
RESPONSABILITES
Point de départ de l'action récursoire de la CPAM en cas de faute inexcusable de l'employeur
En l'absence de texte spécifique, l'action récursoire que la caisse primaire d'assurance maladie exerce à l'encontre de l'employeur, auteur d'une faute inexcusable, aux fins de récupération des indemnités versées à la victime, se prescrit par cinq ans conformément à l'article 2224 du code civil.
La caisse, qui, en application de l'article L. 452-4 du code de la sécurité sociale, doit être appelée en déclaration de jugement commun, a connaissance, dès que lui est notifié l'acte introductif de l'instance en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, des faits lui permettant d'agir contre ce dernier en remboursement des sommes avancées.
Civ. 2e, 4 septembre 2025, 23-10.926, publié au bulletin
Indemnisation de la perte de chance : Décisions de principe 
Aux termes de l'article 4 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
Selon l'article 5 du même code, le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé.
La reconnaissance d'une perte de chance permet de réparer une part de l'entier dommage, déterminée à hauteur de la chance perdue, lorsque ce dommage n'est pas juridiquement réparable. Le préjudice ainsi réparé, bien que distinct de l'entier dommage, en demeure dépendant.
Il s'en déduit que :
- le juge peut, sans méconnaître l'objet du litige, rechercher l'existence d'une perte de chance d'éviter le dommage alors que lui était demandée la réparation de l'entier préjudice ;
- le juge ne peut refuser d'indemniser une perte de chance de ne pas subir un dommage, dont il constate l'existence, en se fondant sur le fait que seule une réparation intégrale de ce dommage lui a été demandée.
- Il incombe alors au juge d'inviter les parties à présenter leurs observations quant à l'existence d'une perte de chance.
Pour rejeter la demande indemnitaire d'une société, un arrêt relève que le préjudice qui résulte du manquement d'un avocat se limite à la perte de chance de ne pas avoir eu la possibilité de faire un choix éclairé sur la levée ou non d'une clause de non-concurrence, alors que sa cliente ne demandait pas la réparation d'un tel préjudice.
De même pour rejeter la demande de réparation du préjudice financier et de la perte d'exploitation d'un acquéreur, un arrêt retient que ce préjudice s'analyse en une perte de chance, le manquement d'un notaire l'ayant privé de la possibilité de renoncer à l'acquisition du lot immobilier ou d'acquérir celui-ci à des conditions différentes, mais qu'aucune demande n'a été formée sur ce fondement juridique...
En statuant ainsi dans ces deux hypothèses, la cour d'appel, qui a refusé d'indemniser un préjudice dont elle a constaté l'existence, a violé les textes susvisés.
Ass. Plén., 27 juin 2025, 22-21.812 (RC avocat) et 22-21.146 (RC notaire), publiés au Bulletin et au Rapport
ASSURANCES
Le calcul de la réduction proportionnelle de taux de prime s'impose au juge
Il résulte de l'article L. 113-9, alinéa 3, du code des assurances que lorsque le risque assuré n'a pas été exactement et complètement déclaré, il appartient au juge, saisi par l'assureur d'une demande de réduction proportionnelle d'indemnité, d'en déterminer le montant, le cas échéant après avoir invité les parties à fournir toute explication utile sur le taux des primes qui auraient été dues, si les risques avaient été complètement et exactement déclarés
.Civ. 3e, 10 juillet 2025, 23-20.239 ; bjda.fr 2025, n° 100, note A. Astegiano-La Rizza ; RGDA sept. 2025, n° RGA202k9, p.25 note Jérôme Kullmann
Absence de déclaration d'aggravation de risque et intention de tromper l'assureur
Selon l'article L.113-2 du Code des assurances, l'assuré est obligé de déclarer, en cours de contrat, les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence soit d'aggraver les risques, soit d'en créer de nouveaux et rendent de ce fait inexactes ou caduques les réponses faites à l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque.
Aux termes de l'article L. 113-8, le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre.
Civ. 2e, 19 juin 2025, 23-23.634 ; BJDA, n°100, note Sabine Abravanel-Jolly
Preuve du plafond de garantie
Selon l'article 1353, du code civi, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
En effet, la charge de la preuve du plafond de garantie incombe à l'assureur
Civ. 2e, 10 juillet 2025, 23-17.278 23-17.587 ; bjda.fr 2025, n° 100, note B. Neraudau et F. Barakat
Inopposabilité au tiers lésé d'une clause de limitation de garantie non signée par l'assuré
Il est de principe que le tiers lésé, qui exerce l'action directe, peut contester la validité d'une exception de garantie opposée par l'assureur même en l'absence de contestation de l'assuré (Cass., 3ème Civ., 4 mars 2021, n° 19-23.033).
L'assureur doit rapporter la preuve du caractère contractuel des limites et franchises dont il se prévaut pour limiter sa garantie.
CA Paris, Pole 4, Ch. 6, 20 juin 2025, 22/10205 - Civ. 3e, 13 février 2020, 19-11.272
Garanties pertes d'exploitation "en inclusion" et fermeture administrative
Les conditions générales d'une police d'assurance incluent dans la garantie " la perte d’exploitation due à la fermeture de l’établissement sur décision administrative dans les seuls cas suivants : assassinat ou suicide dans l’établissement ; maladies, infections contagieuses ; intoxications alimentaires ; présence d’animaux ou insectes nuisibles ; insuffisance sanitaire".
Une telle clause ne conditionne pas la garantie des pertes d’exploitation à l’existence d’un lien de causalité entre l’activité assurée et la survenance de la maladie ou de l’infection contagieuse motivant la fermeture administrative de l’établissement.
Civ. 2e, 13 mars 2025, 23-20.289, publié au Bulletin ; RGDA mai 2025, n° RGA202h6, p.32, note Luc Mayaux ; bjda.fr 2025, n° 98, note L. Perdrix.
Les conditions générales du contrat d'assurance souscrit par l'assurée stipulent que l'assureur garantit les pertes pécuniaires subies du fait de « l'interruption ou de la réduction » de l'activité de l'assuré résultant « d'une mesure d'interdiction d'accès émanant des autorités administratives ou judiciaires, prises à la suite d'un événement extérieur à [son] activité et aux locaux dans lesquels [il] l'exerce »
L'interdiction d'accès dans un restaurant, non définie par le contrat, doit se comprendre comme une défense absolue pour quiconque de pénétrer dans les locaux.
Sont donc garanties les pertes subies du fait de l'interruption ou de la réduction de l'activité de l'assuré résultant d'une mesure d'interdiction d'accès émanant des autorités administratives ou judiciaires, sans que soit exigée une impossibilité totale et matérielle d'accéder aux locaux du restaurateur, lequel n'était d'ailleurs pas obligé de faire de la vente à emporter.
Civ. 2e, 28 mai 2025, 24-11.006 et 23-20.093, publiés au Bulletin ; bjda.fr 2025, n° 99, note L. Lefebvre et S. Bauhardt.
PROCEDURE
Assignation de l'entrepreneur interruptive de prescription à l'égard du fournisseur
Selon l'article 2241 du code civil, une demande en justice, même en référé, interrompt les délais de prescription et de forclusion.
L'assignation aux fins de voir rendre opposable à une partie le jugement rendu à l'encontre d'une autre a pour effet de permettre, d'une part, à la partie appelée en déclaration de jugement opposable de faire valoir des observations en défense, d'autre part, au demandeur à l'action d'invoquer directement à l'encontre de cette partie l'autorité de la chose jugée de la décision qui sera rendue.
Aussi, une telle assignation constitue-t-elle une demande en justice interruptive de prescription au sens du texte précité.
Civ. 3e, 26 juin 2025, n° 23-20.274, publié au Bulletin ; RGDA sept. 2025, n° RGA202l2, p. 20, note Luc Mayaux
Compétence territoriale du Juge des Référés (expertise)
Selon l’article 145 du Code de procédure civile : S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
Il a été jugé qu’il résultait des articles 42, 46, 145 du code de procédure civile que le juge territorialement compétent était le président du tribunal susceptible de connaître de l'instance au fond ou celui du tribunal dans le ressort duquel les mesures d'instruction in futurum sollicitées doivent, même partiellement, être exécutées. (Civ. 2e, 2 juill. 2020, n° 19-21.012, publié au Bulletin).
Le décret 2025-619 du 8 juillet 2025 portant diverses mesures de simplification de la procédure civile, a consacré cette solution en complétant l’article 145 par les deux alinéas suivants applicables à compter du 1er Septembre 2025 :
Cette solution laisse une option de compétence assez large au demandeur qui peut donc assigner au lieu du domicile de n’importe lequel des défendeurs, ou du lieu des investigations à mener, notamment en cas de sinistres sériels.
Ainsi, il reste possible de saisir le président d’un tribunal parisien dès lors que l’assureur de la responsabilité civile du responsable potentiel d’un sinistre est domicilié à Paris et est donc susceptible d’être mis en cause dans une procédure d’expertise pouvant donner lieu à une procédure au fond.
Ceci explique l’ « encombrement » de certaines juridictions qui, au surplus, ont la charge de veiller au contrôle d’opérations d’expertise pouvant s’exécuter en n’importe quel point.
LEGISLATION
- Décret 2025-619 du 8 juillet 2025 portant diverses mesures de simplification de la procédure civile
- Décret n° 2025-660 du 18 juillet 2025 portant réforme de l'instruction conventionnelle et recodification des modes amiables de résolution des différends
- LOI n° 2025-391 du 30 avril 2025 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes.
DOCTRINE - PUBLICATIONS
- Sabine Abravanel-Joly : " Manuel de Droit des assurances ", Editions Lexis-Nexis, 08.2025
- Axelle Astegiano-La Rizza : "Risques de responsabilité et assurances des entreprises" , Ed. L'Argus de l'assurance, 2025
- Jean-François Carlot : "Contentieux de l’assurance :