Responsabilité de l'avocat pour défaut de conseil
Il résulte de l'ancien article 1147 du Code civil (actuel 1131-1)que l'avocat, investi d'un devoir d'information et de conseil est tenu de recueillir de sa propre initiative auprès de ses clients l'ensemble des éléments d'information et les documents propres à lui permettre d'assurer, au mieux, la défense de leurs intérêts.
Un arrêt devenu irrévocable, a rejeté la demande en revendication du client d'un avocat portant sur la propriété de parcelles par l'effet de la prescription acquisitive aux motifs, notamment, que son client avait proposé le rachat du terrain concerné et reconnu ainsi avoir conscience qu'il s'agissait d'une parcelle appartenant à autrui, et était équivoque.
Il appartenait donc à l'avocat du revendiquant de poser "les bonnes" questions à son client ou solliciter de lui la production de pièces, allant dans le sens de sa revendication, et de recueillir tous les éléments concernant les terrains en cause, avant de conseiller de formuler imprudemment une offre de rachat.
Civ. 1ère, 26 juin 2024, 23-15.03 - Rappelons que l'avocat est tenu à des obligations de compétence, de diligence et surtout de prudence (Art. 1.3 RIN). En l'espèce, il s'agit également d'une erreur "stratégique" : le fait de formuler une offre d'achat sur un terrain qu'on prétend avoir acquis par prescription...
Responsabilité de l'avocat pour avis sur les chances de succès d'un recours
Il appartient à l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation de faire preuve à l'égard de son client de compétence, de dévouement, de diligence et de prudence. S'il est libre de choisir, dans l'intérêt de son client, les moyens susceptibles d'être soumis à la juridiction, il doit, dans tous les cas, lui donner son avis sur les chances de succès d'un recours qu'il est chargé d'instruire.
Lorsqu'il délivre une telle consultation, l'avocat doit fournir à son client, en conscience, son appréciation sur les chances de ce recours. C'est au client qu'il appartient, au vu notamment de ce conseil, de décider d'entreprendre ou de poursuivre son action ou, au contraire, d'y renoncer.
Pour apprécier si l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation a commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité professionnelle à l'égard de son client, il y a lieu d'apprécier si l'avocat a normalement accompli, avec les diligences suffisantes, les devoirs de sa charge, à la condition que son client l'ait mis en mesure de le faire.
Si sa responsabilité est recherchée à raison d'une consultation donnée sur les chances de succès d'un recours, cette responsabilité n'est susceptible d'être engagée que si l'avocat a failli aux devoirs de sa charge en dissuadant son client d'entreprendre ou de poursuivre une action qui avait des chances manifestes d'aboutir.
CE, 6ème - 5ème chambres réunies, 20/12/2024, 488061, Publié au Lebon
Si cette décision a été rendue par la juridiction administrative dans une affaire concernant la responsabilité d'un avocat aux Conseils, une telle solution paraît également applicable à la responsabilité d'un avocat "normal" par la juridiction judiciaire.
Tenu d'une obligation de conseil, l'avocat doit dans tous les cas donner son avis sur les chances d'intenter un recours, l'avocat aux Conseils ayant plus particulièrement à donner un avis pertinent sur l'opportunité de former un pourvoi.
La faute de l'avocat ne peut être retenue que si celui-ci a dissuadé - à tort - son client d'entreprendre ou de poursuivre une action qui avait des chances manifestes d'aboutir, et l'appréciation d'une telle chance appartient, bien entendu, à la juridiction amenée à statuer sur la responsabilité de l'avocat.
Cette solution repose d'abord sur l'obligation de compétence, et aussi de prudence qui font partie des principes essentiels de la profession d'avocat.
L'appréciation d'une chance est souvent hasardeuse et délicate, dans la mesure où il existe toujours un "aléa" judiciaire. En l'espèce, le CE prend soin de préciser que la faute n'est constituée que si l'action avait des chances "manifestes" d'aboutir, telle qu'une "grossière" erreur de droit, sachant qu'une question de fait relève le plus souvent de l'appréciation souveraine du juge du fond...
Il sera souvent "prudent" pour un avocat de requérir l'avis d'un autre Confrère, ou spécialisé en matière de procédure d'appel, ou plus certainement d'un avocat aux Conseils, avant de conseiller son client sur l'opportunité de former un pourvoi.
Point de départ de la prescription de l'action contre un avocat
Le point de départ de la prescription de l'action contre un avocat est de 5 ans :
- à compter de la fin de sa mission de représentation ou d'assistance de son client en justice, y compris à raison de la perte ou de la destruction des pièces qui leur ont été confiées (C. Civ. 2225.
Toutefois, ce texte dérogatoire, ne concerne que l'action en responsabilité au titre de manquements qui relèvent de la mission de représentation et d'assistance en justice et non l'action au titre de faits étrangers à celle-ci.
- dans les autres cas, à compter du jour où le client a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer (C. civ. 2224)
Dans la mesure où certains des manquements invoqués contre l'avocat, notamment les démarches entreprises au nom du client, sans instructions de sa part, pour négocier des contrats et obtenir le versement de commissions, ne relevaient pas de la mission de représentation et d'assistance en justice, seule la prescription de droit commun est applicable.
A noter que le Conseil Constitutionnel a admis que l’action en responsabilité contre un avocat puisse être soumise à un régime de prescription différent selon la nature de la mission à l’occasion de laquelle la faute aurait été commise (Décision n° 2023-1061 QPC du 28 septembre 2023)
Civ. 1ère, 25 juin 2025, 24-11.562 - Selon un revirement de jurisprudence, le délai de l’action en responsabilité du client contre l’avocat, au titre des fautes commises dans l’exercice de la mission, court à compter de l’expiration du délai de recours contre la décision ayant terminée l’instance pour laquelle il avait reçu mandat de représenter et d’assister son client, à moins que les relations entre le client et son avocat n’aient cessé avant cette date. Il ne court donc plus à compter du prononcé de la décision de justice. A noter également que la saisine du Conseil de l’Ordre de l’un Barreaux français n’interrompt pas la prescription de l’action en responsabilité civile professionnelle à l’encontre d'un avocat. Civ. 1ère, 14 juin 2023, n° 22-17.520, publié au Bulletin ; DA 19 juin 2023, note C. Hélaine
Responsabilité de l'Etat pour faute dans l'activité des instances disciplinaires des avocats
Aux termes de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire, l'État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice.
Cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice.
Ces dispositions sont applicables à la réparation d'un préjudice causé par l'activité des instances disciplinaires de l'ordre des avocats dont les décisions sont susceptibles d'un recours devant la juridiction judiciaire et sont exclusives d'une action indemnitaire contre l'ordre des avocats.
Dès lors qu'elle a retenu que sont invoquées des fautes commises à l'occasion de la procédure disciplinaire dont un avocat avait fait l'objet, le conseil de l'ordre n'avait pas qualité à défendre au titre d'une action relevant de la mise en oeuvre de la responsabilité du fait de l'Etat.
Civ. 1ère, 29 janvier 2025, 23-19.857
Etendue de la responsabilité du courtier d'assurance
Une police d'assurance responsabilité civile après livraison a été souscrite par une entreprise par l'intermédiaire d'un courtier.
Dans les conventions spéciales « responsabilité civile » figurait en gras un paragraphe intitulé « limites géographiques de la garantie », à l'intérieur duquel il était précisé, en gras également, que la garantie ne pourra s'exercer aux Etats-Unis ou au Canada, pour les produits dont l'assuré a la connaissance formelle qu'ils sont destinés à être distribués dans ces pays, qu'à condition que l'assuré ait déclaré à l'assureur le montant chiffré de ces exportations et que l'assureur ait notifié son accord de garantir, moyennant des conditions spécifiques, ce risque.
L'assureur a refusé de garantir la responsabilité civile de l'assuré pour des dommages causés par des produits livrés dans la zone géographique précisée.
L'assuré a donc recherché la responsabilité civile du courtier pour avoir commis un manquement dans son obligation de conseil, en ne rapportant pas la preuve d'avoir satisfait à son devoir de mise en garde quant à l'étendue de la garantie offerte par le contrat d'assurance projeté, en soutenant qu'il appartenait au courtier, tenu d'un devoir de conseil sur les caractéristiques des produits d'assurance qu'il propose et sur leur adéquation avec la situation personnelle et les attentes de ses clients, d'administrer la preuve qu'il s'est acquitté de ses obligations préalablement à la signature du contrat.
Toutefois, dans la mesure où il était établi que le courtier n'avait pas été informé par l'assurée qu'une partie de son activité pouvait être réalisée avec des clients dans la zone géographique exclue et, d'autre part, que la clause contractuelle limitant la garantie était suffisamment claire et apparente dans le contrat proposé par le courtier pour que l'assuré, en sa qualité de professionnel, ait pu en prendre pleine connaissance et en comprendre la portée avant d'accepter cette proposition, la cour d'appel a pu, sans inverser la charge de la preuve, retenir que le courtier justifiait ne pas avoir manqué à son devoir de conseil.
Com.,19 mars 2025, 23-16.193 - CA Bordeaux, 22/02829, 25 févr. 2025 ; LEDA avril 2025, n° DAS202n4, p. 7, note Morgane Hanvic ; RGDA mai 2025, n° RGA202h9, p. 37, note Bélinda Waltz-Teracol.
Responsabilité de l'expert judiciaire et perte de chance
1.
En application de l'article 2224 du code civil, lorsque l'action principale en responsabilité tend à l'indemnisation du préjudice subi par le demandeur, né de la reconnaissance d'un droit contesté au profit d'un tiers, seule la décision juridictionnelle devenue irrévocable établissant ce droit met l'intéressé en mesure d'exercer l'action en réparation du préjudice qui en résulte
.
Il s'en déduit que cette décision constitue le point de départ de la prescription (Mixte, 19 juillet 2024, 20-23.527, publié au Bulletin)
En conséquence, le délai de l'action en responsabilité et indemnisation engagée contre un expert et des assureurs ne court qu'à compter de la date du rejet du pourvoi en cassation formé contre l'arrêt devenu irrévocable.
2.
L'expert judiciaire engage sa responsabilité à raison des fautes commises dans l'accomplissement de sa mission, conformément aux règles de droit commun de la responsabilité civile.
Dès lors qu'une juridiction saisie de l'action en garantie décennale a rejeté une demande en l'absence de preuve d'un dommage portant atteinte à la solidité de l'ouvrage ou le rendant impropre à sa destination dans le délai de dix ans et retenu que cette situation résultait pour partie du caractère hypothétique et imprécis des conclusions de l'expert, non étayées par des investigations sur la cause des désordres, cet expert commet une faute ayant fait perdre une chance d'obtenir gain de cause en justice, qui en l'espèce, a été souverainement évaluée à 40%.
De plus, l'action en responsabilité contre un expert judiciaire, auteur d'une expertise erronée, débute seulement à partir du jour où la décision rejetant les prétentions de la victime devient irrévocable.
Civ. 1ère, 19 mars 2025, 23-17.696 ; LEDA juin 2025, n° DAS202p6, p.3, note Hamza Akli et Luc Bigel ; RC et ass., Juin 2025, comm.118, note L. Bloch - Voir sur le site de Persea.
Responsabilité de l'expert d'assurance
L'expert missionné par un assureur dommages-ouvrage répond des fautes commises dans l'exécution de sa mission.
Le tiers au contrat liant l'assureur à l'expert peut obtenir réparation du préjudice résultant pour lui d'un tel manquement.
Un expert d'assurance qui avait pour mission de déterminer et d'évaluer les travaux nécessaires pour mettre fin aux désordres portant atteinte à la solidité d'un ouvrage, a, en l'espèce commis deux erreurs de diagnostic et de préconisation successives, d'une part en ne décelant pas le défaut d'assemblage de panneaux préfabriqués mis en oeuvre par le constructeur d'origine, en l'absence de consultation d'un bureau d'études techniques 'structures', et d'autre part en préconisant, conformément à un devis, un traitement seulement partiel du sol d'assise de la construction.
Le préjudice subi par le maître de l'ouvrage ne peut s'analyser en une perte de chance, alors qu'il est certain que si l'expert dommages-ouvrage avait initialement préconisé les travaux nécessaires pour mettre fin aux désordres, tant en ce qui concerne les assemblages des panneaux préfabriqués qu'en ce qui concerne le traitement par injection, ceux-ci auraient été financés par l'assureur dommages-ouvrage, qui ne contestait pas sa garantie.
De plus, le préjudice consécutif au retard de réalisation des travaux nécessaires est de même imputable à l'erreur de diagnostic de l'expert.
CA Toulouse, Ch. 1, 28 mai 2025, RG n° 23/01322
Responsabilité de plein droit de l'agence de voyage
Selon l'article L. 211-16 du code du tourisme, l'agence de voyage est responsable de plein droit à l'égard de l'acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ces obligations soient à exécuter par elle-même ou par d'autres prestataires de services et elle ne peut s'exonérer de tout ou partie de sa responsabilité qu'en apportant la preuve que le dommage est imputable soit au voyageur, soit à un tiers étranger à la fourniture des services de voyage compris dans le contrat, soit à des circonstances exceptionnelles et inévitables.
Il appartient à l'agence de voyage d'apporter la preuve d'une cause exonératoire de responsabilité.
Civ. 1ère, 8 janvier 2025, 23-19.583 ; bjda.fr 2025, n° 97, note A. Trescases.
la garantie conférée aux voyageurs contre l’insolvabilité de l’organisateur de voyages à forfait s’applique lorsqu’un voyageur résilie son contrat de voyage à forfait en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables, que, après cette résiliation, cet organisateur de voyages devient insolvable et que ce voyageur n’a pas bénéficié, avant la survenance de cette insolvabilité, d’un remboursement intégral des paiements effectués auquel il a droit..
CJUE, no C‑771/22C‑45/23, 29 juill. 2024 ; RDC mars 2025, n° RDC202i8, p. 76, note Jean-Denis Pellier
Virements frauduleux et absence de responsabilité du banquier
Selon le code monétaire et financier une banque a l’obligation de rembourser ses clients victimes d’escroquerie (CMF, art. L 133-18).
Mais, si le client a commis une négligence grave qui l’a conduit à se faire escroquer, l’obligation de remboursement qui pèse sur la banque est levée (CMF, art L.133-19).
La Cour de cassation juge que la négligence grave du client libère la banque de tout partage de responsabilité.
En l'espèce, la négligence de la société a été caractérisée par le fait qu'elle avait ouvert un courriel comportant un cheval de Troie, lequel avait infecté son ordinateur de comptabilité et permis des virements frauduleux.
Aucune faute ne pouvait donc être reprochée à la Banque
Com. 15 janvier 2025, 23-13.579
Selon le code monétaire et financier, une banque qui exécute un virement en se basant sur un identifiant (RIB/IBAN) fourni par son client ne peut être tenue responsable de l’opération de paiement lorsque l’identifiant n’oriente pas le transfert de fonds vers le bénéficiaire souhaité (art. L 133-21).
La Cour de cassation juge en conséquence que ces dispositions excluent tout partage de responsabilité entre la banque et son client.
En l'espèce, l’origine de l’IBAN dont disposait le client (un piratage informatique), comme le fait que la banque n’ait pas relevé les anomalies que laissait apparaître l’identifiant, ne sont pas des circonstances envisagées par le code monétaire et financier comme ouvrant la possibilité d’un partage de responsabilité.
Dès lors, il ne peut y avoir remboursement, même, partiel du client par la banque.
Com., 15 janvier 2025, 23-15.437 - Voir le communiqué de la Cour de Cassation.
Une société dont le comptable, après avoir été trompé par de faux courriers électroniques au nom du dirigeant de celle-ci, avait adressé à sa banque quatre ordres de virement au profit d'une société étrangère sur un compte ouvert dans une banque hongroise, n'est pas fondée à reprocher à sa banque d'avoir manqué à son devoir de vigilance dès lors que le montant de ces virements restait dans la limite des plafonds quotidiens convenus et demeurait couvert par le solde créditeur du compte, et que la destination des virements était un compte détenu dans les livres d'une banque agréée dans un pays membre de l'Union européenne qui n'attirait pas spécialement l'attention en termes de sécurité, de sorte que ces opérations ne présentaient pas d'anomalies devant alerter la banque.
Com., 12 juin 2025, 24-10.168, publié au Bulletin
Après avoir retenu que les opérations de paiements avaient été autorisées, un arrêt en déduit à bon droit que si la responsabilité de la banque ne pouvait pas être recherchée sur le fondement des articles L. 133-18 et L. 133-23 du code monétaire et financier, elle pouvait l'être en cas de manquement à son obligation de vigilance.
Pour retenir la responsabilité de la banque, l'arrêt relève que les ordres de virement étaient affectés d'anomalies apparentes qui ne pouvaient qu'attirer son attention et en déduit qu'en s'abstenant de vérifier auprès du dirigeant de la société ou du directeur financier que ces ordres avaient bien été donnés avec l'accord de la société, elle avait manqué à son devoir de vigilance.
En se déterminant ainsi, sans rechercher comme elle y était invitée, si la banque n'avait pas satisfait à son devoir de vigilance en obtenant une confirmation de la part d'une personne habilitée à émettre des ordres de paiement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Com., 12 juin 2025, 24-13.697, publié au bulletin
Responsabilité médicale : inversion de la charge de la preuve
Il résulte des articles L. 1142-1, I, alinéa 1er, du code de la santé publique et 1353 du code civil que les professionnels de santé sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins en cas de faute et que la preuve d'une faute comme celle d'un lien causal avec le dommage invoqué incombe au demandeur.
Dans le cas d'une absence ou d'une insuffisance d'informations sur la prise en charge du patient, plaçant celui-ci ou ses ayants droit dans l'impossibilité de s'assurer que les actes de prévention, de diagnostic ou de soins réalisés ont été appropriés, il incombe alors au professionnel de santé d'en rapporter la preuve.
Pour rejeter les demandes de M. [E], après avoir relevé, en se fondant sur le rapport d'expertise, que la Société française d'arthroscopie (SFA) recommandait lors d'une arthroscopie de hanche de commencer l'intervention par une introduction d'air puis de sérum physiologique dans l'articulation afin de faciliter la distraction articulaire et la mise en place des dilatateurs articulaires, que cette introduction n'était pas retranscrite dans le compte-rendu opératoire mais que le chirurgien avait indiqué y recourir systématiquement, la cour d'appel a retenu que l'état séquellaire de M. [E], en lien direct avec la rupture de la broche pouvait avoir deux origines distinctes, soit sa constitution anatomique, étant de surcroît atteint d'arthose, soit un manquement du chirurgien qui n'aurait pas suivi la recommandation de la SFA, ce qui ne constituait qu'une hypothèse, non avérée, de sorte que le patient n'établissait pas l'existence d'une faute du chirurgien.
En statuant ainsi, alors que, en l'absence d'éléments permettant d'établir que la recommandation précitée avait été suivie, il appartenait au médecin d'apporter la preuve que les soins avaient été appropriés, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Civ. 1ère, 16 octobre 2024, 22-23.433, publié au bulletin ; RDC mars 2025, n° RDC202l3, p. 25, note Marie Dugué,
Cette décision va dans le sens d'une volonté constante d'élargissement du domaine de la responsabilité des professionnels. Après avoir affirmé qu'il a appartenait à ceux-ci de rapporter la preuve d'avoir donné une information sur les risques d'un acte médical, la Cour de Cassation demande au médecin "d'apporter la preuve que les soins avaient été appropriés", inversant ainsi la charge de la preuve, puisque le patient n'a même plus à rapporter la preuve d'une faute.
Dès lors, non seulement le médecin doit passer son temps de soin à informer son patient et à documenter ses actes, mais il doit être en mesure de justifier chacun de ceux-ci. Ainsi, le médecin n'est plus seulement responsable d'une faute ou d'un défaut d'information, mais doit toujours se préconstituer la preuve de ce que ses soins étaient appropriés.
Une telle jurisprudence ne sera donc pas sans incidence sur le montant des primes d'assurance des professionnels de santé qui devrait normalement être répercuté sur les usagers du système de soin.
Responsabilité du garagiste
Il résulte des actuels articles 1231-1 et 1353 du Code civil que, si la responsabilité du garagiste au titre des prestations qui lui sont confiées n'est engagée qu'en cas de faute, l'existence d'une faute et celle d'un lien causal entre la faute et ces désordres sont présumées dès lors que des désordres surviennent ou persistent après son intervention.
Civ.1ère, 16 octobre 2024, 23-11.712 23-23.249, publié au Bulletin) - Civ. 1ère, 11 mai 2022, 20-18.867, publié au Bulletin - Civ. 1ère, 11 mai 2022, 20-18.867, publié au Bulletin - Civ. 1ère, 11 mai 2022, 20-19.732, publié au Bulletin ; RTD Civ. 2022 p.631, note P. Jourdain ; JCP 2022, n° 637, obs. P. Oudot.
Il incombe, le cas échéant, au garagiste d'apporter la preuve que son intervention a été limitée à la demande de son client et qu'il l'a averti du caractère incomplet de cette intervention et de ses conséquences.
On ne saurait donc limiter la réparation à une perte de chance résultant d'un manquement du garagiste à son devoir d'information et de conseil et écarter sa responsabilité au titre de son intervention, au motif que le problème mécanique litigieux concernait le ralenti à froid et que l'intervention du garagiste ayant été limitée à la partie haute du moteur, l'existence d'une relation directe entre sa prestation et la défectuosité du moteur n'est pas démontrée.
Civ. 1ère, 25 juin 2025, n° 23-22.515 , publié au Bulletin
Il résulte de l'article 1231-1 du Code civil :
- d'une part,la responsabilité du garagiste au titre des prestations qui lui sont confiées est engagée en cas de faute,
- d'autre part, que caractérise une faute l'exécution par le garagiste d'une réparation non conforme aux règles de l'art, même à la demande de son client.
Ainsi, pour limiter la condamnation du garagiste à certaines sommes au titre d'un manquement à son obligation d'information et de conseil et écarter l'existence d'une faute du garagiste ayant procédé au renforcement du joint, un arrêt retient à tort qu'en exigeant la restitution de son véhicule alors qu'il avait été informé que le joint n'avait pu être remplacé, le client avait empêché le garagiste d'exécuter sa pleine prestation et l'avait contraint à faire une réparation temporaire non conforme aux règles de l'art, contribuant ainsi à son propre dommage.
Civ. 1ère, 25 juin 2025, 24-10.875, publié au Bulletin
Rappel : L'obligation de résultat à la charge du garagiste emporte « à la fois présomption de faute et présomption de causalité entre la prestation fournie et le dommage invoqué » (Civ.1ère, 2 février 1994, 91-18.764, publié au Bulletin).
Opposabilité de la résolution d'un contrat interdépendant
Selon l'article 1186, alinéas 2 et 3 du Code civil, lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie, la caducité n'intervenant toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble.
Aux termes de l'article 1224, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire, soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.
Selon l'article 1226, le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification, le débiteur pouvant à tout moment saisir le juge pour contester la résolution.
Il en résulte que la résolution par voie de notification est opposable à celui contre lequel est invoquée la caducité d'un contrat, par voie de conséquence de l'anéantissement préalable du contrat interdépendant, sans qu'il soit nécessaire de mettre en cause le cocontractant du contrat préalablement résolu.
Ainsi, une société ayant résilié unilatéralement un contrat de location de logiciel tant auprès du loueur que du fournisseur en invoquant un manquement grave de celui-ci à ses obligations, cette résiliation unilatérale entraîne par voie de conséquence la caducité du contrat de location financière conclu avec le loueur, sans qu'il y ait lieu de mettre en cause le fournisseur défaillant.
Com., 5 février 2025, 23-23.358 et 23-14.318, publié au Bulletin ; RDC mars 2025, n° RDC202j8, p.1, note Jean-Baptiste Seube ; RDC juin 2025, n° RDC202o7 , p. 21, note Léa Molina.
Inexécution contractuelle et préjudice indemnisable
L'exécution forcée en nature d'une obligation ne pouvant être ordonnée si elle est impossible, il résulte des articles 1103, 1217 et 1221 du code civil que, si la partie envers laquelle l'engagement contractuel n'a pas été exécuté peut poursuivre une exécution forcée en nature, une telle exécution, distincte d'une réparation en nature du préjudice résultant de l'inexécution contractuelle, ne peut porter que sur l'obligation prévue au contrat.
Il résulte des articles 1231-1 et 1240 du code civil que constitue un préjudice indemnisable l'anxiété résultant de l'exposition à un risque élevé de développer une pathologie grave.
Il résulte des articles 1217 la partie envers laquelle l'engagement a été imparfaitement exécuté peut notamment obtenir une réduction du prix.
Aux termes de l'article 1223 du code civil que "en cas d'exécution imparfaite de la prestation, le créancier peut, après mise en demeure et s'il n'a pas encore payé tout ou partie de la prestation, notifier dans les meilleurs délais au débiteur sa décision d'en réduire de manière proportionnelle le prix. L'acceptation par le débiteur de la décision de réduction de prix du créancier doit être rédigée par écrit.
Si le créancier a déjà payé, à défaut d'accord entre les parties, il peut demander au juge la réduction de prix ".
Un créancier qui peut faire usage d'une sanction unilatérale devant pouvoir demander au juge de prononcer cette sanction, une réduction du prix peut, en toute hypothèse, être demandée en justice, les conséquences préjudiciables d'un refus injustifié de payer le prix dû pouvant, le cas échéant, être réparées par l'octroi de dommages-intérêts.
Civ. 1ère, 18 décembre 2024, n° 24-14.750, publié au Bulletin ; publié au Rapport
Les intérêts de retard peuvent constituer un préjudice indemnisable
Il résulte des articles 1147 et 1149 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que le paiement des pénalités de retard mises à la charge d'un contribuable à la suite d'une rectification fiscale lui refusant le bénéfice de la réduction d'impôt escomptée d'une opération de défiscalisation ne constitue pas un préjudice indemnisable, sauf s'il est établi que, sans la faute des personnes en charge de cette opération dont la responsabilité est recherchée, ce contribuable n'aurait pas été exposé au paiement de ces pénalités.
En effet, les intérêts de retard attachés au redressement fiscal ne constituent pas un préjudice indemnisable dans la mesure où ils ne sanctionnent pas le non-paiement de l'impôt par le contribuable, mais compensent la perte subie par le Trésor public du fait de la perception de l'impôt, dont le montant est resté dans le patrimoine du contribuable et dont sa propre trésorerie a pu bénéficier jusqu'à la rectification et au paiement des sommes dues.
Toutefois, ces intérêts de retard peuvent constituer un préjudice indemnisable, dans la mesure où les fautes commises par le professionnel dans le montage de l'opération de défiscalisation et le suivi de son exécution, n'ont pas permis à l'investisseur d'échapper aux intérêts de retard mis à sa charge.
Civ., 23 janvier 2025, n° 22-24.418, 22-24.421, 22-24.422 ; LEDA mars 2025, n° DAS202l1, note Axelle Astegiano-La Rizza - A noter que les dispositions de l'article L. 124-1 du code des assurances consacrant la globalisation des sinistres ne sont pas applicables à la responsabilité encourue par un professionnel en cas de manquements à ses obligations d'information et de conseil, celles-ci, individualisées par nature, excluant l'existence d'une cause technique, au sens de ce texte, permettant de les assimiler à un fait dommageable unique 
Implication d'un véhicule et débordement du réservoir
Au sens de l'article 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, un véhicule terrestre à moteur est impliqué dans un accident de la circulation dès lors qu'il a joué un rôle quelconque dans sa réalisation.
Dès lors qu'il est constaté qu'un incendie est survenu du fait de la flaque d'essence qui s'était répandue sur le sol depuis les tuyaux de trop-plein de la motocyclette lors du remplissage de son réservoir, il résulte que ce véhicule, qui avait joué un rôle dans l'accident, était impliqué dans celui-ci.
Civ. 2e, 3 avril 2025, n° 23-19.534, publié au Bulletin ; RC et Ass., mai 2025, comm. 88, note S. Hocquet-Berg ;LEDA mai 2025, n° DAS202o3, p. 4, note Lionel Andreu ; RGDA juin 2025, n° RGA202i4, p.20 notz James Landel.
Garanties pertes d'exploitation "en inclusion" et fermeture administrative
Les conditions générales d'une police d'assurance incluent dans la garantie " la perte d’exploitation due à la fermeture de l’établissement sur décision administrative dans les seuls cas suivants : assassinat ou suicide dans l’établissement ; maladies, infections contagieuses ; intoxications alimentaires ; présence d’animaux ou insectes nuisibles ; insuffisance sanitaire".
Une telle clause ne conditionne pas la garantie des pertes d’exploitation à l’existence d’un lien de causalité entre l’activité assurée et la survenance de la maladie ou de l’infection contagieuse motivant la fermeture administrative de l’établissement.
Dans la mesure où l’interdiction par arrêté de la location à titre touristique de chambres d’hôtels a été décidée par le préfet en raison du risque particulier de propagation du virus que présentait cette catégorie d’établissements, elle constitue une fermeture de l’établissement assuré sur décision administrative en cas de maladies ou d’infections contagieuses au sens du contrat.
Civ. 2e, 13 mars 2025, 23-20.289, publié au Bulletin ; RGDA mai 2025, n° RGA202h6, p.32, note Luc Mayaux ; bjda.fr 2025, n° 98, note L. Perdrix.
Subrogation et concomitance du paiement
Selon l'article 1250 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la subrogation conventionnelle doit résulter de la volonté expresse de subroger, manifestée concomitamment ou antérieurement au paiement reçu de l'assureur.
Il en résulte que la concomitance de la subrogation et du paiement doit être spécialement établie par le subrogé, la quittance subrogative ne faisant pas preuve, par elle-même, de cette concomitance.
Civ. 2e, 13 février 2025, 23-15.912 ; LEDA avril 2025, n° DAS202m9, p.4, note Juliette Mel ;bjda.fr 2025 n° 98, note Ph. Casson - Civ. 2e, 7 mai 2025, 23-18.893 ; RGDA juin 2025, n° RGA202j0, p. 15, note Jérôme Kullmann.
Recours de l'assureur automobile dont le contrat est nul contre un autre assureur impliqué
Selon l'article L. 113-8 du code des assurances, le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans incidence sur le sinistre.
Est inopposable aux tiers victimes la nullité d'un contrat d'assurance de responsabilité civile automobile résultant de fausses déclarations initiales du preneur d'assurance (CJUE, arrêt du 20 juillet 2017, Fidelidade-Companhia de Seguros, C-287/16).
Toutefois, lorsque l'assureur, dont le contrat a été annulé pour fausse déclaration, a indemnisé des victimes de l'accident pour le compte de qui il appartiendrait, il est fondé à réclamer à l'un quelconque des assureurs des véhicules impliqués la restitution de l'intégralité des sommes versées (2e Civ., 7 juillet 2011, pourvoi n° 10-19.960).
Dès lors, si l'assureur dont le contrat est nul est tenu d'indemniser les tiers lésés, à l'égard desquels la nullité est inopposable, il est en droit d'obtenir de l'assureur d'un autre véhicule impliqué dans l'accident, auquel cette nullité est opposable, le remboursement de l'intégralité des sommes qu'il a versées.
Civ. 2e, 26 juin 2025, 23-20.778 ; publié au Bulletin
Etendue des garanties de l'assurance RC après livraison
Selon l'article 1382-2, devenu 1245-1, du code civil, le régime de responsabilité du fait des produits défectueux s'applique à la réparation du dommage qui résulte d'une atteinte à la personne et à la réparation du dommage supérieur à un montant déterminé par décret, qui résulte d'une atteinte à un bien autre que le produit défectueux lui-même.
Aux termes de l'article 1386-8, devenu 1245-7, du code civil, en cas de dommage causé par le défaut d'un produit incorporé dans un autre, le producteur de la partie composante et celui qui a réalisé l'incorporation sont solidairement responsables.
Dès lors que des boîtiers de connexion, qui étaient montés en sous-face de panneaux photovoltaïques, présentaient un risque incontrôlé d'échauffement et d'incendie, que ce défaut affectait seulement ces boîtiers et non les panneaux au sein desquels ils étaient incorporés et qui constituaient des produits distincts, qu'il avait entraîné un dommage distinct aux panneaux qui devaient être remplacés, de sorte que le coût de remise en état résultait directement du défaut affectant les boîtiers, l'assureur du fabricant doit sa garantie au titre des travaux de reprise.
Par ailleurs, dès lors, d'une part, que le défaut affectait seulement les boîtiers et que le coût de remise en état résultait directement de ce défaut, d'autre part, que les dommages aux panneaux avaient rendu nécessaire l'arrêt de leur fonctionnement causant directement une perte d'exploitation électrique, les dispositions des conditions générales de la police d'assurance vainement invoquées par l'assureur de la responsabilité du producteur d'une partie composante, ne permettaient pas d'écarter sa garantie au titre des travaux de remise en état et des pertes d'exploitation électrique.
Civ. 1ère, 4 juin 2025, 23-19.724
Assurance RC après livraison et exclusions
Une société de transports frigorifique de denrées alimentaires, a conclu avec une entreprise assurée auprès de la société Axa, un marché ayant pour objet l'aménagement d'un bâtiment industriel frigorifique qui a présenté des problèmes récurrents de température, occasionnant des dommages.
Les conditions générales du contrat d'assurance stipulent que ne sont pas garantis " les frais engagés pour : - réparer, parachever ou refaire le travail, - remplacer tout ou partie du produit "
Les frais de sauvegarde des marchandises, de tracasseries administratives et de gestion du personnel n'entrent pas dans le champ des exclusions stipulées et doivent donc être couverts.
En revanche, sont compris dans les exclusions les frais d'interventions d'urgence de rajouts de fluides, de nouvelle installation frigorifique et de remplacement des éléments majeurs de l'installation qui ne sont donc pas garantis.
Civ. 3e, 6 mars 2025, 23-15.921 ; RGDA avril 2025, n° RGA202h1, p.43, note Anne Pélissier.
Si la clause excluant les frais de réparation de la chose livrée a finalement été validée (Com., 10 mai 2012, n° 08-22.049 : RGDA 2012, p. 1101, note J. Bigot - Civ. 3e, 6 nov. 2013, n° 12-22.066 - Civ. 3e, 7 novembre 2019, 18-22.033), c'est à condition qu'elle ne vide pas la police d'assurance de sa substance (Com., 20 octobre 2015, 14-16.371 ; RGDA déc. 2015, n°112w9, p. 576, note Luc Mayaux - Civ. 3e, 13 octobre 2016, 15-13.445).
Si la garantie ne couvre pas les frais de réparation de la chose livrée, dans la mesure où il appartient au fournisseur de satisfaire à son obligation de garantie contractuelle ou légale et d'assumer son risque d'entreprise dont il ne peut se décharger sur son assureur, elle demeure applicable dans la limite des risques couverts à la responsabilité civile encourue par l'assuré du fait des dommages corporels et matériels aux tiers directement causés par un vice ou une défectuosité des matériels.
Exclusion de risque : Frais de remplacement
Selon l'article L. 113-1 du code des assurances, les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.
N'est pas formelle,comme susceptible d'interprétation, la clause selon laquelle sont exclus « les frais exposés pour le remplacement, la remise en état ou le remboursement des biens que vous avez fournis, et/ou pour la reprise des travaux exécutés par vos soins, cause ou origine du dommage, ainsi que les frais de dépose et repose et les dommages immatériels qui en découlent».
Civ. 3e, 5 décembre 2024, n° 23-12.129 ; bjda.fr 2025, n° 97, note A. Astegiano-La Rizza
Validité de la clause d'exclusion de risque des personnes vivant " sous le toit de l'assuré "
Il résulte de l'article L. 113-1 du code des assurances qu'une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation.
En l'espèce, un assuré avait souscrit un contrat d'assurance automobile « tous risques » pour garantir son véhicule, laquelle contenait une clause d'exclusion stipulant que la garantie du vol ne couvrait pas « les vols ou tentatives de vol commis par votre conjoint, vos ascendants, vos descendants ou autres personnes vivant sous votre toit (...) ».
Ce véhicule a été retrouvé accidenté et le neveu de l'assuré a avoué avoir dérobé le véhicule à son oncle alors qu'il résidait chez ce dernier, et être le responsable de l'accident.
La Cour de cassation a estimé que la clause d'exclusion de garantie excluant les vols commis par une personne vivant "sous le toit" de l'assuré était "précise", n'était pas susceptible d'interprétation, et avait donc un caractère formel au sens de l'article L 113-1 du Code des assurances, de sorte qu'elle en a confirmé sa validité.
Une telle appréciation peut surprendre au premier abord quand on connaît la sévérité dont fait preuve la jurisprudence quant à l'appréciation du caractère formel et limité d'une clause d'exclusion de garantie.
Toutefois, plusieurs circulaires, instructions ministérielles ou textes législatifs du Code de la sécurité sociale ou du Code général des impôts font référence à la notion de "vie sous le même toit", sachant qu'est dépourvue d'équivoque une expression qui reprend les termes d'une disposition légale, comme l'avait jugé la Cour de cassation à propos du terme "véhicule terrestre à moteur" (Civ. 2e, 20 janvier 2022, 20-14.999).
Civ. 3e, 3 avr. 2025, 23-20.003
La conjonction "et/ou" affecte la validité d'une exclusion
Un contrat d'assurance RC après livraison contient une clause excluant « les frais exposés pour le remplacement, la remise en état ou le remboursement des biens fournis, et/ou pour la reprise des travaux exécutés par vos soins, cause ou origine du dommage, ainsi que les frais de dépose et repose et les dommages immatériels qui en découlent ".
Une telle clause n'est pas formelle, alors qu'elle contient une conjonction "et/ou" qui peut conduire à une interprétation.
Civ. 3e, 5 décembre 2024, 23-12.129 ; bjda.fr 2025, n° 97, note A. Astegiano-La Rizza
La conjonction "lorsque" affecte la validité d'une clause d'exclusion
La clause d'exclusion de garantie stipulant que « demeure toutefois exclue :
-
la fermeture consécutive à une fermeture collective d'établissements dans une même région ou sur le plan national,
- "lorsque" la fermeture est la conséquence d'une violation volontaire à la réglementation, de la déontologie ou des usages de la profession ».
est rendue ambiguë par l'usage de la conjonction de subordination « lorsque », et nécessite interprétation, de sorte qu'elle doit être déclarée nulle comme non formelle sur le fondement de l'article L 113-1 du Code des assurances.
Civ. 2e, 23 janvier 2025, 23-14.482 ; LEDA mars 2025, n° DAS202k9, p.2, note Sabine Abravanel-Jolly - Pour LMA, l'emploi de la 'expression "tel que", est imprécise comme indicative et ne permet pas à l'assuré de connaître l'étendue de ses garantie - Rappelons que les clauses d'exclusion litigieuses, communes à toutes les garanties, prévues par la police, ne doivent pas vider le contrat d'assurance de sa substance(Civ. 2e, 11 février 2021, 19-23.977) - Civ. 1ère, du 15 décembre 1999 - Civ.1ère, 14 janvier 1992, 88-19.313)

Opposabilité d'une clause d'exclusion de garantie
Il résulte des articles L. 112-2 et R. 112-3, du code des assurances, ce dernier, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2018-229 du 30 mars 2018, qu'une clause d'exclusion de garantie doit avoir été portée à la connaissance de l'assuré au moment de son adhésion à la police ou, tout au moins, antérieurement à la réalisation du sinistre, pour lui être opposable.
C'est le cas lorsque l'assuré a reconnu, par une mention expresse de la proposition d'assurance revêtue de sa signature, que les conditions générales, comportant une clause d'exclusion de garantie litigieuse, lui avaient été remises avant la signature du contrat.
Civ. 2e, 7 novembre 2024, n° 23-10.612 ; LEDA déc. 2024, n° DAS202g6,p. 4, note Sabine Abravanel-Jolly ; RGDA déc. 2024, n° RGA202d9, p. 15, note Agnès Pimbert
La clause de garantie dans le temps est une condition de garantie
Selon l'article L. 113-1 du code des assurances, les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.
La clause intitulée « limitation dans le temps » du contrat liant une société à son assureur stipule que la demande d'indemnisation doit se rapporter à des produits fabriqués et livrés après la date d'entrée en vigueur de la couverture et pour lesquels les frais correspondants ont été exposés dans un délai de deux ans après que ces produits ont été livrés, formule des exigences générales et précises auxquelles la garantie est subordonnée, institue les conditions de celle-ci et non une exclusion de garantie, de sorte qu'elle échappe au régime des exclusions.
Il appartient donc à l'assuré de rapporter la preuve de la réalisation de cette condition.
Civ. 2e, 13 mars 2025, 22-24.196 ; RGDA avril 2025, n° RGA202g8, p.46, note Luc Mayaux
Assurance-vie : revirement de jurisprudence sur la substitution de bénéficiaire
Selon l'article L. 132-8 du code des assurances, à défaut d'acceptation par le bénéficiaire d'un contrat d'assurance sur la vie, le contractant a le droit de substituer un bénéficiaire à un autre, cette substitution pouvant être réalisée soit par voie d'avenant au contrat, soit en remplissant les formalités édictées par l'article 1690 du code civil, soit par voie testamentaire.
La Cour de cassation juge de manière constante que la liste des formes que peut prendre l'acte de substitution de bénéficiaire n'est pas limitative, que la modification du nom du bénéficiaire d'un contrat d'assurance sur la vie n'est subordonnée à aucune règle de forme et que l'assuré peut modifier jusqu'à son décès le nom du bénéficiaire du contrat d'assurance sur la vie, dès lors que sa volonté est exprimée d'une manière certaine et non équivoque, ce qui relève de l'appréciation souveraine des juges du fond.
La deuxième chambre civile avait cependant affirmé que, hors le cas d'une substitution de bénéficiaire par voie de testament olographe, la validité d'une telle modification est conditionnée, d'une part, à l'expression d'une volonté certaine et non équivoque du contractant, d'autre part, à la connaissance de cette modification par l'assureur avant le décès de l'assuré (2e Civ., 13 juin 2019, pourvoi n° 18-14.954, publié ; 2e Civ., 10 mars 2022, pourvoi n° 20-19.655, publié).
Or,la désignation d'un bénéficiaire est un acte unilatéral de volonté et la faculté de substitution n'exige ni le concours du bénéficiaire ni le consentement de l'assureur, lequel ne peut en aucun cas s'opposer à la volonté du contractant.
Dès lors, la connaissance de cette volonté par l'assureur ne peut pas conditionner la validité de la substitution de bénéficiaire opérée par le contractant.
En conséquence,il convient de juger désormais que la substitution du bénéficiaire d'un contrat d'assurance sur la vie, qui n'est subordonnée à aucune règle de forme, suppose seulement, pour sa validité, que la volonté du contractant soit exprimée d'une manière certaine et non équivoque, condition appréciée souverainement par les juges du fond.
Civ. 2e, 3 avril 2025, 23-13.803, publié au Bulletin ; RGDA mai 2025, n° RGA202h5, p. 23, note Luc Mayaux ; LEDA mai 2025, n° DAS202n8, p. 1, note Michel Leroy.
Délais de procédure de règlement de sinistre incendie
Aux termes de l'article L. 122-2 du code des assurances, les dommages matériels résultant directement d'un incendie ou du commencement d'un incendie sont seuls à la charge de l'assureur, sauf convention contraire.
Si, dans les trois mois à compter de la remise de l'état des pertes, l'expertise n'est pas terminée, l'assuré a le droit de faire courir les intérêts par sommation ; si elle n'est pas terminée dans les six mois, chacune des parties peut procéder judiciairement.
Il en résulte que les parties ne sont pas recevables à saisir le juge avant l'expiration d'un délai de six mois suivant la remise de l'état des pertes à l'assureur, sauf si l'expertise amiable a pris fin avant l'expiration de ce délai.
Il s'agirait d'une fin de non-recevoir.
Cependant, lorsque l'assureur a fait connaître son refus de garantie, l'assuré peut saisir le juge pour contester cette décision, sans être tenu de respecter la procédure prévue par l'article L. 122-2 du code des assurances.
Civ. 2e, 13 mars 2025, 23-10.961, publié au Bulletin ; SJ, G, act. 5 mai 2025, act. 527,note Bélinda Waltz-Terracol ; LEDA mai 2025, n° DAS202o1, p. 3, note Axelle Astegiano-La Rizza
L'action en répétition de l'indu ne nécessite pas que le règlement ait été effectué "sous réserve de garantie"
Aux termes de l'ancien article 1235 du Code civil, tout paiement suppose une dette : ce qui a été payé sans être dû, est sujet à répétition.
L'ancien article 1376 prévoit que celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.
Dans la mesure où un assureur à payé par erreur une indemnité provisionnelle à son assuré, et s'aperçoit par la suite que sa garantie n'était pas due, il n'a pas à justifier lui avoir adressé cette somme "sous réserve de garantie" pour en demander la restitution.
En effet, aucun préjudice n'étant démontré à l'assuré, l'assureur n'était tenu à aucune dette et l'acompte doit donc lui être restitué.
Civ. 2e, 13 mars 2025, 23-13.219 ; bjda.fr 2025 n° 98, note Ph. Casson.
Défaut de signature de la police et plafond de garantie
Il résulte de l'article 1134, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et les articles L. 112-2, L. 112-3 et L. 112-4 du code des assurances qu'une clause de limitation de garantie doit avoir été portée à la connaissance de l'assuré au moment de son adhésion à la police ou, tout au moins, antérieurement à la réalisation du sinistre, pour lui être opposable.
Dans la mesure où ni les conditions générales du contrat d'assurance, ni la fiche contenant les conditions particulières propres à l'assuré souscripteur ne sont signées par ce dernier, il appartient à l'assureur de rapporter la preuve que l'assuré a eu connaissance, avant le sinistre, du plafond de garantie.
Civ. 2e, 13 février 2025, 23-17.739 ; .
LEDA avril 2025, n° DAS202m5, p.2, note Axelle Astegiano-La Rizza ; RGDA mai 2025, n° RGA202i0, p. 15, note Agnès Pimbert.
Cette solution est applicable aux sanctions pour déchéance de garantie pour fausse déclaration (Civ. 2e, 15 sept. 2022, n°21-12.278, publié au bulletin) ou aux clauses d'exclusion de garantie (civ. 3e, 11 mai 2023, 21-21.402)
Toutefois, la Cour de Cassation estime qu'il appartient au juge de rechercher "quel était le périmètre contractuel de la garantie", délimitant le droit à indemnisation de l'assurée et des victimes par ricochet, au titre d'une assurance des dommages corporels du conducteur (Civ. 2e, 15 décembre 2022, 21-10.085)- Civ. 2e, 13 février 2025, 23-10.039 - RGDA avril 2025, n° RGA202h3, p.15, note Agnès Pimbert ; bjda.fr 2025, n° 98, note Sabine Abravanel-Jolly.
A noter que les assureurs doivent être prudents dans la mesure où la seule mention d'une signature électronique ne suffit pas à en constituer la preuve d'un acte, même accompagnée de pièces annexes. Il est nécessaire de respecter les dispositions des articles 1366 et 1367, al.2 du Code civil, en justifiant :
- d'une preuve technique vérifiable;
- d'un procédé fiable d'identification de la signature garantissant son lien avec l'acte auquel elle se rattache;
- de documents établis et conservés dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité.
Voir notamment : CA Riom, 19 mars 2025, RG n°24/00497
Faute dolosive du promoteur immobilier
Un promoteur livre un immeuble en s'abstenant de faire réhausser les conduits de cheminée d'une maison voisine d'une certaine hauteur par rapport au faîtage de l'ouvrage en construction, alors qu'il avait eu pleinement connaissance de la nécessité de ces travaux de rehaussement dans un rapport d'expertise préventif.
Le refus délibéré du promoteur de faire réaliser les travaux préconisés par l'expert, avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables pour l'immeuble voisin, caractérise sa faute dolosive, excluant la garantie de son assureur de responsabilité civile sur le fondement de l'article L 113.1 du Code des assurances.
Civ.3e, 21 novembre 2024, 23-15.803 ; RGDA décembre 2024, n° RGA202d5, p.21, note Pascal Dessuet ; LEDA janvier 2025, n° DAS202i1, p.2, note Sabine Abravanel-Jolly ; GPL 11 mars 2025, n° GPL474h6, p. 48, note Philippe Giraudel
Inopposabilité de la nullité de l'article L. 113-8 aux victimes par ricochet
La directive 2009/103/CE du 16 septembre 2009 définit la « personne lésée » comme celle « ayant droit à la réparation du dommage causé par des véhicules ».
Il s'en déduit que la nullité édictée par l'article L.113-8 du code des assurances n'est pas opposable à la victime par ricochet qui est également le preneur d'assurance, à l'origine de la fausse déclaration de ce preneur d'assurance faite lors de la conclusion du contrat, quant à l'identité du conducteur habituel du véhicule concerné (CJUE, arrêt du 19 septembre 2024, C-236/23).
La nullité lui reste cependant opposable si elle a commis un abus de droit en effectuant de fausses déclarations dans le but essentiel de se prévaloir lui-même des articles 3 et 13 de la directive 2009/103 pour contourner une disposition nationale relative aux conditions légales de nullité d'un contrat.
L'assureur ne peut donc pas opposer à la Caisse primaire d'assurance maladie, tiers payeur subrogé dans les droits des victimes, la nullité du contrat d'assurance qu'il ne peut pas opposer à ces dernières.
Civ. 2e, 23 janvier 2025, 23-15.983, publié au Bulletin et au rapport; LEDA mars 2025, p.1, n° DAS202k8, note Céline Béguin-Fayne ; RGDA mars 2025, n° RGA202f7, p. 21, note James Landel ; bjda.fr 2025, n° 97, note L. Perdrix ; RC et Ass, mars 2024, Etude 3 P.Brun et V. Tournaire ; GPL 25 mars 2025, n° GPL475e6, p. 13, note Éva Helesbeux ; RGDA avril 2025, n° RGA202g9, p.19, note Philippe Brun
Action directe : Formalisme de L.112-4 inopposable aux tiers lésés
Selon l’article L. 112-4 du code des assurances, les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents.
Seules les parties au contrat d’assurance peuvent invoquer le non-respect du formalisme prévu par ce texte pour solliciter la nullité d'une clause d'exclusion, et non le tiers lésé agissant par voie d'action directe contre l'assureur.
Civ. 2e, 19 déc. 2024, n° 22-17.119, publié au bulletin ; RGDA janvier 2025, n° RGA202e6, p. 21, note Luc Mayaux,LEDA févr. 2025, n° DAS202j4, p. 1, note Pierre-Grégoire Marly - A noter que si le tiers lésé ne peut invoquer la nullité des clauses non rédigées en caractères apparents pour exercer une action directe à l'encontre de l'assureur de l'assuré responsable de son dommage, il dispose d'un droit d'action intégral contre ce dernier. Celui-ci peut alors solliciter la garantie de son assureur qui ne saurait, à son égard, invoquer la nullité d'une clause d'exclusion non rédigée en caractères apparents.
Assurance de personne : Pathologie préexistante apparue en cours de contrat
Selon l'article 7 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, dite « loi Evin », telle que modifiée par la loi n° 94-678 du 8 août 1994, lorsque des assurés ou des adhérents sont garantis collectivement contre les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, le risque décès ou les risques d'incapacité ou d'invalidité, la résiliation ou le non-renouvellement du contrat ou de la convention est sans effet sur le versement des prestations immédiates ou différées, acquises ou nées durant son exécution. Le versement des prestations de toute nature se poursuit à un niveau au moins égal à celui de la dernière prestation due ou payée avant la résiliation ou le non-renouvellement, sans préjudice des révisions prévues dans le contrat ou la convention. De telles révisions ne peuvent être prévues à raison de la seule résiliation ou du seul non-renouvellement.
Les dispositions de ce texte n'interdisent pas aux parties de définir les conditions d'acquisition de la garantie.
Ayant constaté que le contrat garantissait les risques « incapacité » et « invalidité » et qu'avant la résiliation de celui-ci, l'assuré s'était trouvé dans l'incapacité totale de travailler en raison d'une pathologie dont les premières manifestations cliniques étaient apparues en cours de contrat, la cour d'appel, faisant application des stipulations contractuelles, en a exactement déduit que l'assureur était tenu de prendre en charge les conséquences de cette affection au titre du contrat de prévoyance.
Civ.2e, 7 novembre 2024, 23-11.055 ; RGDA déc. 2024, n° RGA202d2, p. 26, note Luc Mayaux
Point de départ du délai de déclaration de sinistre
Il résulte de l'article L. 113-2, 4°, du code des assurances, déclaré d'ordre public par l'article L. 111-2 de ce code, que le délai imparti à l'assuré pour donner avis à l'assureur de tout sinistre de nature à entraîner la garantie de celui-ci a pour point de départ la connaissance du sinistre par l'assuré, c'est-à-dire la connaissance à la fois de l'événement et des conséquences dommageables de nature à entraîner la garantie de l'assureur.
La clause clause selon laquelle " le capital accident n'est versé que si la reconnaissance de votre état fait suite à une demande d'ITD par accident formulée expressément dans les 24 mois qui suivent le jour de l'accident " instaure non une condition de la garantie mais une déchéance de garantie.
En ce qu'elle impose à l'assuré un délai de 24 mois qui suit le jour de l'accident pour former une demande de garantie, indépendamment de la connaissance par l'intéressé des conséquences dommageables de nature à entraîner la garantie de l'assureur, cette clause n'est pas conforme aux dispositions précitées et est inopposable à l'assuré.
Civ. 2e, 7 novembre 2024, 23-10.992 ; RGDA mars 2025, n° RGA202f2, note Anne Pélissier.
Contrôle des clauses abusives et autorité de la chose jugée
Aux termes de l'article 7, §1 de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, les États membres veillent à ce que, dans l'intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l'utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.
Selon l'article L. 212-1, du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Par un arrêt du 26 janvier 2017 (C-421/14 ECLI : EU : C : 2017 : 60 Banco Primus), la Cour de justice de l'Union Européenne a dit pour droit que l'autorité de la chose jugée ne fait pas obstacle, en soi, à ce que le juge national soit tenu d'apprécier, sur la demande des parties ou d'office, le caractère éventuellement abusif d'une clause, même au stade d'une mesure d'exécution forcée, dès lors que cet examen n'a pas déjà été effectué à l'occasion du précédent contrôle juridictionnel ayant abouti à la décision revêtue de l'autorité de la chose jugée.
Dès lors, une Cour d'appel est tenue de procéder à l'examen du caractère abusif des clauses litigieuses, auquel ne s'était livrée aucune autre juridiction, sans que l'autorité de la chose jugée d'un jugement ni son caractère irrévocable ne puissent faire obstacle à cet examen.
Civ. 2e, 12 juin 2025, 22-22.946, publié au Bulletin - DA, 20 juin 2025, note C. Hélaine.
Portée du rapport d'expertise amiable
En application de l’article 16 du code de procédure civile ce texte, le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties, même si cet expert est inscrit sur les listes judiciaires, peu important que les opérations d’expertise ait eu lieu en présence des parties (Civ. 2e, 25 mai 2022, 21-12.081).
Toutefois, le juge ne peut refuser d’examiner ce rapport, dès lors que celui-ci a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties, mais il lui appartient alors de rechercher s’il est corroboré par d’autres éléments de preuve (Mixte, 28 septembre 2012, 11-18.710, publié au Bulletin – Civ. 2e, 30 novembre 2023, 21-25.640).
Civ. 3e, 30 avril 2025, 23-18.729
; GPL 20 mai 2025, n° GPL475u7, p. 10, note Jean-Marc Noyer (Fixation de loyer renouvelé)
Prescription de l'action pour trouble de voisinage
Il résulte de l'article 2224 du code civil que la prescription quinquennale à laquelle est soumise l'action en responsabilité pour trouble anormal de voisinage court à compter de la première manifestation des troubles, leur seule répétition sur une longue période ne faisant pas courir un nouveau délai de prescription.
En second lieu, M. [U] ayant soutenu devant la cour d'appel qu'il était recevable à agir à l'encontre des propriétaires successifs et donc directement à l'encontre de la société X, en faisant valoir qu'elle avait commencé son exploitation à compter du 3 décembre 2013, de sorte que son action n'était pas prescrite, il n'est pas recevable à présenter devant la Cour de cassation un moyen contraire à ses propres écritures, tiré de ce qu'il aurait été dans l'impossibilité d'agir contre le précédent exploitant.
Civ. 3e, 14 novembre 2024, n° 23-21.208
Prescription de l'action contre un notaire du fait d'une décision de l'administration
Aux termes de l'article 2224 du Code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Il s'en déduit que le délai de prescription de l'action en responsabilité civile court à compter du jour où celui qui se prétend victime a connu ou aurait dû connaître le dommage, le fait générateur de responsabilité et son auteur ainsi que le lien de causalité entre le dommage et le fait générateur.
Lorsque l'action en responsabilité tend à l'indemnisation d'un préjudice né d'une décision de l'administration, la prescription ne court pas, en l'absence de recours, tant que cette décision n'a pas acquis un caractère définitif.
Ainsi, pour déclarer une action en responsabilité irrecevable contre un notaire comme prescrite, un arrêt avait retenu qu'après réception d'un courrier, des acquéreurs avaient eu connaissance d'un préjudice qui n'était pas seulement hypothétique, puisqu'il devait être évident pour eux qu'ils allaient devoir faire face à une demande de mise en conformité, qu'ils savaient qu'ils allaient à un différend avec l'administration, laquelle leur avait indiqué de la façon la plus claire que l'immeuble qu'ils avaient acquis se trouvait en infraction, et qu'ils avaient alors connaissance d'un fait susceptible d'engager la responsabilité du notaire instrumentaire.
En statuant ainsi, alors que le dommage subi par les acquéreurs ne s'était pas manifesté tant que la décision de l'administration n'avait pas acquis un caractère définitif, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Civ. 1ère, 12 mars 2025, 23-15.225
Rappel : Le délai biennal de 1648, al.1 du Code civil est un délai de prescription susceptible de suspension
Il a été jugé que le délai biennal prévu par l'article 1648, al. 1, du Code civil pour intenter l'action en garantie à raison des vices cachés de la chose vendue est un délai de prescription susceptible de suspension en application de l'article 2239 ces textes (Ch. mixte, 21 juillet 2023, pourvoi n° 21-15.809, publié).
La sécurité juridique, invoquée sur le fondement du droit à un procès équitable pour contester l'application immédiate d'une solution nouvelle résultant d'une évolution de jurisprudence, ne saurait consacrer un droit acquis à une jurisprudence figée, dès lors que la partie qui s'en prévaut n'est pas privée de l'accès au juge.
Civ. 3e, 20 mars 2025, 23-19.610 -
Précision sur les modes d'interruption du délai de péremption d'instance
Aux termes de l'article 386 du CPC, l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.
Il résulte de ces textes qu'il appartient aux parties, sauf lorsque la direction de l'instance leur échappe, d'accomplir les actes sous les charges qui leur incombent pour éviter la péremption de l'instance, sanction qui tire les conséquences de leur inertie dans la conduite du procès.
Le juge, saisi par une partie d'un incident de péremption ou se saisissant d'office de cet incident, doit donc rechercher si la péremption est acquise ou non au regard des diligences accomplies par les parties.
Pour apprécier si un acte constitue une diligence interruptive de péremption, la Cour de cassation a retenu, selon les procédures, des critères qui pouvaient être différents.
Cette disparité commandait de clarifier la jurisprudence en redéfinissant les critères de la diligence interruptive de péremption, dans l'objectif de prévisibilité de la norme et de sécurité juridique.
Il convient, en conséquence, de considérer désormais que la diligence interruptive du délai de péremption s'entend de l'initiative d'une partie, manifestant sa volonté de parvenir à la résolution du litige, prise utilement dans le cours de l'instance. Ces conditions, qui dépendent de la nature de l'affaire et de circonstances de fait, sont appréciées souverainement par le juge du fond.
Cette volonté de parvenir à la solution du litige peut notamment résulter d'un changement de constitution d'avocat en cours de procédure et, dans ce contexte, d'une sommation de communiquer.
Civ. 2e, 27 mars 2025, 22-20.067, publié au Bulletin
Effet dévolutif de l'appel en cas de précision sur l'objet de la déclaration
Selon l'article 562 du CPC, l'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel
tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Selon l'article 901, la déclaration d'appel est faite par acte contenant les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
En l'espèce, la déclaration d'appel, sous la rubrique « objet et portée de l'appel », mentionnait « appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués. Il est demandé à la cour d'appel de confirmer le jugement », suivent les condamnations à paiement de la société et « l'infirmer pour le surplus et le réformant », suivent les demandes.
Cette déclaration a ainsi distingué les chefs de la décision dont elle sollicitait la confirmation, du « surplus » de la décision dont elle demandait l'infirmation, sans autre précision, hormis l'énumération des chefs de demande réitérés en appel.
La Cour d'appel a donc retenu à tort que la demande d'infirmation du jugement " pour le surplus " ne satisfaisait pas à l'exigence de citer les chefs du jugement expressément critiqués et a " constaté " l'absence d'effet dévolutif de l'appel interjeté, alors que l'acte d'appel précisant ainsi son objet, il s'en déduisait nécessairement l'énumération des chefs de jugement critiqués.
Civ. 2e, 27 mars 2025, 22-21.602, publié au Bulletin.
Même si la Cour de Cassation a ainsi sauvé "l'appelant" d'une irrecevabilité, on ne saurait trop conseiller aux avocats, dans le cadre de leur obligation de diligence, de compétence et de prudence, de faire preuve de rigueur dans leur déclaration d'appel, en précisant expressément les "chefs de jugement critiqués auxquels l'appel est limité", tels qu'exigés par les textes...
Pas d'article 700 en cas de mesure d'instruction ordonnée au titre de l'article 145
La partie défenderesse à une demande de mesure d'instruction, ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, ou demanderesse à la rétractation d'une telle mesure, ne peut être considérée comme une partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, cette mesure d'instruction n'étant pas destinée à éclairer le juge d'ores et déjà saisi d'un litige mais n'étant ordonnée qu'au bénéfice de celui qui la sollicite en vue d'un éventuel futur procès au fond.
Dés lors, aucune somme ne saurait lui être allouée au titre des dépens et de l'article 700 du CPC.
Civ.2e, 21 novembre 2024, 22-16.763, publié au bulletin
Voila une décision qui pourrait heurter certains praticiens. Mais, il est vrai qu'en application de l'article 700 du CPC, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
Les dépens doivent donc être mis en principe à la charge du demandeur, dans la mesure où il ne peut y avoir de perdant si aucune des parties ne s'oppose pas à la mesure sollicitée.
Toutefois, la mesure sollicitée n'est pas de droit, et le demandeur à une mesure d’expertise in futurum doit alors démontrer en quoi elle est utile et constitue un motif légitime d’établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige (Civ. 3e, 30 mars 2023, n°21-25.114).
Dès lors, si l'une des parties défenderesses la conteste, et s'y oppose en invoquant notamment l'absence d'intérêt légitime, la solution est plus contestable car un véritable débat s'instaure alors devant le Juge des référés qui aura à trancher cette contestation et donnera raison à l'une ou à l'autre.
Dès lors, il y aura nécessairement un "perdant"...
Si les dépens doivent en tout état de cause rester à la charge du seul demandeur, puisque, selon la Cour de Cassation, aucune somme ne peut être allouée au perdant dans cette hypothèse, y compris au titre de l'article 700, peut-être ce "succombant" pourrait il solliciter une somme à titre de dommages et intérêts pour procédure ou pour résistance abusive, car le défendeur aura pu exposer des frais pour sa défense, notamment devant le Juge des référés où la représentation par avocat est obligatoire ?
Cela n'est toujours pas l'avis de la Cour de Cassation qui dans une telle hypothèse et par un arrêt du 10 février 2011 n°10-11.774 publié au Bulletin, a refusé d'accorder des dommages et intérêts à la partie demanderesse pour appel abusif.
Mais rien n'empêchera le demandeur de demander le remboursement de ses frais de référé et d'expertise à l'occasion de la procédure au fond qui s'ensuivra.
La transaction n'emporte pas novation
Un ouvrage a été réceptionné en 2000 et a fait l'objet de désordres qui ont donné lieu à une procédure judiciaire.
En 2013, les parties ont conclu une transaction aux termes de laquelle un constructeur devait réaliser divers travaux de réparation et le syndicat des copropriétaires se désister de l'instance qu'elle avait engagée.
Se prévalant de l'exécution défectueuse de ces travaux de reprise, le syndicat des copropriétaires a assigné ce constructeur en 2014, aux fins de résolution de la transaction et en réparation des désordres.
Or, sauf intention contraire des parties, la transaction n'emporte pas novation (Civ. 1ère, 21 janvier 1997, n° 94-13.826, 94-13.853, publié au Bulletin).
Aux termes des articles 1271 1° et 1273 du Code civil, la novation s'opère lorsque le débiteur contracte envers son créancier une nouvelle dette qui est substituée à l'ancienne, laquelle est éteinte. Elle ne se présume point. Il faut que la volonté de l'opérer résulte clairement de l'acte.
En l'absence de l'expression d'une telle volonté, la transaction n'a pas entraîné de novation par substitution à la convention initiale d'un nouveau contrat de louage d'ouvrage, à raison duquel la responsabilité de l'entreprise pourrait être engagée, indépendamment des désordres affectant les travaux réalisés en 2000.
Il en résulte que l'action intentée en 2014 aux fins de résolution de la transaction et en réparation des désordres était prescrite à l'encontre du constructeur, comme fondée sur les travaux réalisés en 2000, point de départ de la prescription.
Civ. 3e, 17 octobre 2024, 23-13.305
Note :
Une transaction ne porte que sur un droit qui existe déjà, et n'a pas pour effet de créer un nouveau droit sans volonté expresse des parties.
Or, le délai de dix ans pour agir contre les constructeurs sur le fondement de l'article 1792-4-3 du code civil est un délai de forclusion, qui n'est pas, sauf dispositions contraires, régi par les dispositions concernant la prescription, et la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait n'interrompt pas le délai de forclusion, notamment sur le fondement de l'article 1240 du Code civil (Civ. 3e, 10 juin 2021, n° 20-16.867, publié au Bulletin).
En l'espèce, cette solution est susceptible d'engager la responsabilité civile professionnelle du rédacteur de l'acte de transaction... Elle attire également l'attention sur les dangers que pourrait encourir un médiateur qui accepterait de conseiller ou de prêter son concours à un tel acte à l'issue d'une médiation, alors d'autant plus que ce n'est pas sa mission, et qu'il doit s'interdire d'intervenir dans l'élaboration de l'accord des parties. En revanche, il lui appartient d'inviter celles-ci à se rapprocher d'un professionnel, tel un avocat, pour mettre en forme un accord dès que celui-ci présente une certaine complexité.