent un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur de l'entreprise responsable, ce qui oblige la victime à attendre la solution du procès administratif avant de faire trancher le problème de garantie.

    La loi du 8 Juillet 1983 a permis la mise en cause de l'assureur au procès pénal, afin de lui rendre opposable la décision à intervenir contre son assuré poursuivi pour une infraction de coups et blessures ou d'homicide involontaire, ou faire mettre à sa charge une condamnation "pour le compte de qui il appartiendra" en matière d'accident de la circulation.

    Toutefois, cette possibilité de mise en cause ou d'intervention de l'assureur au pénal a été, en réalité, inspirée par un souci de protection de ce dernier, qui était dans l'absolue impossibilité de faire valoir son point de vue sur l'indemnisation, notamment en cas de conflit d'intérèt avec l'assuré poursuivi.

    De même, si la décision rendue par la juridiction pénale sur la culpabilité s'impose erga omnes, il semble bien désormais que la décision pénale ne soit opposable à l'assureur, en ce qui concerne la responsabilité et les intérèts civils, que s'il a été mis en cause.

    En ce qui concerne le Juge administratif :

    Dans un Avis n°333627 du 31 Mars 2010, le Conseil d'Etat estime que :

    Si l'action directe ouverte par l'article L 124-3 du Code des Assurances contre l'assureur de l'auteur responsable du sinistre tend à la réparation du préjudice subi par la victime, elle poursuit l'excécution de l'obligation de réparer qui pèse sur l'assureur en vertu du contrat d'assurance. Elle relève par suite, comme l'action en garantie exercée, le cas échéant, par l'auteur du dommage, contre son assureur, de la compétence de la juridiction administrative, dès lors que le contrat d'assurance présente le caractère d'un contrat administratif.

    K Sonntag : "La Compétence du juge adminsitratif au regard de l'action directe", RGDA, 2010, 251

    B - COMPETENCE TERRITORIALE.

    En revanche, l'autonomie du droit de la victime lui permet d'échapper aux règles du Code des Assurances et aux stipulations du contrat d'assurance régissant la compétence territoriale, en lui donnant la possibilité de se prévaloir également des règles du droit commun prévoyant notamment la compétence du domicile de l'assureur défendeur.

    La victime exerçant l'action directe peut se prévaloir soit des règles de l'article R. 114-1 du Code des assurances, impératives dans les seuls litiges entre assureur et assuré quand ils ont trait à la fixation et au règlement de l'indemnité, soit des règles des articles 42 et suivants du nouveau Code de procédure civile.

    Cass. Civ. I, 30 Mai 2006, 04-13958 ; L'Argus de l'Assurance, n°6987, p.36, note ; RC et Ass. 2006, Com. 252

    Même si l'assuré n'est pas mis en cause, la victime a donc la possibilité d'assigner l'assureur devant le Tribunal du domicile de l'assuré responsable.

    III - LA PRESCRIPTION APPLICABLE A L'ACTION DIRECTE

    De même, cette autonomie la fait échapper à la prescription biennale du Code des Assurances, et lui permet d'actionner l'assureur tant que ce dernier est exposé au recours de son assuré du fait du sinistre.

    C'est pourquoi,la jurisprudence estime que le délai de prescription de l'action directe de la victime est "prolongé" jusqu'à ce que la prescription biennale soit acquise en faveur de l'assureur à l'égard de l'assuré :

    Si l'action de la victime d'un accident contre l'assureur de responabilité trouve son fondement dans le droit dela victime à réparation de son préjudice, et se prescrit en principe dans le même délai que l'action de la victime contre le responsable, elle peut cependant être exercée contre l'assureur tant que celui-ci est exposé au recours de son assuré :

    Cass. Civ. I, 11 mars 1986, 94.14-979, RGAT 1986, p 354,note J.Bigot; Dalloz 1987, som. 183,note Berr et Groutel.

    La Cour de Cassation a "affiné" sa position dans les termes suivants :

    l'action directe de la victime contre l'assureur de responsabilité, qui trouve son fondement dans le droit de la victime à réparation de son préjudice, se prescrit par le même délai que son action contre le responsable et ne peut être exercé contre l'assueur, au delà de ce délai, que tant que celui-ci reste exposé au recours de son assuré.

    Cass. Civ. I, 9 mai 1996, 94-14.560; RGDA 1996, 705 - Cass. Civ. I, 18 février 1997, 94-18.017, RGDA 1997, 550,note J.Kullmann.

    Exemple :

      La prescription de l'action en responsabilité de la victime contre le responsable expire le 13 novembre 1985.

      La victime assigne le responsable le 24 avril 1986, date à partir de laquelle ce dernier a deux années pour solliciter la garantie de son assureur.

      A compter du 24 avril 1988, l'action en garantie de l'assuré responsable, et l'action directe de la victime sont prescrites à l'égard de l'assureur :

      Cass. Civ. I, 23 mars 1999, 97-15.296, R.C. et Ass. 1999, n°194, note H.Groutel.

      Il en est ainsi en matière de construction, lorsque l'action directe subrogatoire a été intentée dans les deux ans du recours exercé, dans le délai décennal, contre l'assuré responsable du dommage :

      Cass. Civ. III, 26 novembre 2003, n°01.11.245; Dossiers Juridiques Argus, n°6866, p.6, note G.D.; R.C. et Ass. 2004, n°50.

    La victime doit donc être extrèmement vigilante.

    Lorsqu'elle a interrompu la prescription de son action principale contre le responsable, elle doit se préoccuper d'interrompre également son action à l'égard de l'assureur de ce dernier.

    Cette règle est d'autant plus dangereuse que l'assignation en référé constitue une demande judiciaire, au sens de l'article L 124-1 du Code des Assurances, qui marque donc le point de départ de la presciption biennale en faveur de l'assureur.

    Si l'assuré responsable n'est plus dans le délai de prescription de son action principale, il ne pourra plus exercer son action directe si la prescription biennale est acquise en faveur de l'assuré responsable.

    L'action directe de la victime se prescrit donc par le même délai que son action contre le responsable et peut être exercée contre l'assureur, au delà de ce délai, tant que cet assureur se trouve exposé au recours de son assuré.

    Cass. Civ. III, 26 novembre 2003, n°01.11.245; Dossiers Juridiques Argus, n°6866, p.6, note G.D.; R.C. et Ass. 2004, n°50 - Cass. Civ. I, 11 juin 2003, RGDA 2003, p.694, note M.Bruschi.

    IV - LA PREUVE DU DROIT DE CREANCE DE LA VICTIME.

    Le succès de l'action judiciaire de la victime nécessite que la victime apporte la double preuve de son droit à réparation contre l'assuré, et de l'existence d'une dette d'indemnité à la charge de l'assureur.

    A - PREUVE DE LA CREANCE DE LA VICTIME CONTRE L'ASSURE

    Le droit à réparation de la victime constitue, à l'égard de l'assureur, un fait juridique dont la preuve peut être rapportée par tout moyen, et notamment l'aveu de l'assureur.

    Il est de Juriprudence constante que la décision judiciaire condamnant l'assuré à raison de sa responsabilité constitue, pour l'assureur de responsabilité, la réalisation tant dans son principe que dans son étendue, du risque couvert et lui est, dès lors, opposable, à moins de fraude à son encontre :.

    Cass. Civ. 12 Juin 1968, Dalloz 1969, Jur. 279, note A.Besson ; JCP 1969, II, 15584, Conc. Lindon - Cass. Civ. II, 10 Février 2004, 01-12863 ; RC et Ass. 2004, n°160 - Cass. Civ. II, 12 mai 2005, 04-12.638, Dalloz 2006, Pano. 1787

    L'assureur partie à une instance, et malgré l'absence de condamnation à son encontre dans le dispositif du Jugement, a donc un intérêt propre à interjeter appel d'une décision retenant la responsabilité de son assuré, dans la mesure où celle-ci conditionne, au moins pour partie, l'action directe suivie à son encontre.

    Cass. Civ. III, 15 Décembre 2004, 03-17.876 ; RC et Ass. 2005, Com. 114, note H.Groutel.

    L'assureur peut également être appelé en intervention forcée par l'assuré.

    L'assureur qui a été dans l'ignorance du procès poursuivi contre l'assuré, et qui n'a pu diriger le procès, n'est cependant pas totalement désarmé au cas où il serait actionné par voie d'action directe, sur le fondement de cette décision qui lui est néanmoins opposable comme constituant la réalisation du risque assuré.

    En effet, l'article 583 du Nouveau Code de Procédure Civile permet à toute personne qui y a intérêt de former tierce opposition à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque. La jurisprudence estime que le fait d'avoir dirigé le procès de l'assuré lui interdisait de former tierce opposition.

    Toutefois, l'opposabilité de la décision reste la règle, sauf fraude de l'assuré, même si la recevabilité de la tierce opposition a pu être admise du fait que "l'assureur du responsable avait affirmé dans ses Conclusions d'appel, sans être démenti, qu'il avait été tenu dans l'ignorance de l'instance suivie contre son assurée..."

    Cass. Com., 17 Novembre 2009, 08-12844 ; RC et Ass. 2010, Com. 55,note H. Groutel

    Cette procédure, qui tend à ne rétracter et ne réformer le jugement attaqué, que sur les chefs de préjudiciables au tiers opposant, mériterait d'être beaucoup plus souvent utilisée par les assureurs.

    Enfin, lorsque la décision a l'autorité de la chose jugée, notamment l'égard de l'assureur qui y a été partie, on rappellera que l'article 593 du Nouveau Code de Procédure Civile lui permet de former un recours en révision, notamment en cas de collusion frauduleuse de l'assuré avec la victime.

    B - PREUVE DE L'EXISTENCE DU CONTRAT GARANTISSANT L'ASSURE

    De même, la victime a la possibilité de rapporter la preuve de l'existence du contrat par tout moyen, celui ci constituant également un fait juridique à son égard, conformément à l'article 9 du CPC.

    A cet égard, une publicité des polices pourrait présenter un réel intérèt pratique.

    Elle peut obtenir du juge la condamnation de l'assuré ou de l'assureur, voire d'un tiers, à produire, sous astreinte, une copie du contrat d'assurance.

    C - PREUVE DU CONTENU DU CONTRAT

    La preuve par écrit des stipulations du contrat d'assurance n'est exigée que dans les rapports entre les parties au contrat et à l'égard de la victime.

    Cass. Civ. I, 9 Mai 1996, 93-19.807; RGGDA 1996, 596, note L.Mayaux

    Le tiers lésé peut donc rapporter la preuve de l'existence de l'existence et du contenu par tout moyen, et notamment par présomptions qui peuvent être déduites de l'attitude de l'assureur.

    Cass. Civ. I, 18 Juillet 1996, 94-16.796 ; RGDA 1996, 886, note L.Mayaux

    Lorsque l'existence même du contrat n'est pas contestée par l'assureur du responsable, la garantie est présumée dans tous les cas où l'assureur ne produit pas sa police :

    Cass. Civ. I, 2 Juillet 1991, 88-18.486; RGAT 1992, 161, note R.Bout - Cass. Civ. I, 22 avril 1992, 89-16.034; RGAT 1992, 594, note P.Rémy - Cass. Civ. III, 29 mai 2002, 01-00.350; RGDA 2002, 949, note L.Mayaux - Cass. Civ. III, 8 Juin 2010, 09-13482 ; RGDA 2010, 1010, note J.P. Karila

    Le défaut de production de la police par l'assureur, rend donc inopposable à la victime toute limitation de garantie ou clause d'exclusion que tenterait d'invoquer l'assureur à l'égard du tiers lésé :

    Cass. Civ. I, 7 Juillet 1998, 96-16.360.

    En sa qualité de tiers au contrat, il n'appartient donc à la victime que de prouver l'existence du contrat, l'assureur devant alors établir qu'il ne doit pas sa garantie pour le sinistre faisant l'objet du litige.

    Cass. Civ. II, 8 Janvier 2009, 07-18908 ; RGDA 2009, 231, note J.Kullmann.

    V - ATTRIBUTION DE L'INDEMNITE A LA VICTIME

    L'autonomie du droit propre de la victime lui confère un droit exclusif sur l'indemnité qui immobilise celle-ci entre les mains de l'assureur dont la libération est conditionnée par le désintéressement préalable du tiers lésé.

    En matière d'accident de la circulation, le sinistre n'entraîne d'ailleurs pas seulement l'immobilisation de l'indemnité, mais fait obligation à l'assureur de respecter la procédure d'offre, qui constitue une véritable obligation de faire.

    En cas de pluralité de victimes d'un même fait dommageable, celles-ci devront concourir entre elles au marc le franc à concurrence du plafond de garantie.

    Toutefois, en cas de concours entre la victime et son propre assureur subrogé, la jurisprudence consacre le caractère prioritaire du droit à réparation, même en cas d'avance sur recours.

    Enfin, le recours des tiers payeurs sur le montant de l'indemnité disponible ne devrait pas davantage pénaliser la victime, puisque les prestations limitativement énumérées par la loi Badinter et qui peuvent donner lieu à recours subrogatoire, ne peuvent priver la victime de la réparation qui lui est due selon les règles du droit commun.

    Enfin, la victime ne perd pas ses droits contre l'assuré responsable, celui-ci restant tenu in solidum avec l'assureur au désintéressement, sauf en cas de renonciation à recours, qui sont très fréquentes en droit des affaires ou de bail.

    Le mécanisme de l'action directe permet donc la réparation effective du dommage, notamment dans le cadre de la procédure d'offre de la loi Badinter qui en constitue le mode achevé. Il est susceptible de se développer dans d'autres domaines de risque, tels que celui de la construction ou des produits défectueux.

    A noter que l'ouverture d'une action directe n'interdit pas au tiers lésé de rechercher la responsabilité quasi-délictuelle de l'assureur du responsable auquel il reproche de lui avoir causé un préjudice.

    Cass. Civ. II, 10 Mai 2007, 06-13.269



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