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Jean-François CARLOT - Docteur en Droit - Avocat Honoraire

CONTENTIEUX du RISQUE, de la RESPONSABILITE et de l'ASSURANCE

Jurisprudence 1er Sem. 2025
VEILLE JURISPRUDENTIELLE du 2e Semestre 2025
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RESPONSABILITES

Point de départ de l'action récursoire de la CPAM en cas de faute inexcusable de l'employeur

En l'absence de texte spécifique, l'action récursoire que la caisse primaire d'assurance maladie exerce à l'encontre de l'employeur, auteur d'une faute inexcusable, aux fins de récupération des indemnités versées à la victime, se prescrit par cinq ans conformément à l'article 2224 du code civil.

La caisse, qui, en application de l'article L. 452-4 du code de la sécurité sociale, doit être appelée en déclaration de jugement commun, a connaissance, dès que lui est notifié l'acte introductif de l'instance en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, des faits lui permettant d'agir contre ce dernier en remboursement des sommes avancées.

Il en résulte que le point de départ du délai de prescription de l'action récursoire de la caisse à l'encontre de l'employeur doit être fixé au jour de la notification à la caisse de l'acte introductif d'instance.

Indemnisation de la perte de chance : Décisions de principe

Aux termes de l'article 4 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

Selon l'article 5 du même code, le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé.

Il résulte de l'actuel article 1231-1 du code civil que caractérise une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable.

La reconnaissance d'une perte de chance permet de réparer une part de l'entier dommage, déterminée à hauteur de la chance perdue, lorsque ce dommage n'est pas juridiquement réparable. Le préjudice ainsi réparé, bien que distinct de l'entier dommage, en demeure dépendant.

Il résulte de l'article 4 du code civil que le juge ne peut refuser de réparer un dommage dont il a constaté l'existence en son principe.

Il s'en déduit que :

  • le juge peut, sans méconnaître l'objet du litige, rechercher l'existence d'une perte de chance d'éviter le dommage alors que lui était demandée la réparation de l'entier préjudice ;
  • le juge ne peut refuser d'indemniser une perte de chance de ne pas subir un dommage, dont il constate l'existence, en se fondant sur le fait que seule une réparation intégrale de ce dommage lui a été demandée.
  • Il incombe alors au juge d'inviter les parties à présenter leurs observations quant à l'existence d'une perte de chance.

Pour rejeter la demande indemnitaire d'une société, un arrêt relève que le préjudice qui résulte du manquement d'un avocat se limite à la perte de chance de ne pas avoir eu la possibilité de faire un choix éclairé sur la levée ou non d'une clause de non-concurrence, alors que sa cliente ne demandait pas la réparation d'un tel préjudice.

De même pour rejeter la demande de réparation du préjudice financier et de la perte d'exploitation d'un acquéreur, un arrêt retient que ce préjudice s'analyse en une perte de chance, le manquement d'un notaire l'ayant privé de la possibilité de renoncer à l'acquisition du lot immobilier ou d'acquérir celui-ci à des conditions différentes, mais qu'aucune demande n'a été formée sur ce fondement juridique...

En statuant ainsi dans ces deux hypothèses, la cour d'appel, qui a refusé d'indemniser un préjudice dont elle a constaté l'existence, a violé les textes susvisés.



ASSURANCES


Le calcul de la réduction proportionnelle de taux de prime s'impose au juge

Il résulte de l'article L. 113-9, alinéa 3, du code des assurances que lorsque le risque assuré n'a pas été exactement et complètement déclaré, il appartient au juge, saisi par l'assureur d'une demande de réduction proportionnelle d'indemnité, d'en déterminer le montant, le cas échéant après avoir invité les parties à fournir toute explication utile sur le taux des primes qui auraient été dues, si les risques avaient été complètement et exactement déclarés

.

Le juge ne saurait donc débouter l'assureur de sa demande au seul motif qu'il n'aurait pas été mise en mesure de calculer la réduction proportionnelle sollicitée.

Absence de déclaration d'aggravation de risque et intention de tromper l'assureur

Selon l'article L.113-2 du Code des assurances, l'assuré est obligé de déclarer, en cours de contrat, les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence soit d'aggraver les risques, soit d'en créer de nouveaux et rendent de ce fait inexactes ou caduques les réponses faites à l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque.

Aux termes de l'article L. 113-8, le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre.

Pour prononcer la nullité du contrat d'assurance, il appartient au juge de rechercher si, par cette déclaration inexacte, l'assurée avait eu l'intention de tromper l'assureur sur la nature du risque, et il ne lui suffit donc pas de retenir qu'il a fait preuve de réticence en n'informant pas son assureur de sa cessation d'activité et que cette réticence a changé l'objet du risque.

Preuve du plafond de garantie

Selon l'article 1353, du code civi, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

L'assureur qui ne conteste pas le principe de sa garantie mais soutient qu'elle se trouverait limitée à un plafond contractuel doit produire les conditions générales et particulières de la police d'assurance souscrite par l'assuré, même si nul ne conteste le principe de l'opposabilité du plafond d'assurance au tiers et à la victime.

En effet, la charge de la preuve du plafond de garantie incombe à l'assureur

Inopposabilité au tiers lésé d'une clause de limitation de garantie non signée par l'assuré

Il est de principe que le tiers lésé, qui exerce l'action directe, peut contester la validité d'une exception de garantie opposée par l'assureur même en l'absence de contestation de l'assuré (Cass., 3ème Civ., 4 mars 2021, n° 19-23.033).

L'assureur doit rapporter la preuve du caractère contractuel des limites et franchises dont il se prévaut pour limiter sa garantie.

Dès lors que le contrat produit par l'assureur n'est pas signé de son assuré, elle ne peut les opposer au tiers lésé, et ce même si l'attestation d'assurance, document non contractuel, mentionne l'existence de plafonds de garantie et franchises.

Garanties pertes d'exploitation "en inclusion" et fermeture administrative

Les conditions générales d'une police d'assurance incluent dans la garantie " la perte d’exploitation due à la fermeture de l’établissement sur décision administrative dans les seuls cas suivants : assassinat ou suicide dans l’établissement ; maladies, infections contagieuses ; intoxications alimentaires ; présence d’animaux ou insectes nuisibles ; insuffisance sanitaire".

Une telle clause ne conditionne pas la garantie des pertes d’exploitation à l’existence d’un lien de causalité entre l’activité assurée et la survenance de la maladie ou de l’infection contagieuse motivant la fermeture administrative de l’établissement.

Dans la mesure où l’interdiction par arrêté de la location à titre touristique de chambres d’hôtels a été décidée par le préfet en raison du risque particulier de propagation du virus que présentait cette catégorie d’établissements, elle constitue une fermeture de l’établissement assuré sur décision administrative en cas de maladies ou d’infections contagieuses au sens du contrat.



Les conditions générales du contrat d'assurance souscrit par l'assurée stipulent que l'assureur garantit les pertes pécuniaires subies du fait de « l'interruption ou de la réduction » de l'activité de l'assuré résultant « d'une mesure d'interdiction d'accès émanant des autorités administratives ou judiciaires, prises à la suite d'un événement extérieur à [son] activité et aux locaux dans lesquels [il] l'exerce »

L'interdiction d'accès dans un restaurant, non définie par le contrat, doit se comprendre comme une défense absolue pour quiconque de pénétrer dans les locaux.

Sont donc garanties les pertes subies du fait de l'interruption ou de la réduction de l'activité de l'assuré résultant d'une mesure d'interdiction d'accès émanant des autorités administratives ou judiciaires, sans que soit exigée une impossibilité totale et matérielle d'accéder aux locaux du restaurateur, lequel n'était d'ailleurs pas obligé de faire de la vente à emporter.



PROCEDURE


Assignation de l'entrepreneur interruptive de prescription à l'égard du fournisseur

Selon l'article 2241 du code civil, une demande en justice, même en référé, interrompt les délais de prescription et de forclusion.

L'assignation aux fins de voir rendre opposable à une partie le jugement rendu à l'encontre d'une autre a pour effet de permettre, d'une part, à la partie appelée en déclaration de jugement opposable de faire valoir des observations en défense, d'autre part, au demandeur à l'action d'invoquer directement à l'encontre de cette partie l'autorité de la chose jugée de la décision qui sera rendue.

Aussi, une telle assignation constitue-t-elle une demande en justice interruptive de prescription au sens du texte précité.

L'assignation délivrée par l'entrepreneur, tendant à voir déclarer opposable au fournisseur un jugement statuant sur des demandes dirigées contre le fabricant, interrompt donc le délai de prescription à l'égard de ce fournisseur.

Compétence territoriale du Juge des Référés (expertise)

Selon l’article 145 du Code de procédure civile : S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Il a été jugé qu’il résultait des articles 42, 46, 145 du code de procédure civile que le juge territorialement compétent était le président du tribunal susceptible de connaître de l'instance au fond ou celui du tribunal dans le ressort duquel les mesures d'instruction in futurum sollicitées doivent, même partiellement, être exécutées. (Civ. 2e, 2 juill. 2020, n° 19-21.012, publié au Bulletin).

Le décret 2025-619 du 8 juillet 2025 portant diverses mesures de simplification de la procédure civile, a consacré cette solution en complétant l’article 145 par les deux alinéas suivants applicables à compter du 1er Septembre 2025 :

« La juridiction territorialement compétente pour statuer sur une demande formée en application du premier alinéa est, au choix du demandeur, celle susceptible de connaître de l’affaire au fond ou, s’il y a lieu, celle dans le ressort de laquelle la mesure d’instruction doit être exécutée.

« Par dérogation au deuxième alinéa, lorsque la mesure d’instruction porte sur un immeuble, la juridiction du lieu où est situé l’immeuble est seule compétente. »"

Cette solution laisse une option de compétence assez large au demandeur qui peut donc assigner au lieu du domicile de n’importe lequel des défendeurs, ou du lieu des investigations à mener, notamment en cas de sinistres sériels.

Ainsi, il reste possible de saisir le président d’un tribunal parisien dès lors que l’assureur de la responsabilité civile du responsable potentiel d’un sinistre est domicilié à Paris et est donc susceptible d’être mis en cause dans une procédure d’expertise pouvant donner lieu à une procédure au fond.

Ceci explique l’ « encombrement » de certaines juridictions qui, au surplus, ont la charge de veiller au contrôle d’opérations d’expertise pouvant s’exécuter en n’importe quel point.




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