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Jean-François CARLOT - Docteur en Droit - Avocat Honoraire

CONTENTIEUX du RISQUE, de la RESPONSABILITE et de l'ASSURANCE

Jurisprudence 2e Sem. 2023
VEILLE JURISPRUDENTIELLE du 1er Semestre 2024
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RESPONSABILITES

Opposabilité d'une clause limitative de responsabilité aux tiers

La Cour de cassation juge que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage (Ass. plén., 6 octobre 2006, pourvoi n° 05-13.255, Bull. 2006, Ass. plén, n° 9) et que s'il établit un lien de causalité entre ce manquement contractuel et le dommage qu'il subit, il n'est pas tenu de démontrer une faute délictuelle ou quasi délictuelle distincte de ce manquement (Ass. plén. 13 janvier 2020, pourvoi n° 17-19.963, publié au bulletin).

Pour ne pas déjouer les prévisions du débiteur, qui s'est engagé en considération de l'économie générale du contrat et ne pas conférer au tiers qui invoque le contrat une position plus avantageuse que celle dont peut se prévaloir le créancier lui-même, le tiers à un contrat qui invoque, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel qui lui a causé un dommage peut se voir opposer les conditions et limites de la responsabilité qui s'appliquent dans les relations entre les contractants.

Responsabilité solidaire des parents séparés du fait de leurs enfants mineurs

Vu l'article 1242, alinéa 4, du code civil :

Dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale, l'article 1384, alinéa 4, du code civil disposait que le père et la mère, en tant qu'ils exercent le droit de garde, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux.

Dans sa version issue de la loi précitée, qui pose le principe de l'exercice conjoint de l'autorité parentale, ce texte, devenu l'article 1242, alinéa 4, du code civil, dispose que le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux.

Ce texte n'envisageant que la situation de l'enfant habitant avec ses deux parents, la jurisprudence a dû interpréter la notion de cohabitation lorsque les parents ne vivent pas ensemble.

La Cour de cassation juge à cet égard, avant comme après l'entrée en vigueur de la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002, que cette condition de cohabitation n'est remplie qu'à l'égard du parent chez lequel la résidence habituelle de l'enfant a été fixée par un juge ;(2e Civ., 20 janvier 2000, pourvoi n° 98-14.479, Bull. 2000, II, n° 14), de sorte que la responsabilité d'un dommage causé par son enfant mineur lui incombe entièrement quand bien même l'autre parent, bénéficiaire d'un droit de visite et d'hébergement, exerce conjointement l'autorité parentale (Crim., 6 novembre 2012, pourvoi n° 11-86.857, Bull. crim. 2012, n° 241) et que le fait dommageable de l'enfant a eu lieu pendant cet exercice.

Cette jurisprudence est de nature à susciter des difficultés dans les situations, de plus en plus fréquentes, où les enfants résident alternativement chez l'un et l'autre de leurs parents, ou encore celles où ces derniers conviennent du lieu de résidence des enfants sans saisir le juge.

Elle est critiquée par une large partie de la doctrine et, parfois, écartée par des juridictions du fond qui privilégient la seule condition de l'exercice conjoint de l'autorité parentale ou apprécient concrètement le lieu de résidence effectif de l'enfant au moment du dommage.

En outre, elle se concilie imparfaitement avec l'objectivation progressive de la responsabilité civile des parents du fait de leur enfant mineur, qui permet notamment une meilleure indemnisation des victimes.

La Cour de cassation juge en effet que l'article 1384, alinéa 4, devenu l'article 1242, alinéa 4, du code civil, édicte une responsabilité de plein droit des père et mère du fait des dommages causés par leur enfant mineur habitant avec eux, dont seule la force majeure ou la faute de la victime peut les exonérer (2e Civ., 19 février 1997, pourvoi n° 94-21.111, Bull. 1997, II, n° 56).

Elle énonce également que cette responsabilité n'est pas subordonnée à l'existence d'une faute de l'enfant (2e Civ., 10 mai 2001, pourvoi n° 99-11.287, Bull. 2001, II, n° 96), de sorte qu'il suffit, pour qu'elle soit engagée, qu'un dommage soit directement causé par son fait, même non fautif (Ass. plén., 13 décembre 2002, pourvoi n° 00-13.787, Bull. crim. 2002, Ass. plén., n° 3 ; Ass. plén., 13 décembre 2002, pourvoi n° 01-14.007, Bull. 2002, Ass. plén., n° 4).

Ainsi, les parents ne peuvent s'exonérer de cette responsabilité objective au seul motif qu'ils n'ont commis aucune faute, qu'elle soit de surveillance ou d'éducation.

Enfin, cette jurisprudence, qui décharge de sa responsabilité de plein droit le parent chez lequel la résidence habituelle de l'enfant n'a pas été fixée, s'accorde également imparfaitement avec l'objectif de la loi du 4 mars 2002 de promouvoir le principe de la coparentalité.

Ce principe reflète, en droit interne, celui posé par l'article 18, § 1, de la Convention internationale des droits de l'enfant, selon lequel les deux parents ont une responsabilité commune pour ce qui est d'élever l'enfant et d'assurer son développement, laquelle subsiste après la séparation du couple parental.

L'ensemble de ces considérations conduit la Cour à interpréter désormais la notion de cohabitation comme la conséquence de l'exercice conjoint de l'autorité parentale, laquelle emporte pour chacun des parents un ensemble de droits et de devoirs, et à juger désormais que leur cohabitation avec un enfant mineur à l'égard duquel ils exercent conjointement l'autorité parentale ne cesse que lorsque des décisions administrative ou judiciaire confient ce mineur à un tiers.

Il en résulte que les deux parents, lorsqu'ils exercent conjointement l'autorité parentale à l'égard de leur enfant mineur, sont solidairement responsables des dommages causés par celui-ci dès lors que l'enfant n'a pas été confié à un tiers par une décision administrative ou judiciaire.



Note :

  • les codébiteurs solidaires ne contribuent à la dette que chacun pour sa part.
  • Celui qui a payé au-delà de sa part dispose d'un recours contre les autres à proportion de leur propre part.
  • Si l'un d'eux est insolvable, sa part se répartit, par contribution, entre les codébiteurs solvables, y compris celui qui a fait le paiement et celui qui a bénéficié d'une remise de solidarité.

Rôle causal de la chose dans la réalisation du dommage

Selon l'article 1384, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, alors applicable : "on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde".

Pour débouter M. [T] de ses demandes, l'arrêt relève que l'incendie, qui n'était pas d'origine volontaire, était parti du lieu de stockage de cartons à pizzas, concomitamment à la remise en service de l'alimentation électrique et que la seule source d'énergie à proximité de ces cartons était la rallonge électrique utilisée par la société, dont les brins étaient à hauteur de la réserve de cartons.

L'arrêt ajoute que l'expertise réalisée ne permet pas de déterminer si la détérioration de la rallonge, qui pourrait être à l'origine de l'incendie, était antérieure ou postérieure à celui-ci, et que la déviation de courant apparue entre deux brins à potentiel différent qui pourrait également être à l'origine de l'incendie n'est pas établie.

Il en déduit qu'il existe une incertitude sur le rôle causal de la rallonge ne permettant pas de retenir la responsabilité de la société dans la survenance du sinistre.

En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la rallonge avait joué un rôle causal dans l'incendie, dès lors qu'elle était la seule source d'énergie à proximité du point de départ de l'incendie, et qu'en raison de son caractère défectueux, elle avait été l'instrument du dommage, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.

Responsabilité du banquier pour défaut d'information sur les risques d'un défaut d'assurance

Il résulte de l'actuel article 1231-1 du Code civil, que le banquier qui propose à son client, auquel il consent un prêt, d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'il a souscrit à l'effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l'exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenu de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur, la remise d'une notice claire ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation.

Il résulte de l'actuel article 1353 du Code civil que c'est au débiteur d'une obligation de rapporter la preuve de son exécution.

Dès lors, la banque, qui consent des prêts assortis de la proposition d'adhérer à un contrat d'assurance de groupe, est tenue, en l'absence d'adhésion de l'emprunteur à cette assurance, de l'éclairer sur les risques d'un défaut d'assurance au regard de sa situation personnelle et, il lui appartient d'apporter la preuve qu'elle avait exécuté cette obligation.

En l'espèce, on ne peut déduire que cette information ait été donnée du seul fait que les contrats de prêts litigieux contenaient une information sur l'assurance de groupe souscrite par la banque et la possibilité pour l'emprunteur de souscrire une garantie équivalente auprès de l'assureur de son choix, même si le client de la banque a reconnu avoir été informé des clauses et conditions de l'assurance de groupe et avoir renoncé, en toute connaissance de cause, à y adhérer, et si, pour divers prêts, il s'était assuré auprès d'un autre assureur de son choix qui était tenu de l'informer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle.

Par ailleurs, la banque dispensatrice de crédit est tenue d'une obligation d'informer l'emprunteur sur les modalités de mise en oeuvre d'une garantie d'assurance souscrite au profit de celle-ci.

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Aux termes de l'article 1199 du Code civil, le contrat ne crée d'obligations qu'entre les parties.

Selon l'article L. 141-4 du code des assurances, le souscripteur est tenu de remettre à l'adhérent une notice établie par l'assureur qui définit les garanties et leurs modalités d'entrée en vigueur ainsi que les formalités à accomplir en cas de sinistre.

Seule la notice du contrat de groupe établie par l'assureur détermine les garanties dont peut se prévaloir l'adhérent.

Responsabilité d'une société d'investissement et préjudice réparable

Selon les actuels articles 1231-1 et 1231-2 du code civil, le paiement de l'impôt mis à la charge d'un contribuable à la suite d'une rectification fiscale lui refusant le bénéfice de la réduction d'impôt escomptée d'une opération de défiscalisation ne constitue pas un dommage indemnisable, sauf s'il est établi que, sans la faute des personnes en charge de cette opération dont la responsabilité est recherchée, ce contribuable n'aurait pas été exposé au paiement de l'impôt rappelé ou aurait acquitté un impôt moindre.

Responsabilité de l'exploitant d'un parking à l'égard des tiers

Il résulte de l'article 1147, devenu 1231-1, et des articles 1382, 1383 et 1384, devenus 1240, 1241 et 1242, du code civil que la responsabilité de l'exploitant d'un parking peut être engagée, à l'égard de la victime d'une chute survenue dans ce parking, sur le fondement de la responsabilité contractuelle si la victime a contracté avec cet exploitant et sur celui de la responsabilité extracontractuelle si la victime est tiers au contrat de stationnement.

Il est de jurisprudence constante que le créancier d'une obligation contractuelle ne peut se prévaloir contre le débiteur de cette obligation, quand bien même il y aurait intérêt, des règles de la responsabilité délictuelle (Civ. 1ère, 11 janvier 1989, n°86-17.321)

Ainsi, cet exploitant, même s'il organise et réserve des voies de circulation pour les piétons qui sortent des véhicules ou qui viennent les reprendre,qu'ils soient conducteurs ou non, ne conclut pas nécessairement avec eux un contrat qui le rend débiteur d'une obligation de sécurité excluant l'application du régime de responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle.

Si le conducteur du véhicule contracte avec l'exploitant du parking, il n'est pas nécessairement de même de son passager qui ne peut rechercher la responsabilité de cet exploitant en cas d'accident que sur le fondement extra-contractuel.

Condition de la responsabilité de l'expert missionné par l'assureur

Il résulte de l'article 1240 du Code Civil que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.

Pour retenir la responsabilité délictuelle d'un cabinet d'expertise missionné par un assureur ensuite d'un sinistre à l'égard d'un assuré, un arrêt retient qu'en faisant preuve d'inertie dans l'instruction du dossier, en refusant de valider le devis des travaux de reprise de la charpente et en empêchant ainsi la réalisation des travaux permettant de faire cesser les infiltrations à l'intérieur de la maison, celui-ci a commis une faute ayant contribué à l'aggravation du sinistre.

De tels motifs sont impropres à caractériser une faute de l'expert amiable dans l'exercice de sa mission à l'origine de l'aggravation du sinistre, sans qu'il soit déterminé si l'assureur avait chargé l'expert amiable de donner son accord à la réalisation des travaux de reprise, alors que l'assureur n'avait pas réagi à la réception du premier rapport de l'expert amiable relatant les vaines démarches des assurés pour empêcher les infiltrations et qu'il ne lui avait pas donné, à la date de son second rapport, sa position sur le principe de sa garantie.

Garantie légale des vices cachés : Notion de vendeur professionnel

Il résulte de l'article 1645 du Code civil une présomption irréfragable de connaissance par le vendeur professionnel du vice de la chose vendue, qui l'oblige à réparer l'intégralité de tous les dommages qui en sont la conséquence.

Une entreprise professionnelle de travaux forestier, n'a pas nécessairement la qualité de vendeur professionnel au sens de la disposition précitée, en ce qui concerne la vente d'un matériel agricole.

Responsabilité du fait des produits défectueux (Médiator)

Selon l'article 1245 du Code Civil, le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime.

Selon l'article 1245-8, le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage.

Il résulte de ces textes qu'il appartient au demandeur de prouver par tout moyen que son dommage est imputable au moins pour partie au produit incriminé.

Dès lors qu'un décès est imputable, même pour partie à une cardiopathie valvulaire causée par la prise de Mediator, la responsabilité du fabricant est engagée sur les fondements précités.

Responsabilité de l'avocat pour défaut de conseil de se constituer partie civile dans l'affaire du Médiator

Engage sa responsabilité civile à l'égard de son client sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil, l'avocat qui commet un manquement dans sa mission de conseil juridique, notamment du fait des conseils erronés et de ceux omis, ainsi que du défaut de validité ou d'efficacité des actes à la rédaction desquels il a participé, sans possibilité de s'exonérer en invoquant les compétences personnelles de son client ou l'intervention d'un autre professionnel.

Lorsqu'il est chargé d'une mission de représentation en justice, l'avocat est tenu d'accomplir tous les actes et formalités nécessaires à la régularité de la procédure. Il doit plus généralement prendre toutes les initiatives utiles pour assurer avec diligence la défense des intérêts de son client. Il appartient à l'avocat de justifier l'accomplissement de ses diligences, et d'établir qu'il a rempli son devoir de conseil.

Au cas présent, il ressort des échanges de courriels entre les parties que Maître [X] a indiqué au demandeur, sur l'opportunité de se constituer partie civile, que le rapport de l'ONIAM lui était défavorable et qu'il risquait de devoir payer des frais aux parties adverses en cas de rejet de ses demandes indemnitaires.

Cependant, d'une part, le rapport de l'ONIAM était indifférent s'agissant du délit de tromperie aggravée puisque le demandeur démontrait dès l'information judiciaire avoir consommé du Mediator et, d'autre part, le risque d'être condamné à payer des frais aux parties adverses était quasi inexistant pour une partie civile dans le cadre d'une procédure pénale.

Il convient de retenir un taux de perte de chance de 90% et le demandeur sera donc indemnisé de son préjudice par l'allocation de la somme de 49 005 €.

Ainsi, les conseils dispensés par le défendeur étaient dépourvus de pertinence pour la situation de Monsieur [Aa] mais ont conduit ce dernier à renoncer à se constituer partie civile à l'audience correctionnelle.

Dès lors, par ce manquement à son devoir de conseil, Maître [X] a commis une faute engageant sa responsabilité.

Prescription en cas de non respect du devoir d'information de l'avocat sur ses honoraires

Le devoir d'information de l'avocat sur les modalités de détermination de ses honoraires et l'évolution prévisible de leur montant n'est pas dissociable de la mission de représentation ou d'assistance de son client en justice, de sorte que l'action fondée sur un manquement à ce devoir se prescrit par cinq ans à compter de la fin de sa mission, en application de l'article 2225 du code civil.

Présomption de responsabilité de l'incendie entre les parties au contrat de bail

La présomption édictée par l'article 1733 du Code civil, selon laquelle le preneur répond de l'incendie survenu dans les locaux loués à moins qu'il ne prouve que l'incendie est arrivé par cas fortuit ou force majeure, ou vice de construction, ne joue qu'entre le preneur et le bailleur, et non à l'égard des tiers ou de leur assureur.

Notion d'accident de la circulation

La deuxième chambre maintient et précise sa jurisprudence en estimant que ne constitue pas un accident de la circulation au sens de l'article 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, celui qui, volontairement provoqué par le conducteur ou un tiers, ne présente pas, de ce fait, un caractère fortuit.

Principe de la réparation intégrale en cas de violation du permis de construire

En application de l'article 1382, devenu 1240, du code civil et du principe de la réparation intégrale, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, de sorte que la victime doit être indemnisée sans perte ni profit.

Il en résulte que le juge du fond, statuant en matière extra-contractuelle, ne peut apprécier la réparation due à la victime au regard du caractère disproportionné de son coût pour le responsable du dommage.

En l'espèce, la cour d'appel a exactement énoncé que la demande de démolition ne pouvait prospérer qu'à condition d'établir que la construction édifiée en violation des prescriptions du permis de construire avait causé un préjudice direct au voisin.

Ayant caractérisé un préjudice résultant directement de la non-conformité de la construction aux prescriptions d'un permis de construire, la cour d'appel a pu en déduire que la démolition de la construction dans les limites des prescriptions du permis de construire modificatif devait être ordonnée.

Rappel : "Toute perte de chance ouvre droit à réparation"

Pour être indemnisable un préjudice ne nécessite pas que la chance perdue ait été "sérieuse". Sa seule existence constitue un préjudice réparable. Toutefois, son indemnisation est fonction de la chance perdue, laquelle relève de l'appréciation souveraine des juges du fond.

Préjudice réparable : préjudice d'angoisse de mort imminente en cas de survie

À compter de la survenance du fait dommageable, la victime d'une atteinte corporelle ou d'une menace d'atteinte corporelle suffisamment graves pour qu'elle envisage légitimement l'imminence de sa propre mort, subit un préjudice spécifique.

Dans le cas où la victime a survécu, ce préjudice se réalise dès qu'elle a conscience de la gravité de sa situation et tant qu'elle n'est pas en mesure d'envisager raisonnablement qu'elle pourrait survivre.

Ce préjudice d'angoisse de mort imminente en cas de survie se rattache au poste des souffrances endurées, qui indemnise toutes les souffrances physiques et psychiques, quelles que soient leur nature et leur intensité, ainsi que les troubles associés qu'endure la victime à compter du fait dommageable et jusqu'à la consolidation de son état de santé.

Cependant, son indemnisation par un poste de préjudice autonome ne peut donner lieu à cassation que si ce préjudice a été indemnisé deux fois, en violation du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime.



ASSURANCES


Les causes d'interruption de la prescription doivent être énoncées de manière exhaustive

Il résulte de l'article R. 112-1 du code des assurances que l'assureur est tenu de rappeler dans le contrat d'assurance, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription édicté par l'article L. 114-1, les différentes causes d'interruption de la prescription biennale prévues à l'article L. 114-2 du même code.

Le fait que les conditions générales du contrat rappellent les articles L. 114-1, L. 114-2 et L. 114-3 relatifs à la prescription abrégée en matière d'assurance et les articles 2240 et suivants du code civil quant aux causes ordinaires de prescription est insuffisant pour établir que les causes ordinaires d'interruption de la prescription étaient énoncées de manière exhaustive dans le contrat d'assurance.

Condition de résiliation d'un Marché public d'assurance par l'assureur

Il résulte notamment de l'article L. 113-12 du code des assurance que l'assuré a le droit de résilier le contrat à l'expiration d'un délai d'un an, en adressant une notification dans les conditions prévues à l'article L. 113-14 à l'assureur au moins deux mois avant la date d'échéance de ce contrat et que lorsque l'assuré a souscrit un contrat à des fins professionnelles, l'assureur a aussi le droit de résilier le contrat dans les mêmes conditions.

Il résulte de ces dispositions également applicables aux marchés publics d'assurance que l'assureur a la faculté de résilier unilatéralement le contrat à l'expiration d'un délai d'un an suivant sa conclusion, avec un préavis d'au moins deux mois.

Il résulte toutefois des principes généraux applicables aux contrats administratifs que lorsque l'assureur entend en faire application pour résilier unilatéralement le marché qui le lie à la personne publique assurée et que le contrat ne prévoit pas un préavis de résiliation suffisant pour passer un nouveau marché d'assurance, cette dernière peut, pour un motif d'intérêt général tiré notamment des exigences du service public dont la personne publique a la charge, s'y opposer et lui imposer de poursuivre l'exécution du contrat pendant la durée strictement nécessaire, au regard des dispositions législatives et réglementaires applicables, au déroulement de la procédure de passation d'un nouveau marché public d'assurance, sans que cette durée ne puisse en toute hypothèse excéder douze mois, y compris lorsque la procédure s'avère infructueuse.

L'assureur peut contester cette décision devant le juge afin d'obtenir la résiliation du contrat

En l'espèce :

Le motif invoqué par la métropole assurée pour s'opposer à la résiliation par l'assureur du contrat qui les lie, tiré de la nécessité que les dommages aux biens concourant au bon accomplissement des missions de service public qui lui sont confiées soient couverts par une police d'assurance, constitue un motif d'intérêt général justifiant la poursuite de l'exécution du marché en application des principes précités.

De plus, le refus de l'assureur d'exécuter le contrat à compter du 31 janvier 2023 priverait ces biens de garantie contre les risques assurés, et que cette absence d'assurance serait, dans ces circonstances, de nature à compromettre l'exercice de certaines missions de service public en cas de sinistre majeur.

Enfin, dans les circonstances de l'espèce, le délai de préavis de six mois prévu par le contrat en cas de résiliation était insuffisant pour procéder à un appel d'offres ouvert.

Par suite, la mesure demandée, qui est ainsi nécessaire à la continuité des missions de service public dont est chargée la métropole, présente un caractère d'urgence et d'utilité, et ne se heurte à aucune contestation sérieuse.

Dès lors qu'elle ne fait pas non plus obstacle à l'exécution d'une décision administrative, il y a lieu d'ordonner à l'assureur de reprendre intégralement l'exécution des prestations auxquelles cette société est obligée par le contrat en litige, pendant la durée strictement nécessaire au déroulement de la procédure de passation d'un nouveau marché d'assurance par la métropole, sauf à ce que cette dernière y renonce, et au plus tard, dans les circonstances de l'espèce, jusqu'au 30 décembre 2024.

Condition de garantie des pertes d'exploitation (COVID 19)

Aux termes d'un contrat d'assurance, un assureur garantit les pertes d'exploitation, en cas d'« arrêt d'activité totale ou partielle du fait de mesures administratives résultant d'une décision des autorités sanitaires de mise en quarantaine ».

Selon l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, dans sa version en vigueur du 24 mars 2020 au 1er août 2022, dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, restreindre ou interdire la circulation des personnes et des véhicules dans les lieux et aux heures fixés par décret, interdire aux personnes de sortir de leur domicile sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé, ou encore ordonner des mesures ayant pour objet la mise en quarantaine, au sens de l'article 1er du règlement sanitaire international de 2005, des personnes susceptibles d'être affectées.

L'article 1er du règlement sanitaire international de 2005 définit la quarantaine comme la restriction des activités et/ou la mise à l'écart des personnes suspectes qui ne sont pas malades ou des bagages, conteneurs, moyens de transport ou marchandises suspects, de façon à prévenir la propagation éventuelle de l'infection ou de la contamination. Il précise que le terme « suspects » s'entend des personnes, bagages, cargaisons, conteneurs, moyens de transport, marchandises ou colis postaux qu'un État partie considère comme ayant été exposés ou ayant pu être exposés à un risque pour la santé publique et susceptibles de constituer une source de propagation de maladies.

C'est par une exacte interprétation de ces textes que la cour d'appel a jugé que la quarantaine, correspondant à la mise à l'écart d'une ou de plusieurs personnes spécifiquement identifiées en raison du risque de propagation de maladies qu'elles constituent, se distingue de l'interdiction de déplacement hors de son domicile, sous réserve de ceux strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé, faite à toute personne par les pouvoirs publics pour lutter contre la propagation du virus covid-19 par les arrêtés et décret visés aux paragraphes 2 et 3.

Ayant constaté que le contrat d'assurance garantissait l'arrêt d'activité totale ou partielle résultant d'une décision des autorités sanitaires de mise en quarantaine, la cour d'appel en a exactement déduit que les conditions de mise en jeu de la garantie n'étaient pas réunies.



La garantie des pertes d'exploitation que pourrait subit l'assuré "par suite de l'interruption totale ou partielle de l'activité exercée dans les locaux assurés" due, notamment, à "la fermeture de l'établissement sur ordre des autorités" est applicable, dans la mesure où le décret du 15 mars 2020 avait interdit aux restaurants d'accueillir du public.

Absence de fausse déclaration de risque dans des conditions particulières non signées

Selon l'article L.113-2, 2e du Code des assurances, l'assuré est obligé de répondre exactement aux questions précises posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel celui-ci l'interroge, lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à lui faire apprécier les risques qu'il prend en charge.

Il résulte des articles L. 112-3, alinéa 4, et L. 113-8 que l'assureur ne peut se prévaloir de la réticence ou de la fausse déclaration intentionnelle de l'assuré que si celles-ci procèdent des réponses qu'il a apportées à ces questions.

Si l'article L. 113-2, 2°, susvisé n'impose pas l'établissement d'un questionnaire préalable écrit et que, pour apprécier l'existence d'une fausse déclaration intentionnelle du souscripteur, le juge peut prendre en compte les déclarations pré-imprimées consignées dans les conditions particulières du contrat, c'est à la condition, d'une part, qu'il estime que, par leur précision et leur individualisation, ces déclarations résultaient de questions précises posées par l'assureur ou qu'il constate que ces déclarations avaient été faites par l'assuré, à sa seule initiative, lors de la conclusion du contrat, d'autre part, que les conditions particulières aient été signées par le souscripteur.

Notion de faute dolosive : Société d'investissement

Par une série d'arrêts du 4 avril 2024, la Cour de Cassation confirme son appréciation de la faute dolosive.

En l'espèce, une société d'investissement avait incité plusieurs clients à souscrire à un produit de défiscalisation portant sur l'acquisition et la mise en location de stations autonomes d'éclairage (SAE) alimentées par des panneaux photovoltaïque sur l'île de la Réunion, afin de bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu  en application du dispositif dit "Girardin Industriel" prévu par le CGI.

L'administration fiscale avait ensuite remis en cause les réductions d'impôts des montages des années précédentes faute de mise en service du matériel avant le 31 décembre de l'année concernée ainsi que l'éligibilité des SAE à la réduction fiscale. Ces investisseurs ont alors assigné la société d'investissement en responsabilité civile, ainsi que son assureur.

Or, la société de défiscalisation avait pleinement conscience du risque évident qu'elle faisait courir aux investisseurs au moment où le contrat a été souscrit.

Toutefois, ces faits ne caractérisent pas la conscience qu'avait la société de défiscalisation du caractère inéluctable des conséquences dommageables de la commercialisation de son produit auprès des investisseurs qui ne se confond pas avec la conscience du risque d'occasionner le dommage.

Dès lors, les assureurs de la responsabilité civile de société de défiscalisation ne  sont pas fondés à opposer une exclusion de garantie pour faute dolosive, sur le fondement de l'article L 113-1 du Code des assurances.

Rappel :

Selon l'alinéa 2 de l'article L 113-1 du Code des assurances, lequel est d'ordre public : "l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré".

La faute intentionnelle est définie par la jurisprudence comme la faute volontaire commise avec la volonté de commettre le dommage "tel qu’il est survenu". Les dommages qui excèdent ceux que l'assuré avait la volonté de commettre, ne sont donc pas frappés par l'exclusion légale. (Civ. 2e, 16 janvier 2020, n° 18-18.909)

La faute dolosive est définie comme "un acte délibéré de l’assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables". La simple conscience d'en créer le risque ne caractérise donc pas le caractère dolosif. ( Civ. 2e, 14 mars 2024, n° 22-18.426, publié au bulletin)

Conformément à l'article 1353, al.2, du Code Civil, il appartient à l'assureur qui entend s'exonérer de son obligation de garantie, de rapporter la preuve du caractère intentionnel ou dolosif de la faute commise par l'assuré.

Notion de faute dolosive : Exploitant d'un parc animalier

Selon l'article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré.

Au sens de ce texte, la faute dolosive s'entend d'un acte délibéré de l'assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables.

Le fait que l'exploitant d'un parc animalier ait manqué à ses obligations professionnelles et réglementaires à l'égard d'un membre de son personnel ayant été accidentellement blessé par un fauve après avoir pris l'initiative de pénétrer dans son enclos en dépit des consignes qui lui avaient été données, ne caractérise pas la conscience qu'avait l'assurée du caractère inéluctable du dommage que subirait la victime, laquelle ne se confond pas avec la conscience du risque d'occasionner le dommage.

Il en résulte que l'assureur de la responsabilité de l'exploitant lui doit sa garantie.

Notion de faute dolosive ou intentionnelle : Administrateur de biens

Les manquements d'un administrateur de biens dans l'exécution de son contrat de mandat portant sur le recouvrement de charges et loyers pendant plusieurs années, ne caractérisent pas sa "conscience du caractère inéluctable des conséquences pouvant en découler", ni sa volonté de causer le dommage "tel qu'il est survenu".

Exclusion de risque : Caractère formel et limité

Il résulte de l'article L. 113-1 du code des assurances que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées.

Une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation.

Pour dire opposable à l'assurée la clause d'exclusion de garantie litigieuse, l'arrêt retient, d'abord, que l'absence de la conjonction de coordination « et » entre les deux cas d'exclusion démontre qu'elles ne sont pas cumulatives, correspondant à des situations par nature très différentes, et que le seul usage du singulier pour conjuguer le verbe « demeure » ne permet pas de dire que la clause n'est pas formelle quand il peut logiquement procéder de l'examen distinct de chacune de ces deux situations.

En statuant ainsi, alors que la clause d'exclusion précitée, rendue ambiguë par l'usage de la conjonction de subordination « lorsque », nécessitait interprétation, de sorte qu'elle n'était pas formelle, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

la validité des clauses d'exclusion de garantie régie par l'article L.113-1, ne peut être cumulativement examinée au regard de l'article 1131 du code civil.

Selon l'ancien article 1131 du code civil, l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet.

Il résulte de l'article L.113-1 du Code des assurances que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées.

Sur le fondement de ce dernier texte, la Cour de cassation juge qu'une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire (2e Civ., 1er décembre 2022, pourvois n° 21-19.341, n° 21-19.342, n° 21-19.343, n° 21-15.392, publiés au Bulletin ; 2e Civ., 19 janvier 2023, pourvoi n° 21-21.516, publié au Bulletin).

Il en résulte que la validité des clauses d'exclusion de garantie, régie par L'article L.113-1 qui exige qu'elles ne vident pas la garantie de sa substance, ne peut être cumulativement examinée au regard de l'ancien article 1131 du code civil.

Les fausses déclarations doivent résulter de réponses au questionnaire

Selon l'article L.113-2 du Code des assurances, l'assuré doit déclarer, en cours de contrat, les circonstances nouvelles qui aggravent les risques ou en créent de nouveaux et rendent de ce fait inexactes ou caduques les réponses précédemment apportées aux questions posées par l'assureur, notamment dans le formulaire mentionné au 2° de ce texte.

Il résulte des articles L.112-3 et L.113-8 que l'assureur ne peut se prévaloir de la réticence ou de la fausse déclaration intentionnelle de l'assuré que si celles-ci procèdent des réponses qu'il a apportées à ces questions ou si elles ont été faites par ce dernier de sa seule initiative.

Prescription de l'action en nullité pour dol

Vu les articles 1116 et 1304 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et l'article L. 114-1 du code des assurances :

Aux termes de l'article 1116 du Code Civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Selon l'article 1304, dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.

Selon l'article L 114-1 du Code des assurances, toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance.

L'action en nullité du contrat d'assurance ou de ses avenants, fondée sur le dol de l'assureur ou de son mandataire, qui repose sur l'existence de manoeuvres pratiquées avant la conclusion du contrat, ne dérive pas du contrat d'assurance, au sens de ce dernier texte.

Dès lors, la prescription biennale prévue à l'article L. 114-1 du code des assurances ne s'applique pas aux demandes d'annulation pour dol du contrat d'assurance et de ses avenants.

Prescription de l'action récursoire contre l'assureur d'un co-responsable

L’action récursoire d’un responsable contre l’assureur de responsabilité d’un co-responsable se prescrit selon les mêmes règles que celles applicables à l’action récursoire contre cet autre responsable.

En conséquence, l’action récursoire de l’assureur d’un constructeur, subrogé dans les droits de son assuré, contre l’assureur d’un autre constructeur n’est pas prescrite tant que le délai prévu à l’article 2224 du code civil n’est pas expiré, peu important que l’assureur ainsi recherché ne soit plus exposé au recours de son assuré, en raison de l’expiration de la prescription biennale de l’article L. 114-1 du code des assurances.

Recevabilité de l'action en garantie contre l'assureur

La recevabilité de l'action en garantie d'un responsable contre l'assureur de responsabilité d'un autre responsable n'est pas subordonnée à la mise en cause de l'assuré.

Notion de réclamation en matière de RC médicale

En matière d'assurance obligatoire de responsabilité civile médicale prévue à l'article L. 1142-2 du code de la santé publique, l'assignation en référé, délivrée à l'assuré par le tiers lésé en vue de la désignation d'un expert aux fins de déterminer les responsables des dommages dont le tiers lésé se prétendait victime et d'évaluer les préjudices, constitue, au sens de l'article L. 251-2, alinéas 1 à 3, du code des assurances, la réclamation à laquelle est suspendue la garantie de l'assureur.

Assurance de responsabilité : Globalisation des sinistres

Selon l'article L.124-5, al. 4, du Code des assurances, lorsque la garantie est déclenchée par la réclamation, l'assureur ne couvre pas l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres s'il établit que l'assuré avait connaissance du fait dommageable à la date de la souscription de la garantie.

Les dispositions de l'article L.124-1-1 de ces textes consacrant la globalisation des sinistres ne sont pas applicables à la responsabilité encourue par un professionnel en cas de manquements à ses obligations d'information et de conseil, celles-ci, individualisées par nature, excluant l'existence d'une cause technique, au sens de ce texte, permettant de les assimiler à un fait dommageable unique.

Il en résulte que la connaissance par l'assuré, lors de la souscription de son assurance, de la réclamation d'une victime se prévalant de tels manquements est insuffisante à établir sa connaissance du fait dommageable tendant à ce qu'il soit déclaré responsable à l'égard d'autres victimes de manquements de même nature, justifiant d'écarter la garantie de l'assureur.

Les dispositions de l'article L. 124-1-1 du code des assurances consacrant la globalisation des sinistres ne sont pas applicables à la responsabilité encourue par un professionnel en cas de manquements à ses obligations d'information et de conseil, celles-ci, individualisées par nature, excluant l'existence d'une cause technique, au sens de ce texte, permettant de les assimiler à un fait dommageable unique.

Dès lors, le fait générateur d'un sinistre doit s'entendre des circonstances de temps et de lieu propres à chaque réclamation, et non de la cause technique qui pourrait être à différentes réclamations formées à l'encontre de l'assuré dont la responsabilité pourrait être engagée pour ne pas s'être assurée de l'éligibilité de son produit au dispositif Girardin et plus précisément de la condition du raccordement au réseau EDF.




PROCEDURE


Point de départ de la prescription des actions récursoires

a. Point de départ à compter de la décision juridictionnelle ayant reconnu un droit contesté au profit d’un tiers :

Un notaire établi des actes de cession de parts et de donation de parents à leurs enfants.

Estimant que les donations avaient pour objet d'éluder le paiement de l'impôt sur la plus-value, l'administration fiscale a notifié aux enfants un redressement.

Après rejet de leurs recours par la juridiction administrative, les enfants assignent le notaire en responsabilité et en indemnisation.

Pour déclarer prescrite l'action récursoire en responsabilité des enfants contre leur notaire au titre de manquements à ses obligations, l'arrêt d’appel retient à tort que le délai de prescription a couru à compter de la notification par l'administration fiscale de l'avis de mise en recouvrement en 2012, alors qu’il aurait du courir à compter de la date de la décision juridictionnelle ayant définitivement statué sur leur réclamation en 2013.

b. Point de départ à compter de l’assignation :

Un notaire a établi un acte de notoriété désignant le conjoint survivant, en qualité de légataire de la quotité disponible entre époux, en présence d’enfants, et héritier du quart des biens en pleine propriété.

Une convention sous seing privé prévoyant les bases d'un partage amiable a été établie entre les héritiers, sous le contrôle des avocats des parties, dont celui du conjoint survivant.

Ce dernier assigne ultérieurement le notaire en responsabilité pour violation de son obligation d’information.

Le notaire est finalement déclaré responsable et condamné à payer des dommages et intérêts à sa cliente, conjoint survivant.

Les assureurs de la responsabilité du notaire exercent alors ultérieurement un recours contre l’avocat du conjoint survivant comme coauteur du défaut de conseil.

La Chambre mixte estime que la prescription de l'action récursoire engagée par le notaire contre l’avocat du conjoint survivant avait commencé à courir au jour ce notaire avait été assigné en responsabilité civile.

En effet, le notaire ne pouvait ignorer, dès la délivrance de l'assignation le concernant, ni l'erreur commune à tous les professionnels du droit intervenus, commise lors de l'établissement de l'acte de notoriété, ni le fait que le conjoint survivant n'avait pu obtenir la validation de l'option qu'elle avait entendu régulariser sur ses conseils, ni les conséquences préjudiciables qu'en tirait le conjoint survivant à son endroit.

Le défaut de respect de la procédure d'escalade dans les recours entre assureurs est une fin de non recevoir

Selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L'article 4 de la convention de règlement amiable des litiges (CORAL), relatif à la procédure d'escalade, stipule que « les sociétés adhérentes sont tenues, avant de recourir à la conciliation, à l'arbitrage ou à la saisine d'une juridiction d'Etat, d'épuiser toutes voies de recours dans le cadre de la procédure d'escalade ».

Le défaut de mise en oeuvre d'une telle clause instituant une procédure de tentative de règlement amiable obligatoire et préalable à la saisine du juge constitue une fin de non-recevoir sanctionnée par l'irrecevabilité de la demande.

Portée de l'effet interruptif d'une assignation à l'égard des désordres qui y sont visés

L'effet interruptif attaché à une assignation ne vaut que pour les désordres qui y sont expressément désignés (Civ. 3e, 31 mai 1989, n° 87-16.389, publié au Bulletin - Civ. 3e, 20 mai 1998, n° 95-20.870, publié au Bulletin).

Cette exigence d'identification des désordres, qui détermine le cours de la prescription de l'acte dirigé contre celui que l'on veut empêcher de prescrire, est destinée à assurer la sécurité juridique des parties en litige.

Il en résulte que la demande en justice aux fins d'extension d'une mesure d'expertise à d'autres désordres est dépourvue d'effet interruptif de prescription ou de forclusion sur l'action en réparation des désordres visés par la mesure d'expertise initiale.

Dire à Expert et respect du contradictoire

Aux termes de l'article 16 du CPC le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

En application de l'article 175, les irrégularités affectant le déroulement des opérations d'expertise sont sanctionnées selon les règles régissant les nullités des actes de procédure.

Selon l'article 114, un acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

Il résulte de l'application combinée de ces textes que l'absence de communication à une partie de l'argumentaire (Dire)adressé par une autre partie à l'expert qui en a tenu compte dans son rapport, constitue l'inobservation d'une formalité substantielle sanctionnée par une nullité pour vice de forme, qui peut être prononcée à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité.

Pour entériner les conclusions de l'expertise et rejeter le recours de la victime, qui soutenait que si elle avait eu connaissance de l'argumentaire du médecin conseil, elle aurait pu discuter des contradictions et imprécisions qu'il contenait, l'arrêt retient que l'argumentaire médical de la caisse adressé à l'expert ne doit pas être communiqué aux parties avant le dépôt du rapport. Il ajoute que la victime a été en mesure de débattre contradictoirement du contenu du rapport d'expertise et en déduit que le principe du contradictoire a été respecté.

En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que la victime, qui invoquait l'existence d'un grief résultant de cette irrégularité, n'avait pas eu connaissance, avant le dépôt du rapport d'expertise, de l'argumentaire de la caisse adressé à l'expert qui en avait tenu compte pour rendre son avis, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Nécessité de vérification de la signature de la police d'assurance

Il résulte des articles 287 et 288 du code de procédure civile que, lorsque l'écriture ou la signature d'un acte sous seing privé est déniée ou méconnue, il appartient au juge de vérifier l'écrit contesté, à moins qu'il puisse statuer sans en tenir compte ou qu'il trouve dans la cause des éléments de conviction suffisants.

Dès il appartient au juge de vérifier la signature sur le bulletin d'adhésion déniée par l'assuré, et l'écrit contesté sur lequel il se fonde pour appliquer le plafond de garantie et la franchise.

Tierce opposition de l'assureur et fraude

La décision judiciaire condamnant l'assuré à raison de sa responsabilité constitue pour l'assureur de cette responsabilité la réalisation, tant dans son principe que dans son étendue, du risque couvert et lui est opposable, à moins de fraude à son encontre (1re Civ., 29 octobre 2014, pourvoi n° 13-23.506, Bull. 2014, I, n° 177).

La fraude, qui rend recevable la tierce opposition de l'assureur à l'encontre de la décision judiciaire condamnant son assuré à réparation, peut être le fait de l'assuré ou du tiers victime (1re Civ., 27 avril 1994, pourvoi n° 92-10.905), mais ne peut pas être déduite de la seule absence d'appel en la cause de l'assureur dans l'instance opposant le tiers lésé à l'assuré (1re Civ., 2 juillet 1991, pourvoi n° 89-21.622 ; 2e Civ., 22 octobre 2020, pourvoi n° 19-21.854).

Conditions de recevabilité d'une preuve illégale

Suivant les principes dégagés par la Cour européenne des droits de l'homme (v. notamment CEDH, arrêt du 10 octobre 2006, L.L. c. France, n° 7508/02), la Cour de cassation a consacré, en matière civile, un droit à la preuve qui permet de déclarer recevable une preuve illicite lorsque cette preuve est indispensable au succès de la prétention de celui qui s'en prévaut et que l'atteinte portée aux droits antinomiques en présence est strictement proportionnée au but poursuivi (Com., 15 mai 2007, pourvoi n° 06-10.606, Bull. IV 2007, n° 130 ; 1re Civ., 5 avril 2012, pourvoi n° 11-14.177, Bull. I 2012, n° 85 ; Soc., 9 novembre 2016, pourvoi n° 15-10.203, Bull. V 2016, n° 209 ; Soc., 30 septembre 2020, n° 19-12.058, publié ; Soc., 25 novembre 2020, n° 17-19.523, publié ; Soc. 8 mars 2023, n° 21-17.802, 21-20.798 et 20-21.848, publiés).

Sur le fondement des textes susvisés et du principe de loyauté dans l'administration de la preuve, la Cour de cassation juge néanmoins qu'est irrecevable la production d'une preuve recueillie à l'insu de la personne ou obtenue par une manœoeuvre ou un stratagème (Ass. plén. 7 janvier 2011, n°s 09-14.316 et 09-14.667, Bull. 2011, Ass. plén. n° 1 ; 2e Civ., 9 janvier 2014, n°s 12-23.387 et 12-17.875, Com. 10 novembre 2021, n°s 20-14.669 et 20-14.670, Soc., 18 mars 2008, n° 06-40.852, Bull. 2008, V, n° 65 ; Soc., 4 juillet 2012, n° 11-30.266, Bull. 2012, V, n° 208).

Cette solution est fondée sur la considération que la justice doit être rendue loyalement au vu de preuves recueillies et produites d'une manière qui ne porte pas atteinte à sa dignité et à sa crédibilité.

L'application de cette jurisprudence peut cependant conduire à priver une partie de tout moyen de faire la preuve de ses droits.

La Cour européenne des droits de l'homme ... estime que, lorsque le droit à la preuve tel que garanti par l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales entre en conflit avec d'autres droits et libertés, notamment le droit au respect de la vie privée, il appartient au juge de mettre en balance les différents droits et intérêts en présence.

Elle ajoute que « l'égalité des armes implique l'obligation d'offrir, dans les différends opposant des intérêts à caractère privé, à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ».

Elle souligne que ce texte implique notamment à la charge du juge l'obligation de se livrer à un examen effectif des moyens, arguments et offres de preuve des parties, sauf à en apprécier la pertinence pour la décision à rendre (CEDH, arrêt du 13 mai 2008, N.N. et T.A. c. Belgique, req. n° 65087/01).

En matière pénale, la Cour de cassation considère qu'aucune disposition légale ne permet au juge répressif d'écarter les moyens de preuve produits par des particuliers au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale (v. notamment, Crim. 11 juin 2002, n° 01-85.559, publié au Bulletin), le principe de loyauté de la preuve s'imposant, en revanche, aux agents de l'autorité publique (Ass. plén., 10 novembre 2017, n° 17-82.028, publié au Bulletin).

...

Aussi, il y a lieu de considérer désormais que, dans un procès civil, l'illicéité ou la déloyauté dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l'écarter des débats.

Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

Des transcriptions d'enregistrements clandestins d'entretiens obtenues par un procédé déloyal, ne peuvent donc être écartées des débats sans qu'il ait été procédé au contrôle de proportionnalité précité.

Rappelons qu'il avait été précédemment jugé, en matière civile, que l'enregistrement d'une communication téléphonique réalisé à l'insu de l'auteur des propos tenus constituait un procédé déloyal rendant irrecevable sa production à titre de preuve : Ass. plén. 7 janvier 2011, n° 09-14.316.

Péremption d'instance en appel

Aux termes de l'article 386 du code de procédure civile, l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.

Aux termes de l'article 2 du même code, les parties conduisent l'instance sous les charges qui leur incombent. Il leur appartient d'accomplir les actes de la procédure dans les formes et délais requis.

lorsque le conseiller de la mise en état n'a pas été en mesure de fixer, avant l'expiration du délai la péremption de l'instance, la date de la clôture ainsi que celle des plaidoiries, il ne saurait être imposé aux parties de solliciter la fixation de la date des débats à la seule fin d'interrompre le cours de la péremption.

Il résulte de la combinaison de ces textes, interprétés à la lumière de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'une fois que les parties ont accompli toutes les charges procédurales leur incombant, la péremption ne court plus à leur encontre, sauf si le conseiller de la mise en état fixe un calendrier ou leur enjoint d'accomplir une diligence particulière.




LEGISLATION





DOCTRINE