> JURILIS-CARLOT : JURISPRUDENCE 2e Semestre 2023
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Jean-François CARLOT - Docteur en Droit - Avocat Honoraire

CONTENTIEUX DU RISQUE, de la RESPONSABILITE et de l'ASSURANCE
Jurisprudence 1er Sem. 2023
VEILLE JURISPRUDENTIELLE du 2e Semestre 2023









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RESPONSABILITES

Médiator : Le régime spécial de responsabilité du fait des produits défectueux ne fait pas obstacle à une action en responsabilité pour faute

Aux termes de l'article 1245-17 du Code civil instaurant une responsabilité de plein droit du producteur au titre du dommage causé par un défaut de son produit, les dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux ne portent pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité.

Le producteur reste responsable des conséquences de sa faute et de celle des personnes dont il répond.

La Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que la référence, à l'article 13 de la directive, aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle doit être interprétée en ce sens que le régime mis en place par ladite directive n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle reposant sur des fondements différents, tels que la garantie des vices cachés ou la faute (CJCE, 25 avril 2002, Gonsalès-Sanchez, aff. C-183/00, point 31).

Il en résulte que la victime d'un dommage imputé à un produit défectueux peut agir en responsabilité contre le producteur sur le fondement du second de ces textes, si elle établit que son dommage résulte d'une faute commise par le producteur, telle qu'un maintien en circulation du produit dont il connaît le défaut ou encore un manquement à son devoir de vigilance quant aux risques présentés par le produit.

Dès lors, est recevable comme non prescrite l'action introduite par assignation délivrée plus de trois ans après la connaissance du dommage causé par un médicament acquise à la date d'un avis de l'ONIAM fondée sur la faute reprochée à son fabricant, prise d'un manquement au devoir de vigilance et de surveillance du fait de la commercialisation d'un produit dont il connaissait les risques ou de l'absence de retrait du produit du marché français contrairement à d'autres pays européens, laquelle est distincte du défaut de sécurité du produit, de sorte que la responsabilité délictuelle pour faute de l'article 1240 du Code civil peut se substituer au régime de la responsabilité du fait des produits défectueux.

Le vendeur qui a réalisé les travaux est censé connaître les vices de la chose vendue

Selon l’article 1643 du code civil, le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n’ait stipulé qu’il ne sera obligé à aucune garantie.

Pour l’application de ce texte, le vendeur professionnel, auquel est assimilé le vendeur qui a réalisé lui-même les travaux à l’origine des vices de la chose vendue, est tenu de les connaître et ne peut se prévaloir d’une clause limitative ou exclusive de garantie des vices cachés (Civ. 3e, 26 février 1980, n° 78-15.556, publié au Bulletin - Civ. 3e, 9 février 2011, n° 09-71.498, publié au Bulletin - Civ. 3e, 10 Juillet 2013, n° 12-17.149, publié au Bulletin).

Civ. 3e, 19 octobre 2023, n° 22-15.536, publié au Bulletin ; LEDA déc. 2023, p.4, n° DAS201q7, note N. Bonnardel

Revirement de Jurisprudence : point de départ de la prescription de l'action en responsabilité contre un avocat

A l'issue du prononcé d'un divorce, un jugement du 26 janvier 2012 a statué sur les opérations de liquidation de leur régime matrimonial.

Le 26 mars 2012, l'époux représenté par son avocat, en a interjeté appel.

Par ordonnance du 9 octobre 2012, le conseiller de la mise en état a constaté la caducité de la déclaration d'appel à la date du 26 juin 2012. Le 16 octobre 2017, l'époux a assigné en responsabilité civile l'avocat, qui lui a opposé la prescription de son action sur le fondement de l'article 2225 du Code Civil. moyen

Selon l'article 2225 du Code Civil, l'action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant assisté ou représenté les parties en justice se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission.

Il résulte de l'article 412 du Code de procédure civile que la mission d'assistance en justice emporte pour l'avocat l'obligation d'informer son client sur les voies de recours existant contre les décisions rendues à l'encontre de celui-ci.

Selon l'article 13 du décret n° 2005- 790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat, l'avocat conduit jusqu'à son terme l'affaire dont il est chargé, sauf si son client l'en décharge ou s'il décide de ne pas poursuivre sa mission.

La Cour de cassation a jugé que l'action en responsabilité contre un avocat au titre d'une faute commise dans l'exécution de sa mission d'interjeter appel se prescrit à compter du prononcé de la décision constatant l'irrecevabilité de l'appel (Cass. Civ. I, 14 janvier 2016,14-23.200).

Toutefois, si cette jurisprudence permet de fixer un point de départ unique à la prescription de l'action en responsabilité formée contre un avocat, elle se concilie toutefois difficilement avec d'autres dispositions, telles que celles des deux derniers textes précités.

C'est pourquoi, il y a lieu de déduire désormais de la combinaison des textes précités que le délai de prescription de l'action en responsabilité du client contre son avocat, au titre des fautes commises dans l'exécution de sa mission, court à compter de l'expiration du délai de recours contre la décision ayant terminé l'instance pour laquelle il avait reçu mandat de représenter et d'assister son client, à moins que les relations entre le client et son avocat aient cessé avant cette date.

En l'espèce, la Cour d'Appel ne pouvait donc déclarer irrecevable l'action en responsabilité engagée à l'encontre de l'avocat au motif que sa mission de l'avocat avait pris fin au jour de la décision constatant la caducité de l'appel du 9 Octobre 2012, alors qu'elle avait constaté que le client avait mis fin à sa collaboration avec l'avocat par lettre du 23 octobre 2012, de sorte que la prescription avait commencé à courir à compter de cette date, précédant celle de l'expiration du délai de déféré, et qu'elle n'était donc pas acquise à la date de l'assignation du 16 Octobre 2017.

Droit à indemnisation de l'utilisateur de planche à roulettes victime malgré sa grossière imprudence

Seule est inexcusable, au sens de l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience.

Ne caractérise pas une telle faute l'arrêt qui retient qu'un jeune homme s'est élancé sur une planche à roulettes, à très vive allure, dans une rue à forte déclivité, dans une ville très touristique, au mois d'août, à une heure de forte circulation, en étant démuni de tout système de freinage ou d'équipement de protection, sans avoir arrêté sa progression en bas de cette rue ni porté attention à la signalisation lumineuse et au flux automobile perpendiculaire à son axe de progression.



ASSURANCES


La notification d'une modification des statuts d'une Mutuelle doit être notifiées directement et personnellement aux adhérents

Vu les articles L. 114-7 , L. 221-4 et L. 221-5 du code de la mutualité, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 4 mai 2017 :

Selon le deuxième de ces textes, en matière d'opération individuelle, les statuts et règlements précisent les modalités de modification des contrats.

Si, selon le dernier de ces textes, toute modification des statuts et règlements décidée par l'assemblée générale d'une mutuelle doit être portée à la connaissance des membres participants et des membres honoraires par la mutuelle, il résulte de ce même article ainsi que du premier de ces textes que les modifications des garanties ou prestations ne sont applicables que lorsqu'elles ont été notifiées aux adhérents.

De telles modifications de garanties doivent faire l'objet d'une notification individuelle préalable à l'adhérent dans un délai raisonnable pour lui permettre, le cas échéant, de résilier le contrat avec effet immédiat. Cette notification ne peut résulter de l'envoi du magazine mutualiste.

Sanction contractuelle de la déchéance pour déclaration tardive et preuve de l'exclusion

Selon l'article du Code des assurances, la déchéance pour déclaration tardive ne peut être invoquée par l'assureur que si celui-ci rapporte la preuve d'un préjudice.

Toutefois, la déchéance ne peut être opposée par l'assureur dans la mesure où le contrat d'assurance prévoit que si l'assuré ne respecte pas le délai de déclaration, "sauf en cas de force majeure ou fortuit, l'assureur peut lui réclamer une indemnité proportionnée aux dommages que ce manquement lui a causé" .

Par ailleurs, il résulte de l'article 1353, al.2, du code civil et de l'article L. 113-1 du code des assurances que c'est à l'assureur qui oppose une exclusion de garantie de rapporter la preuve de la réunion des conditions de fait de celle-ci, sans se borner à de simples affirmations.

Rôle du juge dans l'évaluation du dommage en cas de sinistre

Selon l’article 4 du code civil le juge ne peut refuser de statuer sur une demande dont il admet le bien-fondé en son principe, au motif de l’insuffisance des preuves fournies par une partie.

Dans mesure où la garantie des meubles meublants des différents appartements était acquise à l’assuré et justifiée par les clauses du contrat et que des meubles lui appartenant avaient été détruits par l’incendie, ce dernier avait nécessairement subi une perte au titre des meubles garnissant les logements incendiés, de sorte que le préjudice dont l'existence a été constatée doit être indemnisé.

Résiliation du marché public d'assurance et continuité du service public

Il résulte de l'article L 113-12 du Code des assurances, applicable aux marchés publics d'assurance, que l'assureur a la faculté de résilier unilatéralement le contrat à l'expiration d'un délai d'un an suivant sa conclusion, avec un préavis d'au moins deux mois.

Il résulte toutefois des principes généraux applicables aux contrats administratifs que lorsque l'assureur entend en faire application pour résilier unilatéralement le marché qui le lie à la personne publique assurée et que le contrat ne prévoit pas un préavis de résiliation suffisant pour passer un nouveau marché d'assurance, cette dernière peut, pour un motif d'intérêt général tiré notamment des exigences du service public dont la personne publique a la charge, s'y opposer et lui imposer de poursuivre l'exécution du contrat pendant la durée strictement nécessaire, au regard des dispositions législatives et réglementaires applicables, au déroulement de la procédure de passation d'un nouveau marché public d'assurance, sans que cette durée ne puisse en toute hypothèse excéder douze mois, y compris lorsque la procédure s'avère infructueuse.

En cas d'urgence, le juge des référés peut, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, ordonner au cocontractant, éventuellement sous astreinte, de prendre à titre provisoire toute mesure nécessaire pour assurer la continuité du service public ou son bon fonctionnement, à condition que cette mesure soit utile, justifiée par l'urgence, ne fasse obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative et ne se heurte à aucune contestation sérieuse.

La faute dolosive suppose la conscience du caractère inéluctable du dommage

Selon l’article L.113-1, al. 2 du code des assurances, l’assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré.

La faute dolosive s’entend d’un acte délibéré de l’assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables.

La conscience de l’assuré du caractère inéluctable d’un dommage ne se confond pas avec la conscience du risque d’occasionner le dommage.

Ainsi, le fait qu’un assuré savait son bateau amarré sur un mouillage forain, en zone exposée, et ne l’ait pas mis à l’abri alors que les prévisions météorologiques étaient mauvaises, ne caractériserait une faute dolosive qui s’il était démontré qu’avait conscience du caractère inéluctable du dommage que subirait son bateau.

La faute dolosive, qui consiste dans un manquement délibéré de l’assuré à ses obligations, dont il ne peut ignorer qu’il en résultera un dommage, exclut la garantie de l’assureur au même titre que la faute intentionnelle, dans la mesure où elle supprime tout aléa : Civ. 2e, 4 févr. 2016, n° 15-10.363.

Cumul impossible de l’article L 113-1 du Code des assurances et de l’article 1169 du Code Civil

Cet arrêt concerne un contrat d’assurance « multirisque professionnel » incluant une garantie « protection financière, mise en jeu après la publication, le 15 mars 2020, de l’arrêté portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, qui a édicté notamment l’interdiction pour les restaurants et débits de boissons d’accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020.

Selon l’article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, “l’obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet“. (A noter que le nouvel article 1169 du Code Civil institué par ce texte a remplacé l’ancien article 1131, et dispose désormais qu’un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s’engage est illusoire ou dérisoire).

Il résulte de l’article L. 113-1 du code des assurances que les clauses d’exclusion de garantie qui privent l’assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées.

Sur le fondement de ce dernier texte, la Cour de cassation juge qu’une clause d’exclusion n’est pas limitée lorsqu’elle vide la garantie de sa substance, en ce qu’après son application elle ne laisse subsister qu’une garantie dérisoire (Civ. 2e, 1er décembre 2022, n° 21-19.341, n° 21-19.342, n° 21-19.343, n° 21-15.392, publiés au Bulletin - Civ. 2e, 19 janvier 2023, n° 21-21.516, 21-23.189, publié au Bulletin).

Il en résulte que la validité des clauses d’exclusion de garantie, régie par ce texte spécial qui exige qu’elles ne vident pas la garantie de sa substance, ne peut être cumulativement examinée au regard de l’article 1131 du code civil.

Or, pour réputer non écrite la clause d’exclusion de garantie et condamner l’assureur à payer une provision, un arrêt retient :

En statuant ainsi, après avoir jugé que la clause d’exclusion de garantie était formelle et limitée, sur le fondement de l’article L. 113-1 du code des assurances, la cour d’appel a violé, par fausse application l’article 1131 ancien du Code civil.

Assurance construction : Prescription de l'action directe lorsque l'assureur n'est plus exposé au recours de son assuré

En application des articles 1792-4-1 et 1792-4-3 du Code civil, les actions du maître de l’ouvrage contre le constructeur en réparation des désordres affectant l’ouvrage doivent être exercées, à peine de forclusion, dans le délai de dix ans à compter de sa réception.

Si l’action de la victime contre l’assureur de responsabilité, instituée par l’article L. 124-3 du Code des assurances, trouve son fondement dans le droit de celle-ci à obtenir réparation de son préjudice et obéit, en principe, au même délai de prescription que son action contre le responsable (Civ. 1ère, 4 février 2003, n° 99-15.717, publié au Bulletin, elle peut cependant être exercée contre l’assureur, tant que celui-ci est encore exposé au recours de son assuré (Civ. 1ère, 11 mars 1986, n° 84-14.979, publié au Bulletin).

Selon l’article L. 114-1, alinéa 3, du Code des assurances, quand l’action de l’assuré contre l’assureur a pour cause le recours d’un tiers, la prescription biennale ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l’assuré ou a été indemnisé par ce dernier.

Il résulte d’une jurisprudence constante que toute action en référé est une action en justice au sens de l’article L. 114-1, alinéa 3, du Code des assurances (Civ. 1ère, 10 mai 2000, n° 97-22.651, publié au Bulletin - Civ. 2e, 3 septembre 2009, n° 08-18.092, publié au Bulletin).

La qualification d’action en justice au sens de l’article L. 114-1 du Code des assurances n’étant pas subordonnée à la présentation d’une demande indemnitaire chiffrée, une action en référé-expertise fait courir la prescription biennale de l’action de l’assuré contre l’assureur.

Si le tiers lésé peut disposer d’une prolongation de 2 ans, à compter de l’expiration du délai décennal, pour exercer son action directe contre l’assureur du responsable, c’est à condition que cet assureur soit toujours exposé au recours de son assuré, lequel doit donc avoir lui-même interrompu la prescription biennale ayant commencé à courir à compter de l’assignation en référé expertise qui lui a été délivrée par le maître de l’ouvrage.

Dès lors, si une entreprise assurée a été assignée en référé-expertise le 4 avril 2012, à la suite d’une réception en 2006, elle devait assigner son assureur avant le 4 avril 2014. Dans la mesure où son assureur n’était plus exposé au recours de son assuré à compter de cette date, et que le tiers lésé n’avait pas exercé son action directe avant 2016, celle-ci est irrecevable comme prescrite.

On ne peut donc qu’inciter les maîtres d'ouvrage à la plus grande vigilance : Assigner l’entreprise n’est pas suffisant et il est nécessaire d’interrompre également la prescription décennale à l’égard de son assureur, sachant que l’effet interruptif d’une assignation ne profite qu’à celui qui la délivre. Si l’assuré ne prend pas la précaution d’interrompre la prescription biennale en assignant lui-même son assureur à compter de l’assignation qui lui a été délivrée, le tiers lésé ne peut bénéficier d’un nouveau délai.

L'action en nullité du contrat d'assurance pour dol n'est pas soumise à la prescription biennale

L’action en nullité du contrat d’assurance ou de ses avenants, fondée sur le dol de l’assureur ou de son mandataire, qui repose sur l’existence de manœuvres pratiquées avant la conclusion du contrat, ne dérive pas du contrat d’assurance et n’est pas soumise à la prescription de deux ans prévue à l’article L. 114-1 du code des assurances et relève donc de la prescription de droit commun.

Selon le nouvel article 1137 du Code Civil, Le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.

Selon le nouvel article 1130, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Selon l’article 1304 actuel du Code Civil, dans tous les cas où l’action en nullité ou en rescision d’une convention n’est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.

Le délai de l’action en nullité ne court, en cas d’erreur ou de dol, que du jour où ils ont été découverts et, en cas de violence, que du jour où elle a cessé (C. Civ., art. 1144).

La preuve du sinistre est à la charge de l'assuré

En application de l’article 1353, al.1, du code civil, il incombe à l’assuré qui réclame le bénéfice de l’assurance d’établir que sont réunies les conditions requises par la police pour mettre en jeu la garantie.

Ainsi, il appartient donc à un assuré de rapporter à tout le moins un commencement sur l’acte de vandalisme de son véhicule invoqué, et de donner des indications sur le lieu et les circonstances de celui-ci, et c’est au juge d’apprécier souverainement la valeur et la preuve des éléments de preuve qui lui sont soumis.

Note :

La preuve du sinistre, qui est un fait juridique, peut être apportée par tout moyen, tel que des témoignages ou des écrits, que ne peut limiter le contrat d’assurance. Il a pu être jugé que, selon l’article 1353, al.1, du Code civil, ensemble l’article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la police ne peut subordonner l’application de la garantie à l’existence d’indices déterminés établissant le mode opératoire d’un vol : Civ. 2e, 10 mars 2004, 03-10.154, publié au Bulletin

Ainsi, l’assuré est privé de garantie s’il supprime toute trace d’un sinistre, notamment en anticipant la réfection des peintures et le nettoyage de son appartement à la suite d’un dégât des eaux et en ne permettant pas à son assureur d’évaluer les dommages subis.

Le véritable bénéficiaire d'une indemnité d'assurance de responsabilité est l'assuré et non le tiers lésé

Il résulte de l'article 1376, devenu 1302-1, du code civil que celui qui reçoit d'un assureur le paiement d'une indemnité à laquelle il a droit, ne bénéficie pas d'un paiement indu, le bénéficiaire de ce paiement étant celui dont la dette se trouve acquittée par quelqu'un qui ne la doit pas.

Ainsi, lorsqu'un assureur de responsabilité règle par erreur à un tiers lésé une indemnité d'assurance excédant son plafond de garantie, il ne peut pas demander le remboursement tu trop versé au tiers lésé au titre de la répétition de l'indu.

Il en résulte qu'il ne peut réclamer ce trop versé au delà de son plafond de garantie qu'à son assuré.




PROCEDURE


Valeur d'une expertise judiciaire non contradictoire

Il résulte de l'article 16 du Code de Procédure Civile que lorsqu'une partie à laquelle un rapport d'expertise est opposé n'a pas été appelée ou représentée au cours des opérations d'expertise, le juge ne peut refuser d'examiner ce rapport, dès lors que celui-ci a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties.

Il lui appartient alors de rechercher s'il est corroboré par d'autres éléments de preuve.

Concentration des prétentions dans les Conclusions d'appel initiales

Il résulte de l'article 910-4 du code de procédure civile qu'à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les Conclusions d'appel initiales mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond.

L'article 910-4 du code de procédure civile ne confère à la cour d'appel, seule compétente pour connaître des fins de non-recevoir tirées des articles 564 du même code et 910-4 précité, que la simple faculté de relever d'office la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté d'une demande en appel, qui n'est pas d'ordre public.

Dans la mesure où l'irrecevabilité de Conclusions contenant des prétentions nouvelles n'est pas été invoquée devant elle, une Cour d'appel n'est pas tenue de relever d'office la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté des demandes.

Prescription de l'action en répétition de l'indu de prestations vieillesse

Selon l'article L. 355-3 du code de la sécurité sociale toute demande de remboursement de trop-perçu en matière de prestations de vieillesse et d'invalidité est prescrite par un délai de deux ans à compter du paiement desdites prestations dans les mains du bénéficiaire, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration.

Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles et mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Il résulte de la combinaison de ces textes que l'action en remboursement d'un trop-perçu de prestations de vieillesse et d'invalidité provoqué par la fraude ou la fausse déclaration ne relève pas de la prescription abrégée de l'article L. 355-3 du code de la sécurité sociale et que, revêtant le caractère d'une action personnelle ou mobilière au sens de l'article 2224 du code civil, elle se prescrit par cinq ans à compter du jour de la découverte de la fraude ou d'une fausse déclaration.

Ce délai d'action n'a pas d'incidence sur la période de l'indu recouvrable, laquelle, à défaut de disposition particulière, est régie par l'article 2232 du code civil, qui dispose que le délai de la prescription extinctive ne peut être porté au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, soit la date de paiement des prestations indues.

Il s'en déduit qu'en cas de fraude ou de fausse déclaration, toute action en restitution d'un indu de prestations de vieillesse ou d'invalidité, engagée dans le délai de cinq ans à compter de la découverte de celle-ci, permet à la caisse de recouvrer la totalité de l'indu se rapportant à des prestations payées au cours des vingt ans ayant précédé l'action.

Prescription du recours du constructeur contre un autre constructeur et ses sous-traitants

Le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relève des dispositions de l'article 2224 du code civil et se prescrit par cinq ans à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer (Civ. 3e, 16 janvier 2020, n° 18-25.915, publié au Bulletin).

La demande d'expertise, si elle n'est pas accompagnée d'une demande de reconnaissance d'un droit, ne serait-ce que par provision, ne peut faire courir la prescription de l'action du constructeur ou de l'assureur tendant à être garanti de condamnations en nature ou par équivalent ou à obtenir le remboursement de sommes mises à sa charge en vertu de condamnations ultérieures (Civ. 3e, 14 décembre 2022, n° 21-21.305, publié au Bulletin).

Le constructeur auquel la victime des dommages demande en justice la réparation de son préjudice doit former ses actions récursoires contre les autres constructeurs et sous-traitants dans un délai de cinq ans courant à compter de cette demande. Il n'est pas fait exception à cette règle lorsque le recours est provoqué par l'action récursoire d'un autre responsable mis en cause par la victime.

Action en garantie des vices cachés et prescription

Il résulte des articles 1648, alinéa 1er, et 2232 du code civil que l’action en garantie des vices cachés doit être exercée dans les deux ans à compter de la découverte du vice ou, en matière d’action récursoire, à compter de l’assignation, sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est, en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie (mixte, 21 juillet 2023, n° 20-10.763, n° 21-19.936 et n° 21-17.789, publiés au Bulletin): Civ. 1ère , 6 décembre 2023, n° 22-23.487

Par ailleurs, le délai de prescription de l’article L. 110-4 du code du commerce ne constitue plus un délai encadrant l’action en garantie des vices cachés : Civ. 1ère, 6 décembre 2023, n° 21-21.899

Le délai biennal prévu par l’article 1648, alinéa 1er, du Code civil pour intenter l’action en garantie à raison des vices cachés de la chose vendue est un délai de prescription susceptible de suspension en application de l’article 2239 du même Code, c'est à dire lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès.

Selon l’article 820 du code de procédure civile, la prescription et les délais pour agir sur le fondement des vices cachés sont interrompus par l’enregistrement d’une demande aux fins de tentative préalable de conciliation.

Le délai d’action pour vice caché de l’article 1648 du Code Civil est un délai de prescription et non de forclusion

Le point de départ de la prescription des articles 2224 du code civil et L 110-4 du code de commerce se confond avec celui du délai pour agir de l’article 1648.

Délai butoir de 20 à compter de la vente.

Aux termes de l’article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.

L’article 1648 du code civil prévoit, en son premier alinéa, que l’action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l’acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice, sans préciser s’il s’agit d’un délai de prescription ou de forclusion.

La Cour de cassation l’a parfois qualifié de délai de forclusion (Civ. 3e, 10 novembre 2016, n° 15-24.289 ; Civ. 3e, 5 janvier 2022, n° 20-22.670), parfois de délai de prescription (Civ., 5 février 2020, n° 18-24.365 - Civ. 1ère, 25 novembre 2020, n° 19-10.824 - Civ. 1ère, 20 octobre 2021, n° 20-15.070 ; Com., 28 juin 2017, n° 15-29.013).

Ces hésitations étaient extrêmement dommageables à la sécurité juridique…

En effet, si l’article 2239 du Code Civil dispose que la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès, il n’en est pas de même pour la forclusion, laquelle est un délai préfix au demeurant non défini par le code civil.

Si l’article 2219 précise que la prescription extinctive est un mode d’extinction d’un droit résultant de l’inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps, l’article 2220 dispose que les délais de forclusion ne sont en principe pas soumis aux règles concernant la prescription extinctive.

Dès lors, si le délai de prescription de l’action en garantie des vices cachés (2224 du Code Civil ou L 110-4 du Code de Commerce) et le délai de forclusion de l’article 1648 sont bien interrompus par une assignation en référé, seule la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une mesure d’expertise, en vertu de l’article 2239 du Code Civil.

Il en résultait une kirielle d’actions en responsabilité à l’encontre d’avocats qui n’avaient pas pris la précaution de suspendre également la forclusion en introduisant une action au fond dans le délai de deux ans après l’assignation en référé-expertise.

C’est ainsi, que la Cour de Cassation a fini par estimer que les exigences de la sécurité juridique imposaient de retenir une solution unique, et a distribué quatre affaires à la Chambre Mixte, dont les débats ont même été filmés, et qui a rendu ses arrêts le 21 Juillet 2023.

Dans le silence du texte, les Magistrats ont recherché la volonté du législateur et son objectif poursuivi de mettre l’acheteur en mesure d’agir contre le vendeur dans un délai susceptible d’interruption et de suspension.

Dès lors, la Chambre mixte a jugé que le délai biennal prévu à l’article 1648, alinéa 1er, du code civil est un délai de prescription (et non de forclusion), et peut donc être suspendu en vertu de l’article 2239 du Code Civil pendant toute la durée d’une mesure d’instruction ordonnée par un Juge.

Point de départ de la prescription identique pour 2224 et L 110-4 et délai butoir :

La Chambre Mixte souligne que l’article 2224 du code civil fixe le point de départ de la prescription au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, le délai de prescription de l’article L. 110-4, I, du code de commerce étant harmonisé avec celui de l’article 2224 du code civil, mais sans en préciser le point de départ.

L’article 2232, alinéa premier, du code civil prévoit que le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit lequel constitue le délai-butoir de droit commun des actions civiles et commerciales au-delà duquel elles ne peuvent plus être exercées (Ass. plén., 17 mai 2023, n° 20-20.559, publié au Bulletin).

Par ailleurs, il a été jugé que le point de départ du délai de prescription de l’article L. 110-4, I, du code de commerce ne peut que résulter du droit commun de l’article 2224 du code civil (Com., 26 février 2020, n° 18-25.036,publié au Bulletin - Civ. 3e, 19 mars 2020, n° 19-13.459, publié au Bulletin ; Civ. 2e, 5 janvier 2022, n° 20-16.031, publié au Bulletin ; Civ. 2e, 10 mars 2022, n° 20-16.237, publié au Bulletin - Com., 25 janvier 2023, n° 20-12.811, publié au Bulletin).

Il s’ensuit que le point de départ glissant de la prescription extinctive des articles 2224 du code civil et L. 110-4, I, du code de commerce se confond désormais avec le point de départ du délai pour agir prévu à l’article 1648, alinéa premier, du code civil, à savoir la découverte du vice.

Il en résulte que l’encadrement dans le temps de l’action en garantie des vices cachés ne peut plus désormais être assuré que par l’article 2232 du code civil, de sorte que cette action doit être formée dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est, en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie.

Valeur d’une expertise amiable : Rappel

La Chambre Mixte a rappelé à cette occasion (21-15.809) que le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties sans violer l’article 16 du code de procédure civile, ensemble l’article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Compétence du Juge civil, même en l'absence d'utilisation de l'article 470-1 du Code Pénal

Selon l'article 1355 du Code Civil,l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

Selon une jurisprudence constante (Ass. Plén., 7 juillet 2006, pourvoi n° 04-10.672, Bull. 2006, Ass. Plén., n° 8), il incombe au demandeur à l'action de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci.

Selon l'article 470-1 du Code Civil, le tribunal saisi, à l'initiative du ministère public ou sur renvoi d'une juridiction d'instruction, de poursuites exercées pour une infraction non intentionnelle au sens des deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article 121-3 du code pénal, et qui prononce une relaxe demeure compétent, sur la demande de la partie civile ou de son assureur formulée avant la clôture des débats, pour accorder, en application des règles du droit civil, réparation de tous les dommages résultant des faits qui ont fondé la poursuite.

En application du principe selon lequel il incombe au demandeur à l'action de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci, lorsque la partie civile sollicite du juge pénal qu'il se prononce selon les règles du droit civil, elle doit présenter l'ensemble des moyens qu'elle estime de nature à fonder ses demandes, de sorte qu'elle ne peut saisir le juge civil des mêmes demandes, fussent-elles fondées sur d'autres moyens.

En revanche, lorsque la partie civile n'a pas usé de la faculté qui lui est ouverte par l'article 470-1 du code de procédure pénale, elle ne peut être privée de la possibilité de présenter ses demandes de réparation devant le juge civil.

L'interprétation contraire aboutirait à priver d'effet l'option de compétence qui lui est ouverte par la loi n° 83-608 du 8 juillet 1983 dans le but de garantir le droit effectif de toute victime d'infraction d'obtenir l'indemnisation de son préjudice.




LEGISLATION



  • Circulaire du 17 octobre 2023 de mise en œuvre, dans les procédures judiciaires civiles, dè la politique publique de l'amiable: présentation des décrets n° 2023-686 du 29 juillet 2023 portant mesures favorisant le règlement amiable des litiges devant le tribunaljudiciaire et n° 2023~357 du 11 mai 2023 relatif à la tentative préalable obligatoire de médiation, de conciliation ou de procédure participative en matière civile.
  • Décret n° 2023-686 du 29 juillet 2023 portant mesures favorisant le règlement amiable des litiges devant le tribunal judiciaire
  • Décret n° 2023-357 du 11 mai 2023 relatif à la tentative préalable obligatoire de médiation, de conciliation ou de procédure participative en matière civile


DOCTRINE